Premier League

Le Ballon d’Or de Rodri est-il un scandale ?

Vol, scandale, ou mérité… les commentaires ont été nombreux après le sacre de Rodri au Ballon d’Or. Le choix de l’Espagnol est-il immérité ? Le revers Vinicius Junior est-il si irréversible que cela ? Décryptage.

Par Raphaël Raffray - Alexandre Guengant
7 min.
Rodri @Maxppp

28 octobre 2024, jour de Ballon d’Or. Toute la planète football s’attend à voir Vinícius Jr soulever le trophée. Mais coup de théâtre dans la journée : les réseaux sociaux s’enflamment, et plusieurs rumeurs annoncent que le gagnant ne serait finalement pas le Brésilien, mais Rodri. Quelques heures plus tard, la nouvelle est confirmée : c’est bien l’Espagnol qui remporte le Graal, à la surprise générale. Un retournement de situation inédit qui amène immédiatement une question : est-ce un scandale ? Un sondage lancé sur le site internet de Foot Mercato divise l’opinion : sur plus de 80 000 participants, 50 % estiment que Rodri ne le mérite pas (à l’heure de publication de l’article, NDLR). Alors, scandale ou choix logique ? Le débat existe.

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Le Ballon d'Or 2024 de Rodri est-il mérité ?
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Comparer Vinícius et Rodri n’est pas chose facile, car ils évoluent à des postes totalement différents. Vinícius, attaquant, affiche cette saison sur 39 matchs, 24 buts et 11 passes décisives. Rodri, milieu de terrain, s’illustre malgré un rôle plus défensif avec 9 buts (record en carrière) et 14 passes décisives, soit un peu plus que Vinícius. Les deux joueurs contribuent différemment, mais de manière essentielle au succès de leurs équipes respectives. Pour mieux cerner la légitimité de Rodri, une comparaison avec Luka Modrić, Ballon d’Or 2018 et également milieu de terrain, peut être effectuée. À ce jeu-là, le bilan est sans appel : Rodri excelle aussi bien dans les statistiques collectives qu’individuelles, rappelant que ce rôle de milieu défensif peut lui aussi prétendre aux plus hautes distinctions. Loin de diminuer Modrić, cela démontre au contraire l’impact et la régularité de Rodri cette saison. Rodri peut par ailleurs se targuer d’autres statistiques impressionnantes. Il est actuellement sur une série de 52 matchs sans défaite, et plus impressionnant encore, sur ses 85 derniers matchs, club et sélection confondus, il n’a concédé qu’une seule défaite.

Des trophées comparables ?

En examinant les trophées, le débat est tout aussi serré. En club, Vinícius Jr. a réalisé un triplé remarquable, remportant la coupe, le championnat, et la Ligue des Champions, tout en éliminant Manchester City de Rodri en quart de finale. De son côté, Rodri s’est distingué avec la victoire en Supercoupe d’Europe et en Premier League, souvent considéré comme le championnat le plus compétitif du monde, où City a une nouvelle fois démontré une maîtrise impressionnante. À première vue, l’avantage pourrait sembler aller à Vinícius, mais l’analyse des performances avec leurs sélections nationales offre une perspective différente : Rodri s’impose nettement. En tant que maître à jouer d’une Espagne dominatrice, il a remporté l’Euro, raflant au passage le titre de MVP de la compétition. Vinícius, quant à lui, devait endosser le rôle de leader du Brésil à la Copa América en l’absence de Neymar, mais a déçu, son équipe étant éliminée dès les quarts de finale. Rodri a brillé avec son pays, là où Vinícius a manqué son rendez-vous.

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«La Copa América est terminée et il est temps de réfléchir, de savoir comment gérer la défaite. C’est de ma faute. Je m’en excuse»

Après le tournoi, l’ailier brésilien avait pris la parole sur Instagram, et constaté lui-même l’échec : «La Copa América est terminée et il est temps de réfléchir, de savoir comment gérer la défaite. Le sentiment de frustration reprend le dessus. Encore une fois aux tirs au but. J’ai failli avec deux cartons jaunes qui auraient pu être évités. Une fois de plus, j’ai assisté à l’élimination depuis la ligne de touche. Mais cette fois, c’est de ma faute. Je m’en excuse. Je sais écouter les critiques et, croyez-moi, les critiques les plus dures viennent de chez moi».

