Ligue 1

Le malaise Junya Ito met le feu au Japon

Buteur hier avec le Stade de Reims, Junya Ito vit des moments difficiles, lui qui est en pleine tempête au Japon.

Par Dahbia Hattabi
5 min.

Une fan pas comme les autres. Parmi ses supporters, Junya Ito (31 ans) compte une certaine Brigitte Macron. Accompagnée par Didier Deschamps, la Première dame avait profité de son déplacement à la Maison des Parents du CHU de Reims, dans le cadre de l’opération des Pièces Jaunes, pour dire tout le bien qu’elle pense du footballeur en janvier dernier. «Il y a un Japonais qui joue très bien à Reims, comment s’appelle-t-il déjà ? (…) «Oui, Junya Ito, c’est ça. Il est très bon ! Il faut le sélectionner dans l’équipe, Didier ! Pourquoi vous ne le prenez pas ?» Gêné, DD avait répondu : «bah… parce qu’il est Japonais.» Mais le joueur nippon n’est plus sélectionné dans son pays non plus.

La suite après cette publicité

De lourdes accusations contre Ito

Depuis le 31 janvier, Ito est en pleine tempête. En effet, la presse japonaise a révélé qu’il est suspecté d’agression sexuelle par deux femmes. Les faits remonteraient au moins de juin 2023 lors d’un rassemblement de l’équipe nationale. L’une des victimes présumées a déposé plainte contre le footballeur, qui l’aurait alcoolisé avant d’abuser d’elle. «Quand je me suis réveillée soudainement, M.Ito était au-dessus de moi. La pièce était sombre, mais je pouvais voir son visage juste en face de moi. Je me souviens clairement de la scène», a confié la jeune femme. Mais Ito, qui aurait proposé un arrangement financier qui a été refusé par le camp adverse, dément et assure que les rapports entre eux étaient consentis.

Quelques jours plus tard, le natif de Yokusaka a décidé de sortir du silence par le biais de son avocat Hirotaro Kato. «Il est extrêmement important de laver son nom le plus vite possible, la carrière d’un joueur étant courte.» Déshonoré, Ito a voulu laver l’affront et a lui aussi porté plainte contre ses deux accusatrices. Il a notamment réclamé 200 millions de yens (1,2 million d’euros) de dommages et intérêts. Depuis, le footballeur essaye de poursuivre sa carrière tant bien que mal à Reims. Un club avec lequel il a su s’imposer naturellement. Lors de sa première saison, il a marqué 6 buts et délivré 5 passes décisives en 36 apparitions toutes compétitions confondues, dont 35 en tant que titulaire.

La suite après cette publicité

Reims avance avec son joueur

Cette saison, il a joué 23 rencontres, toutes en tant que titulaire. Passeur, puisqu’il a distribué 5 assists, il a aussi trouvé le chemin des filets à 3 reprises. Son dernier but date d’hier lors du succès 2 à 1 face à Metz. Une délivrance pour le Japonais, qui n’avait plus marqué depuis le 5 novembre face à Nantes. Après le match face aux Grenats, Will Still a eu quelques mots pour son joueur « costaud mentalement et fidèle à lui-même ». «Il ne s’est pas posé mille questions et n’a pas sombré au fond du trou. Je considère l’être humain quand il est chez nous au club. On a été là pour lui, il a été là pour nous. C’est un joueur clé, sans doute l’un des meilleurs», a-t-il ajouté.

Malgré cela, il n’a pas été convoqué en sélection nippone, lui qui a participé à la dernière Coupe d’Asie des Nations en janvier (3 rencontres), avant de s’en aller. Le sélectionneur du Japon, Hajime Moriyasu, a expliqué sa décision de ne pas l’appeler en mars. «En pensant à l’impact sur sa famille, j’ai pensé qu’il était préférable de ne pas l’appeler maintenant. J’ai essayé d’imaginer à quoi aurait ressemblé son environnement au Japon et je ne pensais pas que ce serait un environnement qui lui permettrait de vivre et de jouer au football en paix. Il n’y avait pas que lui. Je ne pensais pas que toute l’équipe aurait pu vaquer à ses occupations en paix (…) Il joue en L1 et je voulais l’appeler. Mais j’imagine qu’il n’y aurait pas d’environnement dans lequel il puisse vivre ou jouer à l’aise (au Japon pour le moment).»

La suite après cette publicité

Des fans du Japon militent pour son retour

Il a donc préféré ne pas l’appeler et éviter d’avoir une épine dans le pied tant que son affaire est en cours. Pourtant, la porte n’est pas fermée. «Le directeur de l’équipe nationale, Masakuni Yamamoto, a déclaré que la Fédération japonaise de football souhaitait aider Ito à reprendre ses fonctions nationales "dès que possible"», a expliqué la presse nippone où son cas fait jaser. Japan Today a écrit à son sujet : «Junya Ito a été exclu jeudi de l’équipe japonaise pour affronter la Corée du Nord à domicile et à l’extérieur lors des éliminatoires de la Coupe du monde, un mois après avoir quitté la Coupe d’Asie en raison d’allégations d’agression sexuelle. La Fédération japonaise a déclaré lors de la Coupe d’Asie que le départ d’Ito visait à protéger le joueur et l’équipe de la fureur médiatique.» En ce qui concerne les supporters, ils ne sont pas contre un retour d’Ito en sélection. Bien au contraire.

Le média japonais Live Door News, qui avait été l’un des premiers à évoquer l’affaire, a questionné des supporters de l’équipe nationale. «Le but de Junya Ito avec Reims était terrible. Ils auraient dû appeler plus de joueurs après tout», a lâché un fan. Un autre a confié : «vous savez, c’est pour ça qu’ils auraient dû l’appeler. Tout le monde pense la même chose (…) Junya Ito est le meilleur.» Un dernier a admis : «la JFA est vraiment désemparée en décidant de ne pas inviter Junya cette fois. Félicitations pour votre but, Junya Ito.» La publication japonaise a conclu ainsi : «il y a eu un certain nombre d’opinions remettant en question la décision de l’équipe nationale de ne pas le sélectionner. Ito est en grande forme en France, donc tous les regards sont tournés vers le moment où il pourra faire son retour en équipe nationale.» La fédération prend son temps et espère pouvoir compter sur lui prochainement…ou pas.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier