Liga

Real Madrid : mais où sont passés les jeunes de La Fabrica ?

Cette saison encore, Carlo Ancelotti n’a pratiquement pas fait appel aux jeunes du centre de formation. Et ça inquiète un peu à Madrid.

Par Max Franco Sanchez
6 min.
Valdebebas, le centre d'entraînement du Real Madrid @Maxppp

Quand on parle de formation en Espagne, on a tendance à automatiquement penser au FC Barcelone, ou même aux deux gros clubs basques, l’Athletic et la Real Sociedad. Pourtant, le Real Madrid n’a pas forcément grand-chose à leur envier si on parle de formation de jeunes joueurs, clairement pas. En octobre dernier, le Centre International d’Etude du Sport révélait dans une étude que La Fabrica était le principal fournisseur de joueurs professionnels en Europe, avec 43 joueurs formés au Real Madrid évoluant dans les cinq grands championnats européens. Devant le Barça (38) et l’OL (34) notamment. Une donnée qui peut surprendre du monde, puisque depuis l’installation des Nacho ou des Lucas Vazquez en équipe première, il y a eu particulièrement peu de joueurs issus de la cantera madrilène. Et c’est un sujet qui fait beaucoup parler, surtout ces dernières années, où il y a eu très peu de joueurs du Real Madrid appelés en sélection. Beaucoup ont blâmé, avec un peu de mauvaise foi, un Luis Enrique qui serait pro-Barça. Mais au final, il a appelé les deux seuls joueurs espagnols potentiellement sélectionnables pour le dernier Mondial, à savoir Dani Carvajal, formé au club, et Asensio, qui a fait ses classes à Majorque.

La suite après cette publicité

Et c’est un débat qui revient souvent, de plus en plus régulièrement même, à Madrid. Alors que les dirigeants madrilènes font un travail de captation de talent phénoménal à travers le monde, et que Jude Bellingham et Endrick vont vraisemblablement s’ajouter à la liste de jeunes joueurs plus que prometteurs, beaucoup regrettent l’absence de talent local dans le groupe. Pourtant, on ne peut pas dire que les joueurs issus du centre de formation du Real Madrid ne soient pas performants ou talentueux. Actuellement, ils sont nombreux à mener des carrières plus que respectables loin du Bernabéu, comme Marcos Llorente (Atlético), Achraf Hakimi (PSG), Théo Hernandez (Milan), Alvaro Morata (Atlético) ou Diego Llorente (Leeds). On pourrait presque rajouter Martin Odegaard (Arsenal), arrivé à Madrid à 15 ans et qui a donc terminé sa formation à Valdebebas. On peut aussi mentionner les latéraux gauche Miguel Gutierrez et Fran Garcia, très performants à Girona et au Rayo Vallecano respectivement, et qui auraient a priori leur place dans la rotation. Les Mirlos Five, référence au nom donné aux joueurs issus de l’académie et aux Jackson Five, composés de Sergio Arribas, Victor Chust, Marvin Park, Miguel Gutierrez et Antonio Blanco, sont aussi plebiscités par les observateurs et les spécialistes de l’écurie merengue. Mais ils ont soit dû grappiller du temps de jeu ailleurs, soit dû se contenter de matchs avec le Castilla en D3.

Très peu de places

La nouvelle génération qui alterne entre les U19 et le Castilla est aussi très prometteuse, avec Rafa Marin en tête de gondole. Du haut de ses 20 ans, il est considéré comme un des défenseurs centraux les plus prometteurs à avoir foulé les terrains d’entraînement du centre de formation. L’ailier Peter Federico, du même âge, suscite aussi beaucoup d’attentes. Pourquoi n’y a-t-il donc pas plus de jeunes mirlos en A ? On peut déjà faire un premier rapprochement avec ce qui se passe à Barcelone, et bon nombre d’éléments à prendre en compte : une surexposition médiatique qui fait qu’on peut les voir plus beaux qu’ils ne sont vraiment ou le niveau des adversaires de niveau régional et/ou amateur face auxquels les Madrilènes se promènent chez les jeunes, logiquement différent de celui du monde pro. Seulement, à Barcelone, les jeunes ont leur chance. Beaucoup de Madrilènes envient un peu le Barça de ce côté, ou du moins aimeraient eux aussi avoir des joueurs locaux régulièrement alignés. Bien sûr, tout est question de contexte. Si tant de jeunes ont pu débuter sous les ordres de Xavi et de Koeman avant, c’est aussi parce que le club était dans une situation sportive difficile - donc moins de concurrence dans l’effectif - et très compliquée sur le plan financier, donc avec moins de recrues venues de l’extérieur. Mais même comme ça, beaucoup envient un peu cette jeunesse made in La Masia composée de Gavi ou Alex Baldé, entre autres.

