Andreaw Gravillon : «avec Lorient, on est en train de réaliser un parcours incroyable, quelque chose d’exceptionnel»
Le FC Lorient reste sur 5 matches sans défaite en Ligue 1 (2 succès, 3 nuls). Des bons résultats qui l'ont fait sortir de la zone rouge et relancé dans la course au maintien. Andreaw Gravillon (23 ans), défenseur central prêté avec option d'achat par l'Inter, n'est pas étranger au bon comportement des Merlus. Titularisé à 23 reprises en L1, le jeune homme est revenu pour Foot Mercato sur sa saison en Bretagne, son parcours singulier, ses débuts en Italie et ses envies pour son avenir. Entretien.
Foot Mercato : Andreaw, quel bilan dressez-vous de cette saison à Lorient ?
Andreaw Gravillon : on avait plutôt bien commencé. On a connu un milieu de saison très compliqué, avec un enchaînement de défaites. Depuis le début de l’année 2021, on a affiché une grosse progression, ça va beaucoup mieux, on a enchaîné les bons résultats, on a su trouver le bon système de jeu en match, on se trouve très bien, on a de très bons repères, on doit continuer comme ça jusqu'à la fin de la saison.
FM : dans quel état d'esprit se trouve le groupe en pleine lutte pour le maintien ?
AG : l’état d’esprit est très positif, on a eu des bons résultats récemment, même si on aurait pu gagner quelques matches de plus. Mais chaque point est important dans cette course au maintien.
FM : en janvier, vous avez notamment accroché le Paris SG à votre tableau de chasse (3-2, 22e journée de Ligue 1)...
AG : ce jour-là, c'était différent. On savait qu’on n’allait pas perdre. On avait trop besoin de points, on avait cette mentalité-là. On voulait montrer qu’on était capable de battre Paris. Pourquoi en Premier League ce genre de choses arrive et pas en France ? On a bien commencé le match, on a ouvert le score, on a montré qu’on ne voulait pas perdre et après les deux penaltys concédés, on a su réagir collectivement et finalement gagner. C’est à partir de ce moment-là, de ce résultat, qu’on a vraiment pris conscience qu’en jouant ensemble il y avait quelque chose à aller chercher.
FM : sur un plan plus personnel, comment jugez-vous votre saison ?
AG : pour une première saison en Ligue 1, ce serait mentir de dire que je ne suis pas satisfait. À 23 ans, j’arrive dans un nouveau championnat pour moi, l’un des cinq meilleurs d’Europe, je joue 23 matches, dans un contexte pas facile, je marque aussi. Je suis complètement satisfait. Évidemment, on peut toujours faire plus, mais j’ai déjà fait un gros boulot, je suis satisfait. Le but, c’est juste de continuer sur la même lancée et de viser le plus haut possible.
FM : avoir rejoint Lorient l'été dernier était donc le bon choix...
AG : je suis très content d’être venu en prêt à Lorient. Déjà, ça m’a fait découvrir un nouveau championnat. En même temps, tu es chez toi, en France, pas loin de chez toi, tu parles ta langue maternelle. En plus, c’est un club qui t’accueille comme dans une grande famille. On se retrouve le matin pour le petit déjeuner. On passe la moitié d’une journée ensemble, c’est important.
FM : vous êtes arrivé au FCL sous forme de prêt avec option d'achat en provenance de l'Inter. Quels sont vos projets pour la saison prochaine ?
AG : je ne penserai à la saison prochaine qu’une fois celle-ci terminée. Je pense toujours étape après étape, match après match. J’essaie de toujours faire mieux, de m’améliorer. Penser à mon avenir si tôt, ce n’est pas bien, je trouve. Ça peut influencer ta saison. Je préfère y aller step by step. Une fois la saison terminée, on verra avec mes agents si on doit rester à Lorient, retourner à l’Inter, aller autre part. On ne sait pas. On verra. On va attendre la fin de la saison pour voir comment les choses se dérouleront.
FM : êtes-vous en contact régulier avec l'Inter ?
AG : je ne les ai pas régulièrement au téléphone. Après, on sait tous que le directeur sportif suit les joueurs prêtés. Je ne m’inquiète pas. Tu ne laisses pas un de tes joueurs comme ça dans la nature, je ne m’en fais pas.
FM : quel est votre rapport avec l'Inter ?
