À la découverte du FC 93, le club fédérateur de la Seine-Saint-Denis
Né de l’union de trois clubs basés en Seine-Saint-Denis, le Football Club 93 Bobigny-Bagnolet-Gagny souhaite devenir le club phare du département nord-francilien en développant la formation dans l’un des plus grands viviers footballistiques d’Europe.
C’est un secret de Polichinelle : l’Ile-de-France est le meilleur vivier de footballeurs en France, et fait partie des meilleures à l’échelle continentale. Néanmoins, la région abritant la capitale de l’Hexagone ne possède que trois clubs ayant le statut professionnel : le Paris Saint-Germain (leader de Ligue 1), le Paris FC (10e de Ligue 2) et le Red Star (Saint-Ouen) qui a conservé son statut malgré sa descente en National (5e de N1). Pourtant, l’IDF regorge de structures ayant participé à la formation de joueurs évoluant dans le haut niveau européen ou même en équipe de France, que ce soit l’AS Bondy (Mbappé, Saliba), l’US Créteil-Lusitanos (Rabiot) ou encore l’US Sénart-Moissy (Coman), pour ne citer qu’eux. Un nouveau club, qui est le produit d’une union entre trois autres, souhaite se reposer sur ce potentiel fou de talents pour mettre la lumière sur le football de la Seine-Saint-Denis : le Football Club 93 Bobigny-Bagnolet-Gagny.
Et si le FC93 a vu le jour il y a seulement quelques années, l’idée de regrouper l’Académie de Football de Bobigny, le Bagnolet Académie et l’USM Gagny est, quant à elle, bien plus ancienne : «l’union était officielle en 2020, mais ça fait quatre ans qu’on travaille sur le projet et l’idée date d’il y a plus de dix ans, nous raconte Siné Danioko, directeur sportif de la formation séquano-dionysienne. L’idée est venue du président. L’interrogation était : comment se fait-il qu’il n’y a que 2 clubs au sommet et surtout, pas en Seine-Saint-Denis, qui n’a pas de club représentatif au niveau pro sur le long terme ? (…) En unissant les forces vives du département, vu le talent qu’il y a ici, on s’est dit qu’en mettant les moyens humains, logistiques et financiers, avec la qualité de formation qu’on a, parce que s’il y a des joueurs pro qui sortent, ils sont bien formés quelque part. En assemblant tout ça dans un projet, on aura plus de chances d’atteindre cet objectif.»
«Solidarité, travail et patience»
L’objectif du FC 93 est principalement fédérateur, car il veut rassembler l’ensemble des talents de la Seine-Saint-Denis afin de créer un pur produit issu autour du département au nord de Paris, mais le reste de la région francilienne n’est pas mise à l’écart, loin de là : «la base du projet est d’abord locale. 80% de nos équipes sont des gamins issus de notre département, parce que le 93 reste un état d’esprit avant tout, précise Siné Danioko. On est attachés à cela. Effectivement, il y a d’autres départements qui peuvent coller à notre état d’esprit. On est en Ile-de-France, que ce soit un gamin qui vienne du 91 (Essonne) ou du 95 (Val d’Oise), la mentalité est ressemblante donc l’intégration se fera, on n’est pas fermés. On prend des hommes avant de prendre des joueurs de foot. Sur le long terme, c’est avec les hommes qu’on va le construire. Des bons joueurs, en Ile-de-France et particulièrement, ça n’est pas ce qui manque. Le facteur de l’état d’esprit est très important.»
La mentalité 93 est donc essentielle pour le projet, qu’elle soit présente en équipe première ou dans les catégories de jeunes, et ses valeurs sont même propres au département, mais également partagées bien au-delà des frontières du nord de Paris : «l’état d’esprit de la Seine-Saint-Denis, c’est la volonté de réussir, la détermination, nous raconte le président du club Mamadou Niakaté. On sait qu’on n’a pas les mêmes moyens que les autres clubs, mais on va se battre jusqu’au bout. Aujourd’hui, on se bat avec ce qu’on a. Tout ce qu’on a vécu et on continuera de vivre, on va le concentrer dans un projet en se disant qu’on veut donner une autre image du département, et montrer qu’on est capables de faire de grandes choses. L’état d’esprit repose donc sur la solidarité, le travail et la patience.» Trois mots importants dans la construction de l’identité 93, qui veut rassembler l’ensemble des Séquano-Dionysiens : «tout le monde est attaché à sa ville, à son club. Après on a une marque qui parle, c’est fédérateur, culotté, intriguant, on se demande qui se trouve derrière ce nom. C’est hyper important un ADN club.»
