Arbitrage : les trois grands chantiers de la FFF

Par Chemssdine Belgacem
9 min.
Antony Gautier, le patron des arbitres en France @Maxppp

Souvent décrié, l’arbitrage français veut construire sur de nouvelles bases saines. Pour améliorer le spectacle en Ligue 1 et en Ligue 2, la FFF a pointé trois axes de travail pour que l’arbitrage accompagne ces progrès souhaités.

Le nouveau crédo de la FFF est désormais la transparence. Désireuse de mettre fin à toutes les polémiques et d’assainir un maximum les discussions autour de l’arbitrage français, la Fédération a pris la décision d’inviter plusieurs journalistes ce mardi dans son siège du 15e arrondissement de Paris. Dans une grande salle de conférence, Philippe Diallo, en préambule, puis Antony Gautier, directeur technique de l’arbitrage, Amaury Delerue, manager-instructeur des arbitres, et Mickael Landreau, conseiller sportif de la préparation tactique et technique des arbitres, étaient présents pour expliquer quels étaient les futurs chantiers de la FFF pour perfectionner l’arbitrage dans l’Hexagone.

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Philippe Diallo défend le bilan de l’arbitrage français, mais pointe certains chantiers

Dans un premier temps, le président de la FFF Philippe Diallo a expliqué qu’il souhaitait tout faire pour que le football soit un spectacle en France : «On veut qu’il y ait plus de temps de jeu et que le football soit un spectacle. Quand je suis arrivé à la tête de la Fédération, nous étions dans une situation délicate. On avait la nécessité de trouver un remplaçant à Stéphane Lannoy. Mon choix s’est porté sur Anthony Gautier. Son profil correspondait à la philosophie et aux aspirations de la FFF. La deuxième étape était de donner une nouvelle impulsion suite au projet présenté par M.Gautier. Un renouvellement des hommes et des moyens. Amaury Delerue et Mickael Landreau représentent cette innovation. Il fallait un regard nouveau et extérieur pour améliorer l’échange avec les arbitres. Des nouveaux moyens ont été consacrés pour répondre aux attentes. Il y a eu des avancées économiques, on a augmenté le salaire de tous les arbitres, à chaque niveau, que cela soit chez les jeunes, dans le futsal ou dans les rencontres féminines. Nous voulions plus de transparence et du dialogue. (…) On a renouvelé le dialogue avec le monde professionnel. Un dialogue se crée. On avait une volonté d’amélioration et de modernisation. Nous voulons être une fédération motrice dans ces innovations. Nous voulons le temps de jeu le plus important possible.»

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En parallèle de cette ligne directrice qui est d’offrir toujours plus de place au spectacle, Philippe Diallo a également tenu à expliquer que l’arbitrage en France était de qualité en s’appuyant sur plusieurs autres données. Souvent ciblé comme étant haché, le jeu en Ligue 1 serait celui qui offrirait le plus de temps de jeu effectif en Europe d’après le dirigeant français. Ce dernier s’est par ailleurs félicité de voir plusieurs arbitres français être mis en avant par l’UEFA lors des compétitions continentales. «Je voudrais casser une idée reçue qui dit que les matches sont hachés explique Diallo. On regarde, et la Ligue 1 est le championnat avec le plus de temps de jeu effectif. Clément Turpin a arbitré le premier match de l’Euro, François Letexier le dernier. Un arbitre français pour commencer et pour terminer. Je pense que c’est une vraie reconnaissance de l’UEFA pour l’arbitrage français. En C1, M.Letexier était le quatrième arbitre de la finale. La saison ne manquera pas de polémiques et d’erreurs. Mais nous mettons tout en place pour les réduire au maximum. J’espère que ces progrès se marqueront cette saison par un apaisement dans les discussions d’après-match. L’outrance n’est pas bonne conseillère. Nous voulons, collectivement, veiller à respecter la personne des arbitres pour préserver l’image du football. Nous serons très vigilants à ce sujet.»

