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Yvan Neyou : «si le Cameroun a besoin de moi, je suis là»

Ce vendredi, Leganés s’est imposé à Barcelone sur la pelouse de l’Espanyol. Dans ce choc entre les deux premiers de deuxième division espagnole, Yvan Neyou a réalisé une performance de haute volée et a permis aux siens de prendre la place de leader dans l’antichambre de l’élite ibérique. Prépondérant dans le système des Legionarios, le joueur de 26 ans enchaîne et peut viser la montée en Liga avec son club. Il peut également imaginer un retour en sélection pour la CAN, l’un de ses objectifs majeurs. Interrogé par nos soins, Neyou s’est livré à cœur ouvert sur sa carrière jusqu’ici : Saint-Étienne, Laval, Clairefontaine, sa réputation et plusieurs autres confessions croustillantes.

Par Chemssdine Belgacem
13 min.
Yvan Neyou sous les couleurs de Leganes @Maxppp

Une carrière de footballeur est loin d’être linéaire. Rares sont les joueurs qui parviennent à jouer 15 voire 20 ans en étant titulaire indiscutable au sein de clubs de haut niveau. Non, une aventure dans le football est faite, très souvent, de hauts et de bas. Yvan Neyou peut en attester. Considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs milieux de terrain de Ligue 1 après une saison 2020-2021 de haute volée avec l’ASSE, il enchaîne désormais avec Leganés. En deuxième division espagnole, le natif de Douala s’éclate et est un élément inamovible de l’actuel deuxième au classement. Avant de connaître ce retour en fanfare, le joueur de 26 ans a connu quelques péripéties qui rendent son récit passionnant. Adulé puis mis à l’écart à Saint-Étienne, il a également connu quelques difficultés à Laval et en sélection du Cameroun. À quelques encablures de la CAN 2024 en Côte-d’Ivoire, Yvan Neyou s’est entretenu avec Foot Mercato afin de revenir sur sa carrière, ses expériences et ses objectifs.

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Foot Mercato : avant de revenir sur ton actualité, peux-tu raconter tes premiers pas dans le football et ton passage à l’INF Clairefontaine aux côtés de Christopher Nkunku, Amine Harit, Marcus Thuram ou encore Allan Saint-Maximin ?

YN : j’en garde de magnifiques souvenirs. Dans le football, c’est la meilleure expérience de toute ma vie. Pour mon apprentissage, pour les valeurs qu’on m’a inculquées, toutes les choses qu’on m’a apprises. On ne me l’a plus jamais appris par la suite. On m’a appris la base et cela me sert toujours actuellement. J’ai parlé avec un ancien éducateur de l’INF et je lui disais que jusqu’aujourd’hui je me sers de ses conseils. Par exemple, il nous apprenait à toujours regarder autour de soi avant de recevoir le ballon. C’est quelque chose dont je me sers toujours à l’heure actuelle. C’est quelque chose de basique mais la première fois que je l’ai entendu, c’était à Clairefontaine. Quand tu es gamin, voir les joueurs de l’équipe de France, passer tous les jours devant le château de Clairefontaine est aussi quelque chose d’impressionnant. Pour toutes ces raisons, Clairefontaine est la meilleure expérience footballistique de ma vie.

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FM : Par la suite, tu connais Auxerre, Sedan puis Laval. Dans la Mayenne, tu mets du temps à exploser en Ligue 2. Comment s’est passée ta première expérience au niveau pro à Laval ?

YN : j’arrive jeune à Laval (20 ans) dans un groupe où le plus jeune après moi avait trois ans de plus et ils jouaient le maintien. Je joue un peu au début mais je me blesse pendant assez longtemps. Je sortais de Sedan où je jouais tout le temps. L’équipe est finalement descendue mais je n’ai pas beaucoup participé cette saison-là. Je joue un peu en National la saison suivante. Un des coachs ne me fait pas jouer, celui qui était venu en janvier (ndlr : Manuel Pires). Pourtant, j’avais le sentiment d’avoir fait une bonne première partie de saison.