Former l’humain avant le joueur
Cet état d’esprit propre à la Seine-Saint-Denis doit être allié à plusieurs autres facteurs pour qu’un joueur puisse s’épanouir dans sa formation. Pour ce faire, le FC 93 a décidé de se concentrer sur l’entourage, à qui Siné Danioko accorde une attention primordiale pour le bien-être de ses jeunes : «le FC 93 est un club formateur, ça a toujours été notre ADN et ça le restera toujours. Le critère premier chez nos jeunes : peu importe leur situation, si c’est un gamin qui a envie d’apprendre et que les parents nous font confiance, c’est important pour nous car les familles doivent adhérer au projet. La mayonnaise a pris parce qu’on a des éducateurs compétents, qui savent gérer ces jeunes-là. C’est pas évident, c’est une génération qui n’est pas simple, on parle de U18 : des gamins qui se cherchent encore, entre les études, des retours de centres, c’est compliqué… c’est la catégorie la plus difficile dans tous les clubs.» Et malgré les ambitions du club avec l’équipe première, pouvant obliger les entraîneurs à préférer l’expérience à la fougue de la jeunesse, la formation basée à Bobigny, actuellement 3e de son groupe en National 2, n’a pas peur d’accorder sa confiance à des profils moins expérimentés mais qui collent aux attentes "humaines" du club et de son coach.
«On est partis sur un travail humain avant de parler de terrain : comment les faire fédérer pour jouer ensemble et avoir un projet d’avenir au sein du club ? Être bon en U18 et confirmer l’année suivante en équipe première, c’est plus compliqué, et ce même si le challenge a été relevé avec l’intégration de certains jeunes dans l’équipe fanion. C’était un objectif sur quatre ans, on l’a atteint au bout de deux ans. Aujourd’hui, ça n’est que du bonus…», poursuit le directeur sportif du club, heureux de voir le club dépasser les expectatives. Une fierté partagée par le coordinateur sportif et responsable seniors Abdelouahab Machri : «sportivement parlant, on a fait le choix de pérenniser un groupe. Le meilleur recrutement, c’est de garder ses meilleurs éléments. (…) On s’est collectivement mis d’accord pour apporter un discours aux joueurs, pour venir dans un projet ambitieux et passer à l’étage du dessus. Il ne faut pas négliger les temps de passage, ne pas brûler les étapes. Aujourd’hui, on a une bonne base pour aller chercher au-dessus, mais il faudra bonifier notre travail avec des joueurs de niveau supérieur. On s’est beaucoup amélioré sur plusieurs aspects, que ce soit dans le médical, le suivi des joueurs, pour essayer de caler notre fonctionnement à celui des clubs professionnels.»
Accorder une place au football féminin
Ce projet récent ne s’est pas seulement concentré sur les joueurs, loin de là. Car oui, une équipe féminine seniors a vu le jour cette année du côté de Bobigny, et réalise déjà de bons débuts en compétition. «Les féminines ? On est repartis de zéro il y a quatre ans, explique le directeur sportif balbygnien. La satisfaction, c’est d’avoir une équipe pour chacune des catégories, on a démarre l’équipe seniors cette année, elles sont d’ailleurs en tête du classement (en Seniors Féminines D1). On a voulu les mettre en valeur par rapporter à l’équipementier, puisqu’elles ont leur propre collection. C’est un projet très important, car le football féminin est en plein essor et on ne peut pas avoir de projet FC 93 s’il n’y pas de place pour les femmes et filles du département, c’est inconcevable. C’est une section à part entière, elles ont leur propre gestion, leur autonomie. Les filles progressent bien, on a d’ailleurs une joueuse qui est au deuxième tour de Clairefontaine, la deuxième fois en deux ans. Donc la formation chez les féminines prend bien.» Ce travail autour de la formation s’inscrit dans l’identité du club, qui a souhaité faire grandir l’équipe féminine grâce à sa pépinière de talents.
«Dans beaucoup de clubs, ils absorbent des équipes déjà existantes pour alimenter leur section féminine, a ensuite ajouté Abdel Machri. Nous c’est différent, c’est de la formation, pour rester dans l’ADN du club.» Si la forme était similaire à l’équipe masculine, la direction sportive était consciente de la différence d’'approche du ballon rond féminin : «Ce ne sont pas les mêmes étapes, poursuit Siné Danioko. Mais on est autour de 150 joueuses en 4 ans, on augmente chaque année et le niveau commence à être de plus en plus intéressant. Si les filles montent en Régionale l’année prochaine, ça deviendra très intéressant pour le vivier qu’on a. Chez les filles, il y a un gros gros vivier, comme chez les hommes. Le football féminin est plus en Essonne (91), les Yvelines (78) ou encore en Seine-et-Marne (77), donc les filles étaient obligées de sortir du département pour avoir un encadrement de haut niveau. Aujourd’hui, quand les joueuses sont là depuis les U11, elles connaissent le club et s’identifient au projet. Dès qu’elles arrivent en seniors, c’est une suite logique.»
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