Ibra, Zidane, le PSG : les vérités de Cantona !
Depuis jeudi, et ce jusqu'à dimanche, Sport, Littérature et Cinéma ont rendez-vous à l'Institut Lumière de Lyon pour une série de rencontres et de projections autour de ces trois thématiques. L'occasion pour Eric Cantona, invité d'honneur, de projeter son film Les Rebelles du foot (sorti en 2012), récit de cinq destins de footballeurs pas comme les autres.
C'est peu dire qu'Eric Cantona, retraité des rectangles verts depuis 1997, se fait rare dans les médias. «Cela fait six ans que nous essayons de l'avoir en interview, nous n'avons jamais pu» nous glisse d'emblée un confrère de La Gazzetta dello Sport, présent ce vendredi, comme huit autres journalistes, à une conférence de presse en toute intimité avec le "King". Ainsi, après avoir évacué le sujet de son arrestation à Londres, ce dernier nous a parlé à cœur ouvert de plusieurs sujets aussi divers que variés. Et ça vaut le détour.
Ibrahimovic, le faux rebelle
Pour la partie football, qui vous intéresse tous, le natif de Marseille a d'abord tenu à faire une mise au point pour le moins musclée au sujet de l'étiquette de rebelle collée selon lui à tort à trop de joueurs, lui-même compris : «Pour moi, faire ce documentaire, c’était redonner au mot "rebelle" ses lettres de noblesses car aujourd’hui, un jeune tatoué d’une télé-réalité avec des cheveux gominés, c’est un rebelle… Pour être considéré comme un rebelle, il faut en avoir les moyens, il faut avoir, malheureusement, l’occasion de prouver qu’on peut l’être. Et ces gens, qui ont vécu sous dictature, pendant des guerres, ont eu ce courage-là. Nous ici en France, heureusement, ça va pas trop mal», a ainsi rappelé d'entrée de jeu Cantona, en hommage à Carlos Caszely, Rachid Mekloufi, Predrag Pasic, Socrates ou autre Didier Drogba, les cinq sujets de son documentaire.
Souvent associé et comparé à Zlatan Ibrahimovic, tant pour son talent que pour sa personnalité, Eric Cantona juge le procédé inapproprié : «Quand on montre des personnages comme ceux-là, je trouve déplacé qu’on dise que moi je suis un rebelle, qu’Ibrahimovic est un rebelle, que Balotelli est un rebelle. Qu’est-ce qu’on a fait pour prouver qu’on était des rebelles ? Qu’est-ce qu’on a fait à la hauteur de Caszely, de Mekloufi ? Rien, on n’a rien fait. Certaines fois, on est dans un système dans lequel on rentre un peu moins que les autres. Mais c’est quoi ça ? Rien du tout. On ne se met pas en danger, on ne met pas nos vies ou celles des nôtres en danger. Il faut relativiser.»
La responsabilité des médias
Le système, le foot business, Cantona en a beaucoup parlé ce vendredi. Et pour lui, les coupables ne sont pas ceux que l'on croit : «Je pense que les principaux responsables, alors que ce sont eux qui essayent de dire tout le temps que les footballeurs gagnent trop d’argent, ce sont les médias. Car s’il n’y avait pas une telle médiatisation du football, il n’y aurait pas autant de sponsors, il n’y aurait pas des Berlusconi, des Tapie à mon époque ou des Abramovich présidents de clubs. Tous ces gens-là ne viendraient pas dans le football s’il n’y avait pas une telle médiatisation. Au bout de la chaîne, il y a les principaux acteurs, les joueurs, qui évidemment prennent leur part. Mais le système, c’est vous, les médias, qui le créez.»
Et pour Cantona, ce système ne date pas d'aujourd'hui : «À mon époque, on gagnait déjà beaucoup d’argent. On a toujours ce truc en nous de se dire qu’avant c’était mieux, mais il y a quinze ans, il se disait exactement la même chose qu’aujourd’hui. Tout ce qui est dérive dans le football, la corruption notamment, oui on doit se battre contre. Mais ensuite, l’argent qu’il y a dans le football, qu’on gagne honnêtement, n'est que le fruit d'un système mis en place par les médias et dont les footballeurs sont les acteurs.» Si les footballeurs ne seraient donc pas responsables, bien qu'acteurs, de ce foot business aux multiples dérives, que pense donc Cantona des sommes astronomiques versées notamment par les Qataris aux joueurs du PSG ? «Moi déjà, je me dis que le PSG, sur le salaire d’Ibrahimovic, va payer 75% d’impôts. Tout ça vient du Qatar. C'est de l’argent qui vient d’ailleurs et qu’on fait rentrer en France. Ça ne coûte rien à l’État français, bien au contraire, donc on devrait presque leur dérouler le tapis rouge.»
Zidane, Hollande et Sarkozy en prennent pour leur grade
Si selon lui la France peut donc s'estimer heureuse d'accueillir l'argent qatarien, Cantona ne comprend paradoxalement pas pourquoi Zinedine Zidane a accepté de devenir l'ambassadeur de la Coupe du Monde 2022 au Qatar : «Je ne crois pas qu’il réalisait vraiment à cette époque, car à cette époque, il n’y avait pas Paris, il n’y avait pas la Coupe du Monde et tout cet élan du Qatar qui envahit tout et dont tout le monde parle. Je pense qu’à cette époque, il a été un peu naïf… enfin j’espère.» a ainsi lâché le natif de Marseille, avant d'adresser un tacle glissé à l'attention des hauts dirigeants de notre pays : «En tant que joueur de l'équipe de France, quand vous entendez à l'époque Nicolas Sarkozy dire "moi ce qui me gêne c'est surtout les footballeurs qui gagnent de l'argent"... Quand vous avez François Hollande qui veut absolument taper sur les footballeurs parce qu'il fait un sondage de comptoir et qu'évidemment 85% des gens vont dire qu'il faut taper sur les mecs… Ça fait quand même deux chefs d’État qui reprochent ensuite aux joueurs de ne pas porter le maillot avec fierté. Mais vous auriez envie de porter le maillot avec fierté d'un pays dirigé par des gens qui vous fracassent ? Personnellement, je n'en aurais pas super envie. Je les trouve donc hyper courageux et respectueux du maillot, parce qu'ils y vont quand même.»
Pour conclure cette entrevue passionnante de plus d'une heure, Cantona a répondu à la question qui tue. Aurait-il aimé jouer au PSG s'il avait été footballeur en 2014 ? Réponse de la légende de Manchester United : «J’ai joué dans une grande équipe et si j’étais footballeur aujourd’hui, je voudrais jouer dans une grande équipe, a-t-il répondu, sans prononcer le nom du club parisien. Est-ce que j'ai du mal à dire Paris ? Non, c'est juste que le championnat de France ne m’intéresse pas trop.» Quand il vous dit qu'il n'est pas rebelle...
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