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FM : ensuite, tu vas à Braga. Tu ne joues pas beaucoup également mais comment a été ta première expérience à l’étranger ?

YN : je ne suis pas allé à Braga pour jouer en équipe première. Les gens ont tendance à l’oublier. Si je vais à Braga, c’est pour jouer en équipe B et pour continuer à me former. L’étranger m’intéressait beaucoup à l’époque. Je trouvais qu’en France, on me mettait trop souvent la même étiquette. J’avais l’impression que quand quelqu’un disait quelque chose, tout le monde était obligé de dire la même.

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FM : de quelle étiquette parles-tu ?

YN : quand je suis sorti de Laval, on m’a mis l’étiquette du mec qui foutait la merde dans un groupe. J’avais 20 ans et je ne sais vraiment pas d’où est sortie cette réputation mais c’était quelque chose qui se disait à ce moment-là. Un club de Ligue 2 voulait me recruter et certaines personnes à Laval sont allés parler aux représentants de ce club pour leur dire "oui, attention, mais lui dans un vestiaire c’est un mec qui sème un peu la zizanie etc". Le problème, c’est que j’ai entendu ça une fois, deux fois, trois fois. Et je l’ai entendu par la suite de ma carrière en France.

FM : et tu entends encore ces rumeurs quand tu signes à Saint-Étienne ?

YN : Le coach Puel n’a jamais voulu entendre parler de mon passé. Le coach ne m’a même pas parlé. Il m’a mis sur le terrain en me disant ce qu’il attendait de moi et c’était en route. Je voulais juste jouer au foot. En dehors des terrains, je n’ai jamais eu de problèmes avec des coéquipiers ou avec qui que ce soit. C’est pourquoi, après Laval, je me suis dit qu’il était temps d’aller jouer dans un endroit où on me connaît pas et où on me jugera pour mes qualités footballistiques. Et on ne m’a jamais rien reproché au Portugal, ni aujourd’hui en Espagne. Au contraire, ici, on dit même de moi que je suis fédérateur dans un groupe. À Saint-Étienne aussi, on ne m’a jamais reproché quoi que ce soit qui allait en ce sens. J’étais même vice-capitaine chez les Verts.

FM : justement, cette tranquillité te permet d’enchaîner et de réaliser une très belle saison 2020-2021. Néanmoins, tu vis une saison 2021-2022 plus compliquée. Comment cela s’est passé de ton côté ?

YN : après cette belle saison 2020-2021, on revient lors de la préparation estivale. Le coach Puel me fait comprendre que peu importe l’offre qui arrive, je ne bougerais pas. Je ne le prends pas du tout du mauvais œil. J’avais envie de continuer en Ligue 1 avec ce club qui m’a tout donné. Cela ne me dérangeait pas de rester au club et je ne me suis jamais plaint. J’étais super reconnaissant et j’ai bien pris cette nouvelle. À partir du moment où il me dit ça, je me dis "ok, aucun problème, jouons". On avait une bonne relation et jusqu’à maintenant, elle ne s’est pas dégradée. On commence la saison et j’enchaîne les titularisations. Finalement, je me blesse à la mi-novembre contre Metz et je me fais une assez grosse entorse de la cheville. Ça m’éloigne des terrains pendant un mois et demi et ça me freine sur ma lancée. C’est également durant cette période que j’ai été sélectionné pour les premières fois avec le Cameroun et comme j’enchaînais, cela m’a peut-être fragilisé un peu.

«On me faisait même jouer défenseur central à l’entraînement»

FM : qu’est-ce qui s’est passé pour que tu disparaisses des radars lors de la seconde partie de saison ?

YN : quand je reviens de blessure, c’est un nouveau coach qui est là. Pour mon premier match de retour, c’était Romain Sablé qui assurait l’intérim puis Pascal Dupraz a fini la saison. Le match contre Nantes, il me met titulaire mais il me sort, pour je ne sais quelle raison, à la mi-temps. Je revenais de deux blessures. Je ne suis pas là pour le critiquer. Cela ne m’était jamais arrivé d’être sorti à la mi-temps avec l’ASSE alors que nous avions pourtant de formidables joueurs. Je n’ai plus jamais joué titulaire sous les ordres de Pascal Dupraz. De plus, je rate également un mois de compétition en raison de la CAN. Une CAN avec le Cameroun et au Cameroun, je ne pouvais pas refuser. C’est une expérience unique. Je rate vraiment un mois de compétition avec l’ASSE car nous sommes allés jusqu’en demi-finale avec le Cameroun et la petite finale se jouait le même jour que la finale. Quand je reviens, j’étais écarté.

