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Entretien avec Yaya Sanogo : «je suis ouvert à tout»

Par Matthieu Margueritte
8 min.
Yaya Sanogo @Maxppp

À 31 ans, l’ancien talent de l’AJ Auxerre passé par Arsenal évolue aujourd’hui en Chine, après un court passage en Arménie. Libre de tout contrat l’hiver prochain, Yaya Sanogo a plus que jamais soif de ballon.

Foot Mercato : Yaya, tu évolues en Chine, au Qingdao Red Lions. Comment vas-tu ?

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Yaya Sanogo : je suis en vacances, c’est la mi-saison en Chine. J’ai fait 11 matches, 7 buts, 1 passe décisive. En première partie de saison, j’étais en Arménie. Au total, sur la saison, j’ai joué 24 matches pour 11 buts. Sur le plan comptable, c’est ma meilleure saison, c’est aussi là où j’ai joué le plus. Ça fait plaisir parce que j’ai eu pas mal de pépins durant ma carrière. C’est un plaisir de pouvoir enchaîner.

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FM : c’est vrai que tu n’as pas été épargné par les blessures…

YS : la plus grosse blessure que j’ai eue a tout chamboulé. Je suis hyper grand (1,91m, ndlr) donc la fracture tibia-péroné que j’ai eue à mes 17 ans en pleine croissance a tout décalé. Donc j’ai fait de la compensation à droite, à gauche, ce qui explique les autres pépins physiques. En plus, j’étais en post formation donc ça a généré d’autres problèmes.

«À partir du moment où le chirurgien me dit à 17 ans que je ne pourrai plus jamais rejouer au foot»

FM : à quoi ressemble le championnat chinois depuis qu’il est nettement moins médiatisé avec des stars internationales qui ne viennent presque plus ?

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YS : c’est niveau Ligue 2. C’est physique. Je ne pensais pas que ça allait être aussi physique. J’ai été surpris par l’intensité des matches, il n’y a pas trop de temps morts. C’est à fond, il y a du contact et c’est un jeu porté vers l’offensive. C’est agréable. Il y a aussi de belles installations dans les stades qui n’ont rien à envoyer à l’Angleterre. 55 000 spectateurs, des fans qui poussaient, infrastructures très modernes. Certaines équipes sont dans le futur (rires).

FM : ta carrière a pris une trajectoire surprenante avec ces départs en Arménie (en 2023) puis en Chine (depuis mars 2024). Raconte-nous.

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YS : j’ai eu des offres d’Écosse et d’Israël. La Chine s’est présentée. J’avais les trois offres, j’ai réfléchi, je me suis dit que ma carrière est bien fournie et que c’est quelque chose que je n’ai jamais connu. Donc ça pouvait être intéressant. Je voulais tenter l’aventure. Les deux autres offres, ça restait du football européen. Pour l’Arménie, j’étais resté pendant une longue période sans jouer. Je me suis posé la question de continuer (ma carrière). Je me suis entraîné avec Toulouse, j’ai d’excellents rapports avec Damien Comolli. J’étais en condition physique parce que depuis mes 11 ans, je suis dans le foot. Je gardais cette condition, mais les offres venaient et repartaient pour X ou Y raisons. Et puis le président du club arménien m’a contacté et me dit qu’ils ont la possibilité de gagner le championnat et la coupe et qu’ils aimeraient bien attirer un joueur de mon calibre. Il a fait l’effort financier, mais c’était le côté sportif qui me parlait. Il y avait la possibilité de jouer pour une place en Europe. Au final, on a fait le doublé, ce qui n’était plus arrivé depuis 1992. Après, tout se passait bien, mais j’avais envie de trouver un nouveau challenge.

FM : quelle est ta situation contractuelle ?

YS : je suis sous contrat jusqu’à mi-novembre. Des clubs sont très intéressés de par mes bonnes statistiques. Le mercato chinois est fermé, mais ça discute en Europe avec certains clubs. Des clubs anglais qui sont un peu revenus à la charge. Il y a l’Arabie saoudite aussi. Je n’ai rien reçu de France, mais je suis ouvert à tout, en France ou ailleurs. Le championnat chinois n’est pas du tout médiatisé, mais ils voient sur les réseaux sociaux que je suis en forme.

FM : tu es arrivé en Chine en mars dernier et tu n’as signé qu’un contrat de huit mois. C’était risqué non ?

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YS : oui, après je n’ai pas peur du risque. À partir du moment où le chirurgien me dit à 17 ans que je ne pourrai plus jamais rejouer au foot et que j’ai rejoué en prenant ce risque…

FM : c’est arrivé quand tu es encore à Auxerre…

YS : j’avais 16 ou 17 ans j’étais en pleine croissance. Ce n’est pas la même chose qu’une blessure qui t’arrive quand tu es plus vieux. J’avais des gars au centre de formation qui ont eu ça et qui ont dû arrêter le foot. Je venais de signer mon premier contrat pro, je rentrais du Japon avec l’équipe. On est parti à Mulhouse (avec l’équipe réserve). J’étais très fatigué. J’ai demandé à l’entraîneur de me reposer, mais il avait besoin de moi. Ça ne me dérangeait pas non plus de jouer. J’ai pris un tacle appuyé sur le côté et avec la fatigue, tout s’est pété.

