Willem Geubbels : «l’image du joueur blessé que j’ai pu avoir n’a plus lieu d’être»
Catalogué au rang de grand espoir du football français, transféré à prix d’or de l’OL à l’AS Monaco alors qu’il n’avait que 16 ans, Willem Geubbels a connu un début de carrière contrasté, et ce, pour de multiples raisons. Plutôt rare dans les médias, l’attaquant de seulement 22 ans s’est longuement confié dans nos colonnes sur son parcours de footballeur professionnel. De l’OL en passant par Monaco, Nantes mais aussi sur les raisons qui l’ont poussé à Saint-Gall en Suisse, l’ancien prodige lyonnais qui reste sur trois buts lors de ses quatre derniers matches de Super League, lâche ses vérités.
Foot Mercato : Willem Geubbels, comment ca va ?
Willem Geubbels : écoutez, comme j’ai tendance à le dire souvent, je suis épanoui dans ce que je fais, je suis dans une très bonne forme et par rapport au passé, on peut dire que oui ça va !
FM : ça se voit sur les terrains. Vous restez sur trois buts marqués sur les 4 derniers matches avec Saint Gall en championnat, vous avez participé à 12 des 13 matches de votre équipe cette saison…
WG : (il coupe). Comme vous le savez, je n’ai pas pu trop enchaîner ces dernières saisons plusieurs titularisations d’affilée, du fait des blessures ou des rotations dans les effectifs. Je suis venu à Saint-Gall avec un statut différent et un projet personnalisé, ça change pas mal de choses. Dès mon arrivée, le coach m’a parlé et après une période d’acclimatation de quelques mois, je bénéficie désormais de sa confiance. Il ne m’a pas lâché à mes débuts et aujourd’hui le fait d’enchaîner tous les matches m’a permis d’emmagasiner de la confiance. J’ai donc plus de confiance en moi, en mon corps et en mes coéquipiers, du coup j’ai envie de te dire que ça me réussit.
FM : vous parlez de confiance en votre corps. Justement quand on parle de vous, on a plutôt tendance à penser aux blessures. Alors que depuis le début de saison par exemple vous n’avez raté qu’un seul match. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce que vous avez changé quelque chose dans votre préparation ?
WG : j’ai eu la chance d’enchaîner pas mal de matches lors de mon prêt à Nantes et maintenant à Saint-Gall sans pépin. Alors oui, j’ai dû travailler sur mon physique individuellement et au sein du groupe. Aujourd’hui, je me sens mieux. Avant je me blessais plus souvent parce que mon corps n’était physiquement pas prêt et qu’il n’avait pas cette maturité pour encaisser les exigences du haut niveau. En arrivant à Monaco, j’ai pris beaucoup de muscles et de nombreux facteurs ont fait que je n’avais pas le physique requis. J’ai beaucoup mûri depuis, j’ai pris de l’âge et j’ai appris à travailler différemment. L’enchaînement des matches et le fait que je connaisse mieux mon corps limitent le risque de blessures. Je n’ai jamais cessé de travailler de mon côté, j’ai toujours eu la chance d’être bien entouré que ce soit en club ou dans mon cercle proche. Du coup, l’image du joueur blessé que j’ai pu avoir n’a plus lieu d’être.
FM : avez-vous compris les nombreuses critiques dont vous avez fait l’objet depuis le début de votre carrière ?
WG : que je les comprenne ou pas, elles font partie du métier et du jeu. Tu seras jugé et critiqué quoi que tu fasses. Il est évident que le transfert de l’OL à Monaco a créé de la médiatisation et beaucoup d’attentes autour de moi et les critiques vont avec. Il y en aura tout au long de ma carrière et c’est à la fin que l’on pourra faire un vrai bilan.
«C’est la chance que j’attendais»
FM : vous effectuez votre première saison en pro complète et vous refaites parler de vous. Vous prenez cela comme une forme de soulagement ou vous vous attendiez à cela ?