FM : as-tu demandé des explications ?

YN : les semaines sont passées et j’ai décidé de travailler en ne lui demandant rien. Je me disais qu’il ne me donnait sûrement pas ma chance parce que je n’ai pas joué depuis longtemps ou pour me ménager. Finalement, je vois que les semaines passent et la situation n’évolue toujours pas. Je décide donc d’aller le voir pour avoir des explications. Avant la CAN, il m’avait pourtant dit qu’il compterait sur moi pour la deuxième partie de saison. Je lui ai dit que j’avais l’impression de ne plus servir à rien car on me faisait même jouer défenseur central des fois à l’entraînement.

FM : comment as-tu encaissé ce déclassement soudain ?

YN : j’ai toujours été présent pour les gars de l’équipe et je n’ai jamais eu de conflit avec quiconque dans le vestiaire des Verts. J’ai un gros caractère certes, mais je ne suis pas problématique. Je ne voulais pas aller envoyer bouler tout le monde. Surtout que vu la situation sportive du club à cette époque, je n’étais pas fou pour rajouter de l’huile sur le feu. Je lui ai alors demandé pourquoi il ne me faisait plus jouer et pourquoi ce changement de statut soudain. Je ne me prends pas pour un autre mais je voulais savoir pourquoi j’étais passé d’un titulaire à un joueur qui ne jouait vraiment plus.

FM : qu’est-ce que t’a dit Pascal Dupraz à ce moment-là ?

YN : le coach m’a répondu : "bah écoute, t’es parti pendant un mois à la CAN. Pendant ce temps-là, d’autres joueurs ont bien travaillé donc je ne vois pas pourquoi je devrais te refaire jouer." J’ai compris à ce moment-là que ma saison était terminée.

FM : as-tu eu l’impression qu’il te reprochait alors ta participation à la CAN au Cameroun ?

YN : je ne sais pas. Chacun se fera son idée. Il m’a juste répondu ça à ce moment-là.

«Je ne pourrais jamais cracher sur Saint-Étienne»

FM : malgré ton temps de jeu en baisse, l’ASSE descend en Ligue 2. Comment vis-tu la relégation des Verts à ce moment-là ?

YN : je ne saurais pas forcément quoi te dire. J’étais triste. Forcément, ce n’est jamais bien de faire partie d’une aventure qui se termine comme ça. Surtout, mon aventure à Saint-Étienne s’était très bien passée.

FM : tu gardes donc de bons souvenirs de ton aventure dans le Forez ?

YN : je ne pourrais jamais cracher sur Saint-Étienne. Les supporters m’ont beaucoup trop donné pour que je crache sur ce club historique. Malgré tout ce qui a pu se passer, j’en garde de bons souvenirs. On a tendance à dire que les fans stéphanois sont trop virulents mais je ne l’ai jamais ressenti comme ça. Peut-être que ce n’est qu’avec moi que tout s’est toujours bien passé mais je pense qu’ils apprécient également les joueurs qui se battent pour leur club. Ils ont toujours été justes avec moi. Quand je suis parti du club, j’ai mis un post pour remercier l’ASSE et énormément de supporters stéphanois m’ont laissé un mot très gentil. J’étais surpris et je ne pensais pas qu’ils avaient toujours une aussi bonne image de moi. La deuxième partie de saison a certes été catastrophique mais je ne veux accuser personne et je garderais un très bon souvenir de l’ASSE tout au long de ma vie. C’est un club que je ne remercierais jamais assez.

FM : désormais, tu es en Espagne. L’étranger te plaît-il autant que ta première expérience à Braga ?