FM : ça ne t’a pas empêché de signer à Arsenal plus tard…

YS : c’est pour ça que je te dis que le risque, ça me connaît (rires). Je suis devenu ami avec ce chirurgien. Il a mon maillot encadré dans sa salle. La lubie d’un gamin qui lui dit qu’il veut revenir. Il a vu que je suis revenu malgré un pourcentage de chances très faible.

«En deux matches, j’ai réveillé l’Europe»

FM : comment s’est décidé ton départ à Arsenal ?

YS : je suis parti à Arsenal à 19, 20 ans. Je reviens de blessure, je joue une dizaine de matches en Ligue 2. Il y a ces deux matches où je mets 7 buts en une semaine (4 contre Laval et 3 face à Tours les 1er et 8 février 2013, ndlr). Tout le monde était pessimiste pour moi, ça faisait plus de deux ans que j’avais disparu du radar. En deux matches, j’ai réveillé l’Europe. Comme j’étais annoncé comme le joueur en devenir de l’AJA, ça a montré à tout le monde que j’étais revenu. Pas mal de clubs se sont intéressés à moi, dont Arsenal. Arsène Wenger m’appelle pour qu’on se rencontre à Paris pour discuter d’un éventuel contrat. On a discuté, il m’a laissé réfléchir quelques jours, même mon choix était déjà fait après le rendez-vous. J’ai décidé d’aller là-bas.

FM : comment se passent tes débuts chez les Gunners ?

YS : au début, ça se passe bien. Je fais la Coupe du monde 2013 avec les U20. Tout se passe très bien sur le plan collectif et individuel. On gagne le Mondial avec la génération dorée, je finis deuxième meilleur buteur de la compétition. Après, j’ai eu quatre, cinq jours de vacances. C’était peu pour le nouvel environnement où j’arrivais. Il me voulait rapidement, j’arrive la semaine d’après pour le premier match à l’Emirates. Dans la foulée, j’enchaîne avec une entrée face à Fulham, je joue en coupe d’Europe contre Fenerbahçe. Wenger me montre rapidement qu’il compte sur moi. Mais j’étais fatigué. Je me fais une hernie discale, j’ai été arrêté pendant cinq, six mois. Wenger savait que la fatigue allait me jouer des tours. Une petite coupure de trois semaines après le Mondial aurait été bénéfique. Quand je reviens en janvier, j’ai eu pas mal de temps de jeu. Ça se passe très bien. On gagne la FA Cup. Là où j’ai gagné le respect du vestiaire des supporters, c’est quand j’entre dans cette finale (face à Hull City). C’était touchant après les hauts et les bas que j’ai connu. C’était du bonus.

FM : la saison suivante, ça s’est moins bien passé.

YS : je demande à Wenger d’avoir plus de temps de jeu. Je voulais revenir en France, mais lui ne voulait pas. Lille et Bordeaux étaient intéressés. Quand j’ai fait un prêt à l’Ajax, c’est là que Lille me voulait. Hervé Renard voulait m’associer avec Jordan Ayew. Je vais à l’Ajax un peu contre ma volonté. Tu es pro donc tu joues le jeu. C’était pourtant des prêts que je maîtrisais parce que je savais où aller. Après j’arrive à Toulouse libre de tout contrat (en 2017).

FM : quand tu jettes un regard sur ta carrière, as-tu des regrets après avoir été annoncé comme l’un des grands talents en devenir du football français ?

YS : non. Tu ne te dis plus ça, tu n’es pas un espoir toute ta vie. Il faut juste trouver un endroit où tu te sens bien. Être envoyé à droite, à gauche en prêt, ça commençait à devenir pesant. Si j’ai un conseil à donner aux joueurs qui sont dans de grands clubs, c’est que le prêt n’est pas très avantageux. On ne te considère pas comme les autres. Parfois, il vaut mieux être transféré tout de suite.

FM : pour terminer, toi l’enfant de l’AJA, tu as dû apprécier le grand retour en Ligue 1 de ton club formateur.

YS : oui bien sûr ! Ça, c’est la maison ! J’y étais ces derniers jours, on m’appelle le petit prince d’Auxerre (rires). Ils ont fait un musée et il y a mon nom. Je suis allé voir les dirigeants, les éducateurs qui m’ont accompagné pendant mes huit ans là-bas. Je ne sais même pas comment les remercier vu tout ce qu’ils ont fait pour moi, aussi bien sur qu’en dehors du terrain. Ça faisait très longtemps que je n’y étais pas allé et quand tu vois ton maillot dans le musée, c’est une immense fierté. Auxerre, ça représente beaucoup.

FM : tu n’en as pas profité pour leur dire que tu aimerais bien revenir à l’AJA pour jouer en L1 ?

YS : (rires) non, s’il doit y avoir quelque chose, on verra, mais c’était vraiment une visite de courtoisie.

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