AG : l’Inter, c’est un club que je considère comme ma deuxième famille. Ils sont venus me chercher à 16 ans, je n’avais aucun avenir dans le monde professionnel, je jouais en district à Garges-lès-Gonesse, je n’avais aucun avenir. Le club est venu me chercher, il m’a fait grandir physiquement, techniquement, mentalement. Avec ses éducateurs, il m’a « appris la vie », à moi, un étranger qui arrivait en Italie et ne connaissait rien ni personne. J’ai dû apprendre à vivre tout seul, sans papa, maman. C’est dur, mais le club a été là pour m’aider, du début à la fin. C’est comme une deuxième famille pour moi.
FM : comment se sont passés vos débuts chez les Nerazzurri ?
AG : j’ai fait ma première année en U17, puis je suis passé en Primavera, l'équipe réserve. J’ai eu la chance d’aller faire un tournoi à Doha, au Qatar, avec l’équipe première, en décembre 2015. On avait joué contre le PSG (victoire parisienne 1-0). J’ai eu cette chance. La saison suivante, en 2016/17, j’ai commencé à davantage m’entraîner avec les professionnels. Les trois derniers mois, je m’entraînais beaucoup avec eux et j’ai fait deux bancs en championnat.
FM : quels souvenirs gardez-vous de cette expérience dans un club mythique ?
AG : c’était comme un rêve qui se réalisait ! Tu pars de rien et, en deux ans, tu passes à la Primavera, tu marques 7 buts, et, en même temps, tu t’entraînes avec le groupe professionnel. Ça restera toujours gravé dans ma tête, c’était très important. Je discutais souvent avec Ivan Perisic, qui parle français. João Miranda et Jeison Murillo me donnaient aussi beaucoup de conseils sur le côté défensif. Axel Bakayoko, un autre jeune Français, m’a aussi beaucoup aidé à m’intégrer là-bas, en me conseillant sur les choses à faire ou pas, les lieux à visiter. Cela n’aurait pas été pareil sans lui.
FM : en 2017/18, vous partez en prêt à Benevento. Et vous disputez votre premier match en Serie A, en fin de saison, à 19 ans. Racontez-nous.
AG : c’est quelque chose d’incroyable. C’était totalement imprévu. On enchaînait les défaites. D’un coup, tous les défenseurs se blessent. Il ne restait que moi. Le coach est venu me voir deux jours avant pour me prévenir que j’allais démarrer. J’ai eu deux jours pour me préparer mentalement à faire le match de ma vie pour saisir cette opportunité. Je ne vous cache pas que, pendant les premières minutes, j’avais les jambes en bois, je tremblais, il y avait un trop plein d’émotions, c’était mon premier match titulaire en Serie A, c’était incroyable ! On a perdu (2-0). Moi, je suis sorti après une heure, j’étais court physiquement. J’étais vraiment satisfait de mon match, pour une première. Le président, trois jours après, est venu me voir pour me féliciter, me dire que j’avais été un des meilleurs sur le terrain et que j’avais montré que je n’étais pas un enfant. Ça marque.
FM : malgré tout, vous préférez quitter Benevento pour descendre d'un cran et rejoindre Pescara en Serie B. Pourquoi ce choix ?
AG : soit je restais à Benevento, soit je descendais d’un cran pour revenir plus fort ensuite. J'ai bien fait, parce que j’ai enchaîné les matches, une quarantaine en deux saisons. C’est un championnat passionnant, avec du suspense, très costaud. Les matches ne sont jamais terminés. C’est un championnat qui m’a énormément forgé. Surtout à Pescara. Les joueurs qui cherchent un championnat idéal pour démarrer une carrière, je leur conseille la Serie B.
FM : durant votre parcours en Italie, vous avez côtoyé de près un certain Roberto De Zerbi, dont tout le monde dit le plus grand bien. Que pouvez-nous nous en dire ?