WG : je n’ai peut-être pas eu la chance que j’espérais ailleurs. Mais peut-être que je l’ai eu et que je n’ai pas su la saisir aussi, il faut savoir se remettre en question. De mon côté, tout n’allait peut-être pas dans le bon sens, maintenant est-ce que je suis surpris ? Non. Après c’est l’opportunité que j’attendais et c’est à moi de la saisir à l’image de ce que je suis en train de réaliser actuellement.
FM : vous avez commencé en pro à 16 ans en 2017 avec l’OL et cela fait 6 ans que vous êtes professionnel. Le temps a passé, mais là, vous lui diriez quoi aujourd’hui au Willem de 2017 ?
WG : c’est une bonne question. Je lui dirais que dans la vie il y a des moments heureux et d’autres qui vont être beaucoup plus compliqués, très compliqués même et qu’il faut s’accrocher et rester fort sans douter. Car à la fin tout finit par s’équilibrer. Je lui dirais aussi qu’il est encore très jeune et que s’il est encore là après tout ça, c’est qu’il a quelque chose de spécial et qu’il faut le cultiver.
FM : votre début de carrière a été dingue quand même. Est-on préparé à une telle déferlante médiatique quand on a que 16 ans ?
WG : ça m’est arrivé en pleine tête, mais je ne peux pas dire que cela m’a perturbé ou quoi. De mon côté, je continuais à faire ce que je faisais, à savoir jouer au foot. Je m’occupais seulement du terrain et ce qu’il se passait en dehors ne me perturbait pas, je n’y prêtais pas vraiment attention. Après c’est vrai qu’il faut avoir du mental pour pouvoir encaisser les choses positives et les choses négatives. Il y a eu beaucoup de positif au début, beaucoup de négatif après pour un jeune, sortant tout juste du centre de formation. Cela m’a permis d’acquérir une certaine forme de maturité très jeune, d’avoir une autre vision des choses et relativiser pour ne pas seulement subir les évènements. Mon entourage a su bien me protéger de ça aussi. Entre les journaux, les médias sur internet, les réseaux sociaux où tu vois ton nom apparaître partout, que tu le veuilles ou non, tu le verras quoi qu’il arrive consciemment ou inconsciemment. C’est pour ça qu’il faut rester stoïque à tout ce que tu peux voir.
«C’était mon souhait de rester à Nantes»
FM : parlons un peu de votre saison 2021/22 à Nantes qui a été loin d’être mauvaise (22 matches disputés - 2 buts en L1) avec le premier titre de ta carrière, la Coupe de France. Est-ce que vous vous êtes dit, ca y est ma carrière est enfin lancée ?
WG : j’ai passé une superbe saison à Nantes, la meilleure de ma vie, enfin de ma jeune carrière plutôt puisque j’ai gagné la Coupe de France, j’ai pu enchaîner un certain nombre de matches en Ligue 1. Non, je ne me suis pas dit que ma carrière était lancée. Je pensais juste à la suite car j’avais été appelé directement par le coach Antoine Kombouaré avant mon prêt pour que je vienne à Nantes. Je lui ai fait confiance et je n’ai pas du tout eu à le regretter. Je me suis dit, je vais continuer sur ma lancée. J’ai joué des matches, j’ai marqué quelques buts, et c’est maintenant qu’il va falloir enchaîner. Malheureusement, je n’ai pas pu le faire parce que je ne suis pas resté à Nantes, même si c’est vrai que c’était mon souhait. Mais Nantes restera toujours dans mon coeur par rapport à cette saison-là et je les supporterai toujours.
FM : pourquoi ne pas être resté là-bas ?
WG : Monaco demandait une indemnité de transfert trop élevée pour Nantes et ce n’était pas dans la politique du club. C’était une question de transfert. Que ce soit du côté du club ou du côté du coach tout le monde était sur la même longueur d’onde à mon sujet. C’est ce que m’avait dit le coach d’autant qu’il y allait avoir à l’époque pas mal de départs dont Randal Kolo Muani en Allemagne. Je connaissais bien le club et ça aurait été naturel entre guillemets que je passe après Randal.