YN : c’est une mentalité totalement différente qui me plaît. Je me plaisais à Sainté, mais je me plais beaucoup aussi en Espagne.

FM : tu vis le contraire de l’ASSE à Leganés d’un point de vue sportif. Un premier coach qui ne te fait pas beaucoup jouer (ndlr : Imanol Idakiez) avant que le deuxième (ndlr : Carlos Martinez) puis le dernier (ndlr : Borja Gimenez) te font beaucoup plus jouer. Comment expliques-tu ça ?

YN : en Espagne, il prête beaucoup d’attention aux personnes qui parlent espagnol. Ils n’enverront jamais un gars sur le terrain s’il ne comprend pas la langue et s’il ne comprend pas ce qu’on lui demande. Je ne parlais pas espagnol. Donc c’était forcément très compliqué de faire la traduction et je pense que c’est pourquoi l’ancien coach ne me faisait pas beaucoup jouer. Par la suite, j’ai appris l’espagnol et je me suis démené pour le faire le plus rapidement possible. Je m’étais également blessé pour deux mois donc c’était compliqué pour s’intégrer de la bonne manière.

FM : comment as-tu fait pour renverser la vapeur ?

YN : même si je n’ai pas joué, je n’ai pas fait d’histoires. Si j’avais été un joueur problématique, je ne pense pas que j’aurais joué 20 matches la saison passée et je ne pense pas que Leganés m’aurait rappelé pour me recruter. Surtout qu’en Espagne, ils n’aiment pas les problèmes. Mais voilà, en apprenant l’espagnol, j’ai pu mieux comprendre les consignes, m’ouvrir aux autres. Franchement, il y a des personnes formidables dans ce club assez familial. C’est un très bon environnement pour travailler.

FM : quels sont tes objectifs personnels et collectifs avec le club cette saison ?

YN : mon objectif personnel est d’enchaîner le plus de matches possible. Je veux rester en bonne santé. Ce qui viendra après, viendra après. Ce n’est pas un manque d’ambition. J’espère qu’on finira le plus haut possible avec l’équipe.

«Ca sera toujours une fierté de représenter le Cameroun»

FM : tu as 26 ans. Quels sont tes objectifs personnels sur le long terme ? Retrouver le très haut niveau ?

YN : je ne sais pas. Nous verrons tout cela en fin de saison mais ce qui est sûr, c’est que j’espère retrouver le très haut niveau d’ici mes deux, trois prochaines années. Cet été, j’ai été un peu sollicité mais les gens se posaient des questions sur mes deux dernières saisons. Je n’ai pas cherché à débattre et j’ai travaillé dans mon coin. Si j’arrive à retrouver le haut niveau à terme, ce sera une belle étape de franchie.

FM : tu comptes cinq sélections avec le Cameroun et tu n’as plus été appelé depuis l’intronisation de Rigobert Song. Comment vis-tu cette mise à l’écart en sélection ?

YN : pour comprendre, il faut que je remonte plus loin. La CAN 2021 s’est terminée et je suis rentré à Saint-Étienne. Ça s’est moins bien passé en club et je n’ai plus été appelé en sélection. Dans toutes les sélections, il y a toujours un après-compétition. Souvent, c’est le même groupe qui s’en dégage. Moi, je ne figurais pas dans la sélection qui avait lieu trois semaines après la CAN. J’aurais forcément préféré y être mais le sélectionneur a fait ses choix. Il faut savoir les accepter.

FM : tu as également raté la Coupe du monde au Qatar. Comment l’as-tu vécu ?

YN : bien sûr, j’aurais préféré y participer, forcément. Mais je ne m’arrête pas à ça. Ce sera toujours une fierté de représenter mon pays et j’espère qu’il y en aura d’autres.

FM : maintenant que tu enchaînes les bonnes performances, penses-tu être plus à même d’être appelé avec les Lions indomptables ?

YN : je ne sais pas du tout. Peut-être que comme j’enchaîne plus avec Leganés, ça encouragera plus le coach à faire appel à moi avec la sélection. Je suis toujours prêt pour jouer avec mon pays. Si le Cameroun a besoin de moi, je serais là.

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