Samuel Moutoussamy : «tant que je sens qu’on me porte de l’intérêt et que je peux montrer ce que je vaux, je serai là pour le club»
Ancien pensionnaire de l'Olympique Lyonnais recruté par Nantes en 2016, Samuel Moutoussamy a vécu des débuts express avec les Canaris avant de disparaître peu à peu des écrans radars. Prêté cette saison au Fortuna Sittard, le milieu de terrain de 24 ans a fait le point sur sa situation.
Foot Mercato : avant d’évoquer votre actualité, petit rappel pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore. Vous êtes arrivé à Nantes en 2016 en provenance de l’OL. Vous avez joué trois ans avec la B des Gones. Pourquoi ne vous ont-ils pas conservé ?
Samuel Moutoussamy : je suis formé à Lyon, donc j’ai fait trois ans de formation et deux années de stagiaire pro. Mais c’est vrai que j’ai fait trois années complètes avec la CFA. Après, je ne prolonge pas mon contrat à Lyon parce qu’ils ne me proposent pas de signer pro. Là, j’ai Nantes qui vient tout de suite. Je signe un contrat d’un an, plus deux en option, et je prolonge immédiatement au cours de l’année.
FM : vous arrivez à Nantes, vous avez fait une saison avec l’équipe B du FCN en 2016/2017 puis vous avez eu votre chance chez les pros la saison suivante (2017/2018). Comment s’est passée cette promotion express ?
SM : dès que j’arrive à Nantes, je signe un contrat pro, mais pour jouer en réserve. Je fais une très bonne préparation et je monte tout de suite avec les pros. Mais je ne fais que l’ascenseur. Je viens seulement m’entraîner avec eux, je ne joue pas du tout. Je fais une saison complète avec la réserve. L’été qui suit, je reprends avec les pros.
Le bonheur avec Ranieri
FM : vous avez vécu ça sous l’ère Claudio Ranieri. Vous a-t-il apporté quelque chose de spécial ?
SM : à la base, je devais reprendre avec la réserve parce que le coach c’était Sergio Conceição et il avait dit qu’aucun joueur de la réserve n’allait monter. Au final, il part, Ranieri arrive et tout de suite il fait monter les jeunes qui avaient fait une bonne saison avec la réserve. Donc je monte et je ne redescends plus. Ranieri m’a tout de suite bien aimé. Il m’a mis dans le bain, m’a fait jouer les matches amicaux. Il m’a tout de suite fait confiance.
FM : être lancé par Claudio Ranieri, un coach qui débarque à Nantes peu de temps après avoir remporté la Premier League, ça a dû vous faire quelque chose.
SM : c’était assez impressionnant. Les entraînements étaient très intenses, mais il nous faisait confiance du point de vue professionnel. On était très autonome, mais il y avait une rigueur de fou aux entraînements. C’était carré. Du point de vue physique, on était monstrueux. On était vraiment prêts pour la saison. Quand il est parti, j’étais attristé parce que c’est lui qui m’a fait faire mes premiers pas en pro. Je m’étais blessé, j’avais une grosse déchirure, mais il me faisait confiance. Quand je suis revenu de blessure, il m’a réintégré dans le groupe très vite. Je sentais qu’il y avait un gros retour alors que j’étais un des plus jeunes du groupe. Il me considérait comme un petit en devenir.
FM : vous enchaînez la saison suivante (2018/2019) avec Miguel Cardoso, qui ne reste que deux mois, et Vahid Halilhodzic. Deux coaches bien différents.
SM : Oui (rires). Ils sont assez opposés dans leur façon de coacher. Avec Miguel Cardoso, ça s’est très bien passé pour moi parce qu’il m’a tout de suite fait jouer. Après, comme on a eu de mauvais résultats, il s’est fait virer. Vahid est arrivé ensuite. Là, c’était un peu plus compliqué pour moi, mais je sentais de la considération de sa part. Je n’ai pas été dans le groupe une ou deux fois. Il était dur, mais il attendait plus de moi en fait.
FM : entre vos débuts express avec les pros et ces changements incessants d’entraîneurs, ça fait beaucoup pour un jeune joueur qui démarrer sa carrière professionnelle…
SM : je me suis dit que c’est le foot. Je n’ai rien à dire, je m’adapte. J’étais déjà très heureux d’être dans le groupe pro, d’avoir fait mes premiers matches. Je voulais juste montrer de quoi j’étais capable, peu importe le coach, les circonstances. Je voulais jouer.
FM : et puis vous avez disparu des écrans de contrôle sous l’ère Gourcuff (3 titularisations en 18 matchs). Pourquoi ?
Le courant n'est pas passé avec Gourcuff
SM : je sortais d’une grosse fin de saison avec Vahid, où j’avais enchaîné les titularisations. J’avais marqué des buts, j’avais donné des passes décisives, j’avais prolongé mon contrat, donc j’étais vraiment sur une pente ascendante. Gourcuff est arrivé et alors que j’avais fait toute la préparation en tant que titulaire, je suis sur le banc dès le premier match. Je rentre en jeu, pas à mon poste, mais sur le côté droit. Un poste que je ne connaissais pas du tout. Ça s’est moins bien passé tout simplement parce que je ne jouais pas à mon poste, du coup j’étais en adaptation, donc forcément j’étais moins bon. Il me faisait jouer ailier droit.
FM : alors que vous évoluiez davantage à gauche ou en tant que relayeur.
SM : avec Ranieri, j’ai toujours joué au milieu, en 8. Quand Vahid est arrivé, c’est vrai que j’ai un peu alterné. Parfois, j’étais côté gauche, parfois c’était en huit. Ça dépendait du système. À gauche, ça me posait moins de problèmes parce qu’il ne me demandait pas de faire un travail d’ailier. J’étais au coeur du jeu quand on avait le ballon et je venais aider pour les tâches défensives. Je jouais comme un milieu de terrain, mais sur un côté.
FM : ce changement de traitement a dû vous surprendre alors que vous veniez de prolonger jusqu’en 2024.
SM : j’ai discuté avec Gourcuff, mais pour moi, j’étais capable d’être aussi bon à ce poste-là. J’ai essayé de m’adapter, mais c’était compliqué. Je sentais moins de considération de la part du coach, je n’étais pas sa priorité ni son second choix d’ailleurs. Cette période a été assez compliquée.
FM : la suite a donc été plutôt logique. Vous êtes annoncé comme un espoir du club, mais votre coach ne compte pas sur vous. Vous partez en prêt l’été dernier, mais dans un club qui en a surpris plus d’un : le Fortuna Sittard en Hollande. Pourquoi ce choix ?
SM : je sentais qu’avec Gourcuff ça n’allait pas du tout passer. Lors du dernier match avant la fin du mercato, je ne suis même pas dans le groupe, donc je sens que je n’allais pas jouer de la saison malgré une bonne préparation. Ce club est venu le dernier jour du mercato. J’ai vu une opportunité d’aller dans un club de milieu de tableau d’Eredivisie. C’est aussi un championnat attrayant. Je me suis dit : « pourquoi pas tenter ma chance, avoir du temps de jeu et revenir à Nantes après ». Ça pourra peut-être m’ouvrir des portes. Tout ce que je voulais c’était avoir du temps de jeu pour m’épanouir un peu plus, sentir que je suis considéré.
FM : vous n’avez pas eu d’opportunités pour rebondir en France ?
SM : si. En fait, ç’a été compliqué parce qu’à ce moment-là, j’ai changé d’agent, donc ça a freiné les discussions qui étaient en cours. J’étais dans un entre-deux.
FM : racontez-nous un peu comment se passe ce prêt au Fortune Sittard.
SM : j’étais très excité à l’idée de venir. Je sentais que le coach et le club me voulaient vraiment. Je n’ai pas hésité. J’arrive, ça se passe très bien au début même si je suis arrivé très tard parce qu’après avoir signé, je suis parti avec la sélection pendant deux semaines. Quand je reviens, le championnat est vraiment entamé. Je fais quelques entrées, on a des résultats moyens. Le coach se fait virer, ça chamboule tout. Je suis ensuite infecté par le coronavirus, donc je ne joue pas pendant trois, quatre matchs. Entre-temps, un nouvel entraîneur est arrivé et obtient de bons résultats avec l’équipe. Je joue un peu et après plus rien pendant environ dix matches.
Un prêt qui vire à la galère
FM : vous attendiez-vous à jouer si peu (0 titularisation en 10 apparitions) ?
SM : pas d’explication, rien. J’avais la sensation d’être là pour rien. Je suis en prêt et on sait que la gestion des prêts est différente. L’équipe a eu de bons résultats pendant que je n’étais pas là, donc le coach n’a pas osé changer l’équipe. Je me suis accroché, j’ai eu des discussions avec le coach, mais il m’a dit que l’équipe tournait bien comme ça. Ma famille a été très présente, je me suis senti accompagné pendant cette période. C’était compliqué de ne pas jouer, d'être en prêt, d’être dans un pays que tu ne connais pas vraiment. Là, ça va un peu mieux. J’ai recommencé à jouer pour finir sur une note plus positive.