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Maximiser le temps de jeu effectif et accélérer le rythme du jeu

C’est l’une des grandes interrogations du football depuis de nombreuses années : comment faire en sorte d’avoir toujours plus de temps de jeu effectif ? Sous l’impulsion de cette idée mise en place dès la Coupe du monde 2022, l’augmentation du temps de jeu effectif est devenue un enjeu majeur dans le football. Pour éviter des rencontres trop hachées et pour offrir un maximum de divertissement aux spectateurs, les arbitres ont été investis d’une vraie mission. Depuis, plusieurs championnats ont décidé de travailler sur ce modèle-là qui vise à réduire les éléments qui pourraient ralentir le rythme d’une rencontre. Une mission qui est centrale pour la FFF, qui y travaille d’arrache-pied comme elle l’a confié ce mardi.

Présentant les changements qui seront apportés pour maximiser le temps de jeu effectif depuis plusieurs semaines, Antony Gautier a expliqué comment l’arbitrage allait changer cette façon de décompter les matches : «Nous avons demandé aux arbitres de diminuer la durée des interruptions des rencontres. Dans la mesure du possible, les arbitres devront réduire le temps d’interruption sur les coups de pied arrêtés. On leur a demandé d’agir que sur les cas de fautes avérés. Il faut accepter les micro-contacts. Pas les micro-fautes mais les micro-contacts inhérents au football. On leur a demandé d’avoir ce haut niveau de tolérance. Il faut poursuivre les actions un maximum pour augmenter la fluidité d’un match. Depuis 2023, l’IFAB a changé les règles du jeu en changeant le décompte du temps additionnel.»

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Pour autant, la maîtrise de ce temps de jeu effectif peut parfois s’avérer être un exercice piégeux. Pour compenser la perte de précieuses minutes, certains arbitres seraient tentés à l’idée de rajouter un temps additionnel monstre à l’issue des rencontres. Même si la France est assez épargnée dans ce registre-là, certains championnats n’hésitent pas à aligner les minutes. Le directeur technique de l’arbitrage a tenu le bilan de cette mise en place et s’est voulu satisfait de voir que la France arrive à montrer des résultats sans abuser du temps additionnel : «nous avons demandé aux arbitres qu’ils agissent avec discernement et prendre en considération les demandes de l’UNFP qui pensent être bonnes à prendre. Nous allons trouver un équilibre sur la mesure du temps additionnel. Il y a certes un temps additionnel en hausse, mais qui est certes mesuré (5,39 min en 2022-2023, 7,48 en 2023-2024). Nous voulons atteindre un temps de jeu effectif maximum. Il fait partie des olus importants au niveau des championnats majeurs. Nous sommes juste derrière la Premier League à ce niveau-là (55'51 de temps de jeu effectif en 2022-23, 57'49 en 2023-24, +3,7% d’évolution).»

Préserver l’image noble du football chez tous les acteurs

Dans la lignée de ce premier volet, Amaury Delerue a pris le relais de son directeur technique pour expliquer le deuxième chantier de la FFF en matière d’arbitrage. L’ancien arbitre de Ligue 1, qui a raccroché les crampons en 2022, s’est attardé en profondeur sur la manière de préserver l’image noble du football. Souvent ciblés, les arbitres représentent ces acteurs que l’on ne doit pas toucher. Un axe de défense qui tient à cœur de : «il faut initier ce qui a été fait sur l’Euro. Il y a un nouveau protocole avec l’explication des arbitres aux capitaines. Seul le capitaine s’adresse à l’arbitre. Cela demande une méthodologie spéciale. Il faut que les arbitres soient fermes sur les incontournables comme l’intégrité physique des joueurs et le second avertissement. Les arbitres doivent faire preuve d’intelligence situationnelle sur les mains. Ce que l’on souhaite, c’est éviter les attroupements autour de l’arbitre. Seul le capitaine devra demander une explication technique sur une décision majeure. Tout joueur qui s’approche en adoptant un comportement irrespectueux ou contestataire devra être averti. Ce dialogue avec les capitaines doit être renforcé au bénéfice de la sérénité. L’arbitre donne une explication aux deux capitaines. Il faut du calme autour de l’arbitre pour qu’il puisse donner cette explication.»