FM : êtes-vous amer vis-à-vis de Monaco ? D’autant qu’après ils vous ont intégré dans leur loft…
WG : leur en vouloir, serait beaucoup dire. Il ne faut pas se nourrir de regrets ou d’amertume par rapport à qui ou quoi que ce soit. L’AS Monaco aurait aussi aimé que ça se passe différemment compte tenu de l’investissement réalisé. Je garde toujours un bon souvenir de l’AS Monaco et des membres du club, salariés, supporters. J’ai joué avec des tops players, j’ai marqué mon premier but en Ligue 1 face à Nantes justement, j’ai fait ma première finale de la Coupe de France avant celle que j’ai gagné avec le FC Nantes l’année suivante. Pas de regrets, on avance et j’espère qu’ils feront une merveilleuse saison cette année.
FM : après la fin de votre aventure à l’ASM, vous disposiez de plusieurs offres, y compris en France, pourquoi avoir décidé de rejoindre Saint-Gall en Suisse ?
WG : le plus important pour moi n’était pas d’être "entre guillemets" dans un club de prestige. Ce n’était pas ce qu’il me fallait à ce moment-là. Ce que je voulais c’est jouer ! J’étais dans le loft à Monaco depuis 6 mois. Donc le mieux pour moi c’était de jouer pour reprendre ma progression, reprendre où je me suis arrêté. C’est pour cette raison que j’ai privilégié Saint-Gall. Les premiers contacts s’étaient très bien passés et j’avais regardé la situation du club à cette période, ils étaient deuxièmes (ndlr : ils sont troisième actuellement après 13 journées à un point du leader les Young Boys) de SuperLeague et potentiellement européen l’année suivante. C’est un club structuré, un club avec un stade de 20 000 places plein à craquer, une grosse ferveur à tous les matches à domicile et même à l’extérieur de nos supporters, donc c’est un environnement favorable pour reprendre ma progression et jouer le plus possible.
«Si j’avais enchaîné sans les blessures sans rien, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui»
FM : aujourd’hui c’est un pari clairement réussi et on revoit par séquence le Willem Geubbels de 2017. Pensez-vous encore avoir une marge de progression à 22 ans ?
WG : elle est énorme. Comme je l’ai dit, si j’avais pu enchaîné sans blessures, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui… j’ai envie de dire que ma marge de progression est importante peut être même plus qu’elle ne l’était. J’ai travaillé mentalement et physiquement. Quand on refait un peu le film de tout ce qu’il s’est passé, les sensations étaient là, même si j’avais un problème entre "guillemets" mental et physique. Il y avait un cap que je devais passer, un déclic que je devais avoir. Honnêtement, j’avais peur de jouer en lâchant le frein, des choses me bloquaient, genre : "si je sprinte là est-ce que je vais me blesser comme j’ai pu le faire y’a 2 mois, y’a 6 mois ou deux ans". Aujourd’hui c’est différent, j’ai eu une sorte de libération, je joue sans peur et on peut dire que ça me réussit… J’ose faire ce que je faisais avant. Cette sensation de liberté et d’insouciance que j’ai retrouvé ressemble un peu à celle de mes débuts. Le mental y est pour beaucoup dans ce que je réalise actuellement et ça change clairement la donne.
FM : selon nos informations, ça commence déjà à bouger pour vous puisque quelques clubs suivent avec attention votre saison en Suisse. Quel est votre plan de carrière ?
WG : le championnat suisse est bien suivi, c’est même l’antichambre de l’Allemagne et de certains grands championnats donc ça ne m’étonne pas trop. Mon plan de carrière ? C’est de rester concentrer avec Saint-Gall jusqu’à la fin de l’année car j’ai encore beaucoup à donner à cette équipe. Après on verra les propositions qui s’offriront à moi… Mais je sais quels sont mes objectifs !
FM : un retour en Ligue 1 est-il possible à court terme ? Où vous préfèreriez continuer à jouer à l’étranger ?
WG : un retour en France ? Le plus important va être de faire mes choix en fonction de ma situation et de mes objectifs. Actuellement, je suis à l’étranger donc l’expatriation ne me fait plus peur. J’irai au meilleur endroit pour continuer ma progression comme je le fais aujourd’hui.
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