Une plus grande concurrence interne pour le Brésilien

Un autre critère, le fair-play, a pris une importance nouvelle dans cette édition du prestigieux prix. Cette saison, Vinícius Jr s’est souvent fait remarquer pour des incidents hors terrain, son comportement étant jugé parfois «provocateur», voire «insupportable», que ce soit envers ses adversaires, les arbitres ou même le public. Lors du dernier Clasico contre Barcelone (0-4), il n’a pas hésité à lancer à Gavi :«Je vais prendre le Ballon d’Or», d’après El Chiringuito. Ce tempérament clivant a probablement pesé dans l’esprit des votants, qui ont préféré Rodri, jugé plus «discret et irréprochable» en termes de discipline et de comportement.

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La situation de Vinícius est également compliquée par la concurrence interne : Jude Bellingham et Dani Carvajal, ses coéquipiers, étaient, eux aussi, des prétendants sérieux au Ballon d’Or, ce qui a pu disperser les votes entre plusieurs joueurs madrilènes. Cela n’est pas sans rappeler que certains journalistes font des choix surprenants dans leurs classements. Par exemple, le journaliste du Salvador a placé Bellingham deuxième, Erling Haaland troisième, mais Rodri seulement septième, et Vinícius n’apparaît même pas dans son top 10. Des choix similaires de pays, comme la Guinée Equatoriale ou l’Equateur, laissent penser que les critères de sélection varient grandement. Et sont plus que subjectifs. Les classements complets des 100 votants seront, pour rappel, révélés par France Football dans leur intégralité le 9 novembre prochain.

Rodri, footballeur de l’ombre à la lumière

Ce Ballon d’Or récompense pareillement un joueur au parcours exceptionnel, marqué par un travail acharné et une détermination sans faille. L’évolution de Rodri en tant que personne et en tant que joueur est tout aussi impressionnante que celle de Vinícius. Né à Madrid, il connaît un premier revers en étant recalé du centre de formation de l’Atlético de Madrid. Il entame sa carrière professionnelle donc dans l’anonymat en 2016 à Villarreal, où il fait ses premières armes. Après deux saisons prometteuses, il attire l’attention de Diego Simeone et rejoint les Colchoneros.

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Une saison plus tard, il franchit un cap en signant pour 70 millions d’euros à Manchester City, une somme considérable pour un joueur à l’époque peu connu. Les interrogations sur sa valeur se multiplient alors. Cependant, sous la direction de Pep Guardiola, Rodri se transforme et atteint le sommet de son art. Il s’impose comme un leader sur le terrain, jouant le rôle de relais entre l’entraîneur et ses coéquipiers. En tant que maître à jouer et régulateur du jeu de Manchester City, il incarne le prototype du milieu de terrain moderne. De recalé à Ballon d’Or, voilà ce qu’on peut appeler une trajectoire extraordinaire.

Le trophée a ainsi été attribué à un joueur d’équipe, celui qui œuvre dans l’ombre pour faire briller ses coéquipiers, plutôt qu’à des attaquants aux statistiques et au jeu flamboyants. Ce choix marque un tournant vers une vision plus collective du football. Rodri incarne ce style de jeu sobre et efficace, centré sur le collectif.

Vinicius "reviendra plus fort"

Vinicius, le grand perdant de cette édition, a de quoi nourrir une certaine amertume, d’autant plus que son équipe, le Real Madrid, a décidé de boycotter la cérémonie en signe de soutien. Au sein du club, plusieurs figures emblématiques, de Karim Benzema à Eduardo Camavinga, n’ont pas hésité à prendre publiquement sa défense. «Football Politique. Mon frère, tu es le meilleur joueur du monde et aucune récompense ne peut dire le contraire. Je t’aime mon frère», a ainsi posté le joueur de l’Equipe de France, sur son compte X. Ce soutien s’étend jusqu’au Brésil, où le verdict a déclenché un tollé médiatique. La presse et les supporters crient à l’injustice, dénonçant le traitement réservé à leur prodige national. Même des icônes de ce sport, comme l’ancienne Ballon d’Or Marta se sont insurgées, appelant à une révision des critères de sélection.

Sur les réseaux sociaux, Vinícius Jr a répondu avec une belle promesse de revanche : «J’en ferai 1000 fois plus si nécessaire. Ils ne sont pas prêts». Un message clair qui résonne comme un défi adressé à tous ceux qui ont douté de lui. Les supporters attendent donc avec impatience de voir si cette frustration saura se traduire sur le terrain. Esperons-le.

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