Mafia, crime et délinquance : l’Inter Milan au coeur d’un énorme scandale

Par Valentin Feuillette
6 min.
La Curva Nord de l'Inter @Maxppp

Si l’Inter de Simone Inzaghi continue d’assoir sa domination en Serie A cette saison, les coulisses du club continuent d’encaisser de graves problèmes en interne. Et l’ombre d’un nouvel orage est en train de s’installer dans le ciel nerazzurro…

Voilà maintenant plus d’un an que l’Inter Milan de Simone Inzaghi enchaîne les grosses performances. Après avoir remporté la Supercoppa et la Coppa tout en disputant la finale de la Ligue des Champions et assurant la 3ème place de Serie A l’année dernière, les Nerazzurri continuent leur bonhomme de chemin cette saison en dominant les débats en championnat avec une première position verrouillée sans relâchement ou presque depuis le début de la campagne, tandis que le club lombard a déjà verrouillé sa qualification pour les 8es de finale de C1. Pourtant, tout le paradoxe se trouve loin des pelouses. Si très peu de négatif peut être reproché à l’Inter Milan sur les pelouses, les coulisses des Nerazzurri connaissent des remous depuis plusieurs mois désormais. Entre la vente éternellement retardée, les multiples procès à l’international du président et propriétaire Steven Zhang et les dettes plurielles contractées, les dirigeants du Biscione ont bien du mal à sortir la tête de l’eau et cela ne fait qu’empirer…

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Et malheureusement, ils ne sont pas aidés par certains acteurs extérieurs au club. En effet, plusieurs groupes d’ultras de la Curva Nord se retrouvent aujourd’hui en pleine tourmente judiciaire, au point d’amener des dommages collatéraux à l’Inter. Selon les informations du journal d’investigation italien, Il Fatto Quotidiano, une enquête sans précédent au niveau national menée par la Division des enquêtes générales et des opérations spéciales (Digos) a mis en lumière l’anatomie criminelle qui se cache derrière la Curva Nord, le secteur le plus vaste chez les tifosi et ultras de l’Inter. Dans le collimateur des autorités chargées de l’enquête, l’homme d’affaires connu sous le nom de «Zio», Vittorio Boiocchi. Il était un criminel reconnu ayant écopé d’une peine de 26 ans de prison pour des accusations de vol, d’enlèvement, d’extorsion, de trafic de drogue et d’association de malfaiteurs. Son influence a imprégné les ultras intéristes pendant un peu plus de trois ans, de 2019 jusqu’à son assassinat le 29 octobre 2022.

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Des liens avec la 'Ndrangheta !

En dehors de ses activités illégales, loin du secteur sportif, Vittorio Boiocchi est désormais accusé de plusieurs méfaits directement en lien avec l’Inter Milan. Libéré en mai 2018 après trois décennies de prison, le «Zio» est pointé du doigt pour une série d’activités suspectes. Parmi celles-ci, on retrouve : accès illégal au stade, vantardise avec la complicité assumée de certains dirigeants de l’Inter, gestion de voitures VIP au parking du stade, investissements dans les agences de paris, comptes bancaires, coffres-forts et relations avec des politiques de haut rang. Les dirigeants des Nerazzurri, impliqués dans l’affaires, n’ont néanmoins pas été mis en examen car considérés comme partie lésée par le parquet, ayant été officiellement «victimes du comportement menaçant des ultras». L’enquête du parquet de Milan, toujours ouverte, s’est concentrée sur la dynamique interne de la Curva Nord, avec une attention particulière sur la gestion imposée par Boiocchi. Après sa mort, la direction fut modifiée, mais les individus déjà liés au Zio restent impliqués dans la gestion. Le contrôle de la Curva Nord est désormais entre les mains d’un petit groupe connu sous le nom du «Cercle magique des Huit» qui se réunit chaque semaine. Parmi eux, outre Bosetti et Beretta, il y a aussi Jacopo Pedrazzoli, leader du goupe d’ultras des Irriducibili et membre du mouvement d’extrême-droite Lealtà Azione. Au centre de cette intrigue judiciaire complexe apparaît aussi l’association «We are Milano», créée à l’origine pour organiser des événements caritatifs en collaboration avec la communauté Exodus du prêtre et militant, Don Antonio Mazzi.

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Cependant, selon l’enquête Digos, la réalité est bien différente. Il s’agirait finalement d’une façade juridique utilisée pour inclure deux députés européens au sein du Parlement italien : Carlo Fidanza de Fratelli d’Italia (le parti de Giorgia Meloni) et Silvia Sardone de la Lega Nord. L’objectif était d’offrir à Vittorio Boiocchi et ses bras droits une plus grande crédibilité pour faciliter les contacts avec la direction de l’Inter - étant donné que les clubs de football ne peuvent pas interagir directement avec les ultras. Cette association n’était donc qu’une des nombreuses branches d’un groupe criminel installé au sein de la Curva Nord, ayant des liens directs avec Giuseppe Caminiti qui était chargé de gérer le parking VIP du stade de Giuseppe-Meazza. Ce dernier est d’ailleurs un proche de Salvatore Papandrea, un trafiquant de drogue de la mafia 'Ndrangheta. L’enquête révèle aussi que Caminiti a été payé par la société Kiss and Fly, qui fait partie d’un consortium d’entreprises ayant un contrat de gestion d’un million d’euros avec la société Mi-Stadio, répartie à parts égales entre l’Inter Milan et l’AC Milan. Le conseil d’administration de Mi-Stadio a vu alterner des hommes politiques et des fils d’hommes politiques ces dernières années. La manière de communiquer avec certains dirigeants de l’Inter et les demandes formulées «suivent une logique de type mafieux» avec «des tentatives d’intimidation visant à atteindre des objectifs illicites», selon le rapport de l’enquête Digos.

Le silence et le malaise de l’Inter…

Même si l’Inter Milan n’est en soit pas directement incriminé, le club pourrait bien recevoir un effet domino négatif de cette affaire, surtout que le club n’a jamais réellement communiqué à ce sujet. Un silence assourdissant qui ne joue pas en faveur du club aux 19 Scudetti et qui agace énormément les milliers d’autres tifosi innocents au stade : «On doit garder la présomption d’innocence pour tout le monde pour les hommes politiques et les dirigeants de l’Inter. Surtout qu’il est précisé qu’aucun dirigeant de l’Inter, ni d’homme politique n’est sous enquête actuellement, contrairement à la Curva Nord. Je ne vais pas tomber de ma chaise, les Curve en général en Italie, c’est malheureusement fréquent. Cela concerne surtout les dirigeants des Ultras. parce que le jeune ultra qui a 20 ans vient surtout pour le match et les chants. Je ne m’assimile pas à cette Curva, ce ne sont pas mes valeurs. Je suis un supporter de l’Inter modéré, je les considère trop extrêmes dans leur manière d’agir, de supporter et de parler. Personne n’est sous enquête au club et s’il y a des personnes à condamner, la justice les condamnera. Je ne me sens absolument pas représenté par cette Curva et je n’ai pas envie qu’on me représente comme supporter de l’Inter à travers cette Curva», nous confie Karim du média La Beneamate sur X consacré à l’actualité du club lombard.

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Il est vrai que la Curva Nord de l’Inter Milan n’en est pas à sa première casserole médiatique. Pour rappel, les ultras de cette tribune de Meazza avaient publié un étonnant plaidoyer en 2019, après les cris de singe visant Romelu Lukakun en expliquant que cela n’était qu’un outil simple de déstabilisation. En 2022, un ultra de la Curva Nord a été interdit de stade pour avoir forcé certains supporters à quitter la tribune en utilisant des moyens d’intimidations violents, dix autres supporters ultras restent encore sous enquête dans ce dossier : «Je pense que cela n’est pas encore allé assez loin pour que le club puisse réagir. Il y a eu un papier relayé sur Calcio e Finanza. Les accusations sont très graves mais il y a eu aucun dirigeant sous enquête. C’est pour ça que le club se dit qu’il n’y a pas de volonté réelle de contre-attaquer, du moins médiatiquement. Ils sont conscients par rapport à cet article. Et à mon avis, les communicants du club doivent penser qu’il est mieux pour le moment de ne pas répondre», conclut ensuite Karim. En tout cas, les liens entre ces ultras milanais et les secteurs les plus sombres de la société italienne devront être un peu plus mis en lumière ces prochaines semaines jusqu’aux condamnations qui devraient suivre.

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