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Pour faire régner l’ordre autour des hommes en jaune, l’ancien arbitre de Ligue 1 a appelé à sanctionner n’importe quel comportement contestaire envers des décisions arbitrales. Pour lui, il faut lutter contre ces phénomènes avec la plus grande fermeté. «Tout joueur qui courra vers l’arbitre pour contester une décision, même le capitaine, sera averti. Le protocole demande du respect et un body language maîtrisé par tous les acteurs. Les arbitres savent le faire, il faut que tout le monde le fasse. Les joueurs décidant d’entourer l’arbitre pour contester une décision prendront un jaune. On a demandé à nos arbitres d’être très ferme pour ne plus voir ces situations d’attroupements collectifs vers l’arbitre. Dans quelle autre moment de notre vie pourrions-nous vivre ce genre de moments. Nous voulons aussi rester fermes sur les mises en danger physique des joueurs. Nous voulons protéger le jeu et les joueurs. C’est une mission fondamentale de l’arbitre. L’engagement physique accru demande forcément plus d’exigence par nos arbitres. Même si un bout du ballon est touché, ce n’est plus suffisant pour nos arbitres. Un joueur doit savoir ce qu’il fait de son corps et la maîtrise est importante. Un joueur qui nous dit qu’il joue le ballon n’est plus suffisant. Nous allons également demander aux arbitres d’être ferme au moment d’adresser un deuxième avertissement. Il faut être ferme sur les incontournables.»

Favoriser l’ouverture et la transparence autour de l’arbitrage

Pour finir, le dernier chantier ciblé par la FFF est la transparence vis-à-vis de l’arbitrage. En ce sens, la FFF a annoncé la mise en place de plusieurs concepts qui tendent à expliquer au grand public certaines décisions arbitrales qui peuvent créer la polémique à l’issue d’un week-end de compétition. Pour ce faire, la Fédération veut permettre aux spectateurs de se familiariser avec plusieurs notions techniques. Ainsi, depuis plusieurs années, les arbitres français ont le droit d’aller s’expliquer dans les débriefs d’après-match. En parallèle, la 3F va mettre en place deux concepts qui permettront à tout le monde de mieux cerner les décisions prises. En effet, sur son site, la Fédé fera des capsules avec Amaury Delerue qui expliquera certaines décisions qui ont provoqué un tollé. Des vidéos pour mieux expliquer le règlement et certains faits de jeu seront également créés comme l’a confirmé Antony Gautier. Ce dernier a néanmoins insisté pour que la parole des arbitres doive rester "ponctuelle" et doit être réservée "à certaines situations exceptionnelles".

Outre ces éclaircissements promis au grand public, cette transparence se fera par ailleurs auprès des institutions. Pour mieux expliquer certaines règles parfois méconnues ou mal comprises, les représentants du comité arbitral de la FFF se rendront dans les clubs pour s’expliquer avec les dirigeants, voire les joueurs de formations de Ligue 1 et de Ligue 2. Un processus qui a déjà recueilli quelques bons résultats à en croire M.Gautier : «nous avons proposé aux clubs de L1 et L2 de faire des visites dans les clubs pour proposer un échange entre toutes les parties. Nous avons proposé des séances en visio avec des clubs qui le souhaitent et qui ont un calendrier difficile. Le dialogue est permanent avec les clubs et les organisations. Nous souhaitons donner accès aux échanges entre les joueurs et les arbitres. Un comité de liaison a été créé entre la FFF et la LFP pour poursuivre l’ouverture vers les acteurs du jeu. Nous approchons les 85% de clubs que nous avons visités pour apporter ces nouveaux éléments.» Avec toutes ces nouvelles initiatives, la FFF va sûrement dans la bonne direction pour offrir un spectacle encore plus attrayant et assaini autour des championnats français. Néanmoins, les polémiques resteront forcément pour des décisions litigieuses qui font partie "des 20% de la zone grise" - comme cela a souvent été expliqué ce mardi - et il faudra voir comment la Fédération gérera ces prochaines crises d’arbitrages…

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