Premier League

Premier League : la cause LGBT met le feu au football anglais

Le football anglais est en proie à une vague de polémiques suite à sa campagne consacrée à la cause LGBT afin de sensibiliser aux violences homophobes. Les dirigeants du football anglais sont pris de cours et ne savent pas comment éteindre l’incendie.

Par Valentin Feuillette
6 min.
Brassard LGBT de Marc Guéhi @Maxppp

Comme dans différents championnats, l’Angleterre a aussi décidé de consacrer un week-end dédié à la cause LGBT avec l’objectif de sensibiliser le peuple britannique et plus largement le monde entier aux discriminations et aux violences dont sont victimes les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transgenres. À travers un communiqué, la Fédération anglaise de football (FA) avait expliqué les raisons de cette prise de position du football anglais : «La FA et le réseau de la County FA sont ravis de faire partie de la campagne Rainbow Laces 2024, qui se déroulera du samedi 16 novembre au mercredi 4 décembre 2024. Le principal moyen de montrer son soutien à l’inclusion LGBTQ+ dans le sport, depuis le lancement de Rainbow Laces en 2013, plus d’un million d’entre vous ont enfilé leurs chaussures pour soutenir l’inclusion LGBTQ+ dans le sport, le fitness et l’activité physique. Mais ce match incontournable n’est pas encore terminé. De grandes parties de la communauté LGBTQ+ ne peuvent toujours pas être elles-mêmes lorsqu’elles assistent ou participent à des événements sportifs».

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Cette campagne, qui en est à sa onzième année, est une initiative soutenue par l’association caritative Stonewall, dans laquelle les capitaines d’équipe portent des brassards et des lacets arc-en-ciel pour signaler leur soutien à l’inclusion LGBT+ et à la lutte contre l’homophobie. Mais cette initiative a été accompagnée de son lot de polémiques. Fervent chrétien, le défenseur anglais de Crystal Palace, Marc Guehi, a choisi d’inscrire «J’aime Jésus» avec un cœur dessiné à la place du mot «amour» sur son brassard de capitaine aux couleurs de l’arc-en-ciel lors du match de son équipe contre Newcastle. Les responsables de la ligue ont été saisis d’horreur et de panique. Pourquoi ? Il s’agit en réalité d’une violation des règles de la Fédération de football qui stipulent : «pour toute infraction, le joueur et/ou l’équipe seront sanctionnés par l’organisateur de la compétition, la fédération nationale de football ou la FIFA». Les lois ont été clarifiées l’année dernière pour stipuler que «les capitaines doivent porter un brassard simple et conforme aux exigences de la loi 4 relative aux slogans, aux déclarations, aux images et à la publicité».

Des polémiques qui gênent la FA

Le fait que Marc Guehi ait choisi d’inscrire le slogan religieux sur un brassard soutenant les causes LGBT+ aurait pu être considéré comme un facteur aggravant aux yeux de la FA. En l’occurrence, l’instance dirigeante a décidé de ne pas inculper formellement le capitaine de Crystal Palace, mais a déclaré qu’elle lui écrirait, ainsi qu’à son club, pour leur rappeler que les messages religieux sont interdits. Le père du joueur, John Guéhi, qui est aussi un ministre d’église, a pris la défense de son fils dans les colonnes du Daily Mail : «A-t-il offensé quelqu’un ? Je ne pense pas. Je crois en ce que dit la Bible, Jésus aime tout le monde, et, à mon avis, Marc n’a offensé personne avec ce qu’il a écrit. Jésus aimait tout le monde, donc en disant "J’aime Jésus" sur son brassard, je ne vois vraiment pas ce qui est offensant et quel est le problème. Si vous regardez ce que fait la communauté LGBT, ils essaient d’imposer aux autres ce en quoi ils croient, c’est une croyance contre une croyance, mais au bout du compte, chacun a le droit d’avoir une opinion. Mais si le but de cette opinion est de vous offenser, alors il y a un problème, mais si mon opinion est juste d’exprimer ce que je ressens, alors je pense que c’est bien et je ne pense pas que ce que Marc a écrit sur ce brassard soit offensant». Un autre joueur a fait couler de l’encre ce week-end. Le capitaine d’Ipswich Town, Sam Morsy, a refusé de porter un brassard arc-en-ciel en raison de ses croyances religieuses.

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Dans ce dernier cas, la FA a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une violation de son règlement. Morsy était le seul des 20 capitaines de club en Premier League ce week-end à ne pas porter le brassard arc-en-ciel. Le milieu de terrain d’origine britannique, qui joue pour l’Égypte, est un musulman pratiquant : «Marc parle de lui, il aime Jésus et comme je l’ai dit, il n’a pas refusé de porter ce brassard, comme Morsy. Les gens devraient prêter plus d’attention à la personne qui a refusé de le porter. Marc a dit oui et a fait ce qu’il fallait en le portant, mais les gens s’en prennent à lui pour ce qu’il a écrit. Il a accepté de porter le brassard, il essayait juste d’équilibrer le message. Il a dit : "tu me donnes le brassard, en tant que chrétien, je ne crois pas en ta cause, mais je vais le mettre" mais Morsy ne l’a pas mis parce qu’il a dit que c’était contre sa religion, mais il semble qu’on en dise plus sur Marc que sur lui», a affirmé le père de Marc Guéhi. La FA a estimé que la décision de Morsy était uniquement une affaire entre le joueur et son club. Ipswich a déclaré dans un communiqué qu’il s’engageait à être un club totalement inclusif envers toutes les communautés et soutiendrait toujours les initiatives LGBT mais qu’il acceptait également la décision de Sam Morsy. Manchester United aurait abandonné son projet de porter une veste arc-en-ciel LGBT après que Noussair Mazraoui a refusé de la porter. The Athletic affirme que Mazraoui, qui est un musulman pratiquant, a dit à ses coéquipiers qu’il ne porterait pas la veste et a cité sa foi religieuse comme raison. Le club a alors décidé qu’aucun joueur ne porterait le survêtement, afin que Mazraoui ne soit pas montré du doigt publiquement.

Le football anglais se déchire sur ce sujet, rendant par la même occasion invisible le message de sensibilisation initiale. Certains accusent les autorités anglaises d’hypocrisie et d’incohérence. Les règles de la FIFA et de la FA interdisent «tout slogan, déclaration ou image politique, religieuse ou personnelle» sur l’équipement des joueurs, y compris sur les brassards. Pourtant un message, même en faveur de l’inclusion, équivaut à une déclaration politique. La presse anglaise souligne aussi que ce sont les mêmes dirigeants qui ont décidé d’organiser la Coupe du Monde 2022 au Qatar et la prochaine Coupe du Monde 2034 en Arabie saoudite, pays où l’homosexualité est illégale : «La FA est heureuse que la foule chante God Save The King lorsque l’Angleterre joue, ce qui mentionne Dieu et la religion. Je soutiens mon fils pour ce qu’il a fait, c’est mon fils et bien sûr je le soutiens. Je ne vois rien de mal dans le message qui était sur son brassard. Je n’ai pas encore eu l’occasion de lui en parler. Il n’a pas refusé de porter le brassard arc-en-ciel, alors où est le problème ? Morsy a refusé de porter le brassard, mais mon fils ne l’a pas fait, il l’a porté», a conclu John Guéhi. L’absence de réelle clarté, et encore moins de véritables principes, crée de plus en plus de problèmes sur le terrain. Dans cette semaine mouvementée, la Fédération anglaise et la Ligue anglaise ont perdu toute crédibilité aux yeux des joueurs, des clubs et des supporters.

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