AG : c’est un coach très spécial et une très très belle personne. Quand on entre sur le terrain, il est très exigeant, il veut que tout soit parfait dans le jeu de son équipe. Il peut se mettre hors de lui pour une passe avec rebond. Il a des tactiques de jeu impressionnantes. Tu peux être en phase défensive, avec 5 joueurs adverses au pressing, mais si tu réussis à faire la passe et les déplacements qu’il demande, tu peux sortir le ballon. Ce qu’il propose, c’est choquant. Moi, à 19 ans, avoir la chance de le côtoyer, ça m’a beaucoup fait évoluer techniquement, ça m’a appris à vouloir jouer au sol et à ne jamais dégager n’importe comment. Il veut jouer au sol. Il le demande aux joueurs. Il leur dit qu’il assumera les erreurs devant la presse. Un entraîneur qui te couvre comme ça, ça te met en confiance, tu peux jouer. Il ne voulait pas que je parte. Il m’a dit que, le jour où je serais prêt, il me rappellerait. Ça s’est fait à Sassuolo. Mais là-bas, au sortir de la préparation, j’ai eu un peu de mal et mon premier match, en Coupe d’Italie, a été moyen. À la fin du match, il a dit à la presse que je partais dans son esprit en tant que 5e défenseur dans la hiérarchie, ce qui n’était pas convenu. Évidemment, je ne comptais pas débarquer en tant que titulaire. Mais s’il pensait ça, c’est que, pour lui, je n’étais pas encore prêt. Alors, j’ai encore décidé d’enchaîner en Serie B pour revenir plus fort. C’est ce que j’ai fait à Ascoli. Et j’ai bien fait puisque j’ai joué et j’ai eu la chance que Lorient vienne me chercher et aujourd’hui, je joue en Ligue 1.
FM : n'est-ce pas usant d'être prêté aussi souvent ?
AG : c’est vrai qu’être prêté chaque saison, c’est un peu usant. Tu sais qu’à la fin de la saison, tu vas devoir déménager parce que tu ne vas pas rester. Ça serait bien d’avoir une stabilité. Pour la saison prochaine, c’est ce que je vais chercher. Je veux me dire qu’à la fin de la saison je ne serai pas obligé de faire mes valises et partir. Je le mérite vu mon parcours. Je suis parti tard de chez moi, à16 ans, à l’étranger. Ça aurait pu s’arrêter au bout d’une saison, mais je me suis accroché. Grâce à mes parents aussi, qui ont été extrêmement importants pour moi. Ils m’ont poussé à rester dans des moments durs, quand je voulais rentrer. Ils m’ont dit de me battre, de rester, qu’il fallait que je passe par là pour arriver plus haut. Tout ça mérite une stabilité, à Lorient ou ailleurs.
FM : à aucun moment, vous n'avez senti la possibilité de vous imposer sur la durée à l'Inter ?
AG : l’Inter, ça sera toujours difficile. Même pour un grand joueur. On peut le voir avec Christian Eriksen. On s'attendait à le voir titulaire direct, mais ça n'a pas été le cas. C’est toujours dur d’être titulaire là-bas. Je suis un joueur de l’Inter. Mais je préfère faire mes saisons de mon côté. Et si un jour, l’Inter se dit qu’il veut garder Gravillon, ça voudra dire que j’ai réussi à faire le travail et qu’on compte sur moi. Je ne me suis jamais vraiment pris la tête avec ça. Moi, j’essaie de jouer, d’enchaîner, de marquer, de marquer les esprits, à fond. Après, un jour, qui sait. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est de jouer, montrer qui je suis et me faire un nom.
FM : en Italie, votre nom est reconnu après vos passages à l'Inter, Benevento, Pescara, Sassuolo ou Ascoli. En France, en revanche, vous êtes arrivé dans un relatif anonymat. Cette situation a-t-elle été compliquée à gérer ?
AG : cette situation m’arrange. Je n’ai jamais joué en France. Je n’ai jamais entendu qu’on me voulait ici. Arriver en Ligue 1 et faire une saison de fou malade, les gens vont se dire « c’est qui celui-là ? », « il est arrivé quand ? », « depuis quand il est là ? » Si je fais une grosse saison, les clubs vont forcément taper à ta porte. C’est bien d’arriver dans ce relatif anonymat. C’est encore mieux d’arriver dans un club comme Lorient, qui te propose quatre ans derrière. Tu ne peux pas rêver mieux, c’est parfait. C’est juste à toi de faire le travail après.
FM : vous voyez-vous toujours à Lorient la saison prochaine en cas de descente ?
AG : j’ai toujours cherché à arriver le plus haut possible. Lorient, c’est un club auquel je tiens énormément. On est en train de réaliser un parcours incroyable, on fait quelque chose d’exceptionnel. Je vous rappelle qu’en janvier, on avait 15 points. Personne n’aurait imaginé une pareille remontée. Alors se projeter plus loin… C’est une situation qu’on étudiera en fin de saison, avec tout le monde.
FM : avez-vous déjà eu des contacts avec d'autres clubs en vue du prochain mercato ?
AG : je laisse les gens parler. J’essaie de faire mes matches. On fera les comptes à la fin de la saison.
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