FM : vous nous avez dit que vous avez contracté le coronavirus. Comment vit-on cette période alors que ça ne se passait pas forcément très bien à ce moment-là pour vous ?
SM : j’ai senti ça comme un fardeau de plus, mais j’ai essayé de rester positif. Je me suis dit que dans tous les cas j’allais apprendre, prendre en maturité. C’est ce que j’ai réussi à faire, après, c’est vrai que mathématiquement parlant, mon temps de jeu n’est pas celui que j’espérais.
FM : malgré ce faible temps de jeu, êtes-vous content d’avoir tenté votre première expérience à l’étranger ?
SM : oui, ça m’a endurci mentalement. Je pensais être déjà assez costaud mentalement avec tout ce qui est arrivé dans ma carrière et ma vie, mais cette expérience m’a encore fait avancer. J’ai pris en assurance. Même en termes de football, ça m’a beaucoup apporté. J’ai appris une nouvelle façon de jouer, de voir le foot qui est très intéressante. Ici, ils sont beaucoup plus portés sur l’offensive. Le jeu est plus direct. Même une équipe de bas de tableau ne va jamais chercher le match nul. Ça va jouer pour l’attaque, ça va repartir de derrière. J’étais assez surpris par le niveau global du championnat. Il y a de très jeunes joueurs qui sont très bons. C’est vraiment un très bon championnat.
FM : quels sont vos plans pour l’été prochain ?
SM : dans tous les cas, je retourne à Nantes. Je suis en prêt, il n’y a pas d’option d’achat. Je ferai la rentrée à Nantes. Après je verrai par rapport au coach et ce que veut faire le club. Si je peux tenter encore une fois ma chance à Nantes et prouver ce que je vaux au coach, c’est ce que je ferai. C’est une évidence. Maintenant, s’il y a d’autres opportunités, il faudra voir ça avec le club.
FM : ce n’est pas trop compliqué de se projeter quand on sait que le coach en place (Antoine Kombouaré, ndlr) n’est pas sûr de rester et que le FCN est grandement menacé de relégation ?
SM : on n’a pas de certitude. Je ne sais pas si le coach va rester, si le club va descendre.
FM : si Nantes descend, tu es prêt à rester, même en Ligue 2 ?
SM : je suis ouvert à toutes les possibilités, tant que je sens qu’on me porte de l’intérêt et que je peux montrer ce que je vaux, je serai là pour le club, il n’y a aucun problème. Qu’on descende en L2 ou qu’on reste en L1, j’ai un contrat avec le club. Mais tant qu’il n’y a pas d’autres opportunités et que je n’ai pas discuté avec le club, je ne peux pas vraiment me prononcer.
Prêt à aider le FC Nantes
FM : regrettez-vous de ne pas être là pour aider votre club ?
SM : oui bien sûr. C’est aussi des amis et c’est le club qui m’a fait connaître le monde professionnel. J’aurais aimé les aider à se maintenir. J’ai fait le choix de partir en prêt par rapport ma situation. Gourcuff est parti, il y en a eu deux nouveaux entre temps. Si ça se trouve, j’aurais pu me montrer, mais c’est un choix, je ne le regrette pas. J’espère vraiment de toutes mes forces qu’ils vont se maintenir.
FM : ça doit être dur, quand on aime le FCN, de voir le club se consumer à petit feu, notamment avec des changements incessants de coaches.
SM : franchement, c’est compliqué parce que je connais les gens du club et je sais que ce sont toutes de bonnes personnes. De loin, ce n’est pas facile à vivre parce que je ne peux pas aider l’équipe. J’ai confiance en l’équipe, mais le foot ça se joue parfois à pas grand-chose. Ça faisait plusieurs saisons que ça flirtait avec le bas de tableau, on s’en sortait vers la fin. Là, c’est vrai qu’on est encore plus dans le dur.
FM : terminons par votre parcours avec le Congo. Comment ça se passe ?
SM : je découvre la sélection en 2019. Dernièrement, il y a eu des restrictions dues à la Covid-19. Ensuite, je n’ai pas été appelé.
FM : justement, votre absence chez les léopards pèsera-t-elle sur votre choix de l’été prochain ?
SM : non, je penserai d’abord à mon club. La sélection, c’est un bonus. Si je suis appelé, tant mieux. Je pense d’abord à bien finir la saison avec le Fortuna, ensuite on verra.
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