La suite après cette publicité

Du côté du Bernabéu, la concurrence est très rude. Les places sont chères, et pratiquement tous les postes sont doublés qualitativement, si ce n’est peut-être la pointe de l’attaque ou les côtés de la défense. Dans ce contexte-là, il faut une série de circonstances favorables - blessures, suspensions et calendrier infernal - pour que des joueurs du Real Madrid B puissent éventuellement gratter des minutes. Mais la vérité, c’est surtout que, comme Zinedine Zidane avant lui, Carlo Ancelotti n’a jamais été spécialement enclin à lancer des jeunes. Tout d’abord, parce que l’Italien, comme le Français, s’appuie généralement sur un groupe très réduit de 14-15 joueurs, et ne fait généralement que peu tourner. Même face à Cacereño en Copa del Rey début janvier, contre des amateurs, l’ancien du PSG et de l’AC Milan n’a pas fait appel aux jeunes issus du centre. Il avait ainsi misé sur un onze mêlant titulaires et remplaçants, mais sans aucun jeune de La Fabrica, et seuls Sergio Arribas et Álvaro Rodríguez, attaquant hispano-uruguayen de 18 ans, ont pu jouer quelques minutes en deuxième période.

Une deuxième équipe filiale

Il faut dire qu’à Madrid, la pression du résultat contraint souvent les entraîneurs à expérimenter assez peu et les pousse à miser sur les valeurs sûres. Même les jeunes joueurs aujourd’hui importants dans l’équipe comme Vinicius Junior ou Eder Militao ont goûté au banc avant de convaincre, et le prix de leur transfert a aussi, en quelque sorte, fait qu’ils aient plus d’opportunités que des joueurs de la maison. D’ailleurs, on ne peut pas dire qu’Ancelotti méprise les jeunes de La Fabrica, puisqu’il assisterait régulièrement aux rencontres des équipes de jeunes, et est en contact régulier avec les éducateurs du club pour se tenir au courant de l’évolution de chacun. Tout comme certains de ces jeunes s’entraînent parfois avec l’équipe première. Mais au moment de les appeler pour jouer, ça flanche. A Madrid, ils sont nombreux à ne pas comprendre pourquoi des jeunes comme Vinicius Tobias ou Iker Bravo - certes pas formés au club mais qui jouent avec le Castilla - Sergio Arribas ou Rafa Marin ne sont pas dans le groupe de temps en temps en Liga.

La suite après cette publicité

La politique de recrutement agressif du club en matière de jeunes est finalement peut-être en train de fermer des portes aux jeunes du Real Madrid. Les Camavinga, Tchouaméni, Vinicius, Rodrygo et compagnie prennent en quelque sorte la place des mirlos, ce qui n’était pas le cas avant le début des années 2010 et l’arrivée d’Odegaard, symbole du lancement de cette politique. Et au vu de leur niveau, c’est plutôt justifié. Mais dans un club où l’identité espagnole reste très importante pour les socios, ça commence à faire un peu tâche. Les bons résultats de l’équipe et la qualité des jeunes recrutés ailleurs parviennent à limiter ces critiques, mais en cas de mauvaise série ou de quelques erreurs de recrutement, la donne pourrait changer très vite. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas un hasard s’il y a un gros lobby madrilène pour que Xabi Alonso ou Raul prennent le relais de Carlo Ancelotti quand ce dernier partira. Les deux anciens joueurs de la Maison Blanche connaissent bien le football formateur madrilène et, pour l’opinion publique du moins, devraient plus compter sur les jeunes pousses de Valdebebas. D’ici là, tout indique que les joueurs de La Fabrica devront se contenter des miettes. Mais après tout, peut-on vraiment en vouloir à Carlo Ancelotti ?

La suite après cette publicité

En savoir plus sur

La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier