L'Allemagne est furieuse contre Robert Lewandowski
La demande de départ de Robert Lewandowski était déjà mal passée au Bayern Munich mais la manière et les récentes déclarations du Polonais en ont rajouté une couche. Autrefois prophète en Bundesliga, l'attaquant est désormais la cible de toutes les critiques en Allemagne. Ou presque.
Dans d'autres clubs, on se serait sûrement incliné après quelques semaines de pourparlers, mais, en Allemagne, et surtout au Bayern Munich, on n'est pas vraiment habitué à voir des joueurs forcer leur départ. Ça ne rentre pas dans la culture club des Bavarois. Sûrement plus qu'ailleurs, l'institution reste la plus forte et le restera. Même le faux départ de Franck Ribéry au Real Madrid à l'été 2009 et 2010 avait finalement renforcé les liens avec le Français. « J'étais tiraillé, cela m'avait rendu fou», avait expliqué Ribéry quelques années plus tard en revenant sur cet épisode. C'est Uli Hoeness et Karl-Heinz Rummenigge qui avaient réussi à le convaincre de rester. « Ce sont des hommes de classe. Ils savent conduire une affaire. Et ils savent comment parler aux gens. Ils sont restés fermes, parce qu'ils avaient besoin de moi. »
Ensemble, ils ont fini par aller chercher cette fameuse Ligue des Champions tant recherchée. Ribéry a dû attendre 2013, mais sa patience a été récompensée. L'ancien Marseillais est toujours une idole en Bavière. Il est même devenu Kaiser Franck, malgré cet épisode. Le temps fera peut-être lui aussi son œuvre pour Robert Lewandowski. La situation n'est pas tout à fait la même pour le Polonais. Après 8 ans au Bayern à tout gagner, même la Ligue des Champions, l'attaquant veut voir ailleurs. Il l'a dit et répété publiquement de nombreuses fois. Le club a pris acte. Mais cette fois, la direction n'est pas en position de force. Lewandowski n'a plus qu'un an de contrat. Il s'agit de garder la face tout en étudiant la question économique. Son départ n'était probablement pas prévu, encore moins sans une indemnité de transfert.
La presse allemande ne digère pas
Le Bayern se fait doucement à l'idée que l'homme aux 344 buts va s'en aller mais la manière passe mal. Les dernières déclarations publiques du joueur de 33 ans sont perçues comme irrespectueuses, galvaudant l'histoire qui le lie au Rekordmeister. «Quel footballeur voudra venir au Bayern en sachant qu’une telle chose pourrait lui arriver ? Où sont alors la loyauté et le respect ? J’ai toujours été prêt, j’ai passé huit belles années ici, j’ai rencontré tellement de gens formidables et je voudrais que cela reste ainsi dans mon esprit. Je pourrais comprendre si j’avais joué ici pendant deux ou quatre ans, mais après une telle carrière réussie, ma volonté et mon soutien, la loyauté et le respect sont probablement plus importants que cette affaire.» En Allemagne, on ne digère pas.
Même si Lewandowski a tenté de calmer le jeu depuis, invoquant des déclarations mal comprises, le mal est fait. Admiré pour ses qualités de buteur, il est maintenant honni par la presse et les observateurs outre-Rhin. On ne touche pas à l'institution. «Robert Lewandowski traîne les années réussies au FC Bayern dans la boue et se moque des fans du Bayern. Il ne méritait pas l'héritage de Gerd Müller», titre l'éditorial de Pit Gottschalk, le rédacteur en chef de Sport1, qui écrit plus loin. «Lewandowski ne devrait pas s'étonner que ses tentatives de chantage envers le FC Bayern soient interprétées comme préjudiciables au club. Peu lui importe qu'il traîne les huit années passées ensemble dans la boue et que les supporters du Bayern veuillent le chasser en enfer.» Il accuse également le Barça d'avoir appuyé en faveur de ce divorce.
Le Bayern tente de ne pas perdre la face
À Bild aussi, on prône la culture club. «Reste fort, FC Bayern !» lâche le quotidien, en référence au fameux article 17 de la FIFA qui permettrait au buteur de casser son contrat avec le Bayern moyennant une indemnité correspondant peu ou prou au salaire que doit encore lui verser le club allemand. Pour Bild, cette affaire est aussi un moyen pour la direction d'asseoir son autorité, elle qui est contestée depuis de nombreuses semaines. Un échec pourrait forcer à la démission. «J'espère que le FC Bayern profitera de l'affaire Lewandowski pour envoyer le signal que les contrats valent toujours quelque chose. D'autant plus que c'est l'occasion idéale pour les membres controversés du conseil d'administration, Hasan Salihamidzic (45 ans) et Oliver Kahn (52 ans), de marquer des points. »
Le meilleur moyen de faire revenir Lewandowski sur sa décision serait d'attirer les meilleurs joueurs possible, le même argument présenté par Nasser Al-Khelaïfi il y a un an pour Mbappé au moment de la présentation de Lionel Messi. «Après une saison difficile, Kahn et Salihamidzic pourraient sortir grands gagnants de cette période de transferts : garder Lewandowski, signer la star de Liverpool Sadio Mané (30 ans). Ça, c'est le Bayern ! Aucun club au monde ne pourrait offrir une meilleure attaque». Il en va de la crédibilité du président bavarois. «Une chose doit être claire pour Kahn : s'il s'écartait de son interdiction de changement annoncée publiquement, il perdrait toute crédibilité. Conformément à sa citation la plus célèbre, il se serait défroqué et quitterait son poste de PDG du Bayern après seulement un an.»
Un départ forcé synonyme de la fin d'une époque
Chez d'autres anciens en revanche, la partie est déjà perdue. Il faut penser à la suite pour Lothar Matthaüs dont l'erreur du Bayern aura été de trop flirter avec l'entourage d'Erling Haaland. «Les déclarations sont un signe clair que Robert est très déçu et ne se sent pas valorisé. Pour moi, l'argent ne signifie pas tout dans cette situation. Si vous jouez comme Robert et que vous savez que le club s'intéresse toujours à Haaland, c'est difficile à accepter. Le FC Bayern a parfaitement le droit de jeter un coup d'œil. Mais c'est aussi le droit de Lewandowski de s'exprimer de cette manière», assure le champion du monde 1990 et désormais consultant pour la télévision allemande. «C'est trop tard maintenant. Cette situation, ce n'est pas du gagnant-gagnant mais du perdant-perdant. Les deux parties perdraient si Robert devait rester», assurait-il il y a quelques jours.
Le joueur le plus capé en équipe d'Allemagne (150 sélections, 23 buts) s'inquiète surtout de la nouvelle page qu'il va falloir écrire. Le départ de Lewandowski signifie la fin d'une époque ultra-dominante du Bayern Munich, marquée par des joueurs emblématiques comme le Polonais mais aussi Neuer ou encore Müller. Ce dernier, que l'on annonce en perte de vitesse depuis quelques années, fait pourtant une très belle résistance (4x meilleur passeur de Bundesliga ces 5 dernières saisons), notamment grâce à la relation technique qui le lie à son partenaire. «Je ne suis pas seulement désolé pour le Bayern, les fans et la Bundesliga. Je suis aussi un peu inquiet pour Thomas Müller, ils ont tous les deux beaucoup profité l'un de l'autre. Retrouvera-t-il un partenaire aussi complémentaire ?» Rien n'est moins sûr, pour l'un comme pour l'autre.
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