Real Madrid : Toni Kroos est-il le meilleur milieu de terrain de tous les temps ?

Par Josué Cassé
10 min.
Toni Kroos sous les couleurs du Real Madrid. @Maxppp

À 34 ans, Toni Kroos a décidé de tirer sa révérence après l’Euro 2024, organisé en Allemagne du 14 juin au 14 juillet prochain. Avant cela, le milieu de terrain allemand s’est offert, face au Borussia Dortmund, une sixième Ligue des Champions avec le Real Madrid, complétant ainsi son impressionnante armoire à trophées. De quoi faire du Merengue l’un des meilleurs milieux de l’histoire du football ?

«L’homme génial, c’est l’homme capable de tout». Empruntés à Jean Cocteau, ces mots résonnent avec force au moment d’évoquer l’héritage laissé par Toni Kroos sur la planète football. Dans quelques semaines, sur sa terre natale, celui qui a vu le jour à Greifswald, une bourgade du nord-est de l’Allemagne, va en effet tirer sa révérence au terme d’un Euro où le parcours de la Mannschaft pourrait lui offrir le dernier trophée majeur manquant à son armoire et ainsi le faire basculer dans la cour des mythes de son sport. Avant cela, le milieu de terrain du Real Madrid a, un peu plus, soigné sa sortie, samedi soir, en remportant la sixième Ligue des Champions de sa carrière après la victoire (2-0) des siens face au Borussia Dortmund. Passeur décisif sur l’ouverture du score, le droitier d’1m83 est ainsi venu garnir un palmarès d’ores et déjà hors normes, symbole de son prodigieux parcours. Après avoir fait ses gammes dans les centres de formation du Hansa Rostock et du Bayern Munich, l’international allemand aux 108 sélections (17 buts) ne s’attendait certainement pas à devenir l’un des principaux monuments du ballon rond.

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Une carrière légendaire et 34 titres…

Pourtant, c’est bel et bien au sommet de son art que le numéro 8 madrilène a choisi de faire ses adieux. «17 juillet 2014, le jour de ma présentation au Real Madrid, le jour qui a changé ma vie. Ma vie de footballeur – mais surtout en tant que personne. C’était le début d’un nouveau chapitre dans le plus grand club du monde. Après 10 ans, à la fin de la saison, ce chapitre touche à sa fin. Je n’oublierai jamais cette période insolente et réussie. Je tiens particulièrement à remercier toutes les personnes qui m’ont accueilli à cœur ouvert et qui m’ont fait confiance. Mais je voudrais surtout vous remercier, chers madrilènes, pour votre affection et votre amour du premier au dernier jour. En même temps, cette décision signifie que ma carrière de footballeur actif prendra fin cet été après l’Euro. Comme je l’ai toujours dit : le Real Madrid est et sera mon dernier club. Je suis heureux et fier d’avoir trouvé dans mon esprit le bon moment pour prendre ma décision et d’avoir pu le choisir moi-même. Mon ambition a toujours été de terminer ma carrière au sommet de mon niveau de performance», assurait, à ce titre, l’intéressé dans un message émouvant publié le 22 mai dernier. Et que dire de son oeuvre…

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Que ce soit en prêt au Bayer Leverkusen pour se faire les dents entre 2009 et 2010, au Bayern Munich pour se faire un nom entre 2010 et 2014 ou au Real Madrid pour faire partie d’une des équipes les plus dominantes de l’histoire du football, Toni Kroos - avec une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne, une maîtrise technique pouvant en rendre jaloux plus d’un et une régularité déroutante - n’a cessé de marquer les esprits. Dès lors et malgré une finale de Ligue des Champions perdue en 2012 contre Chelsea, sa carrière n’a quasiment été faite que de succès. Sextuple vainqueur de la Coupe aux grandes oreilles, rejoignant ainsi la légende Paco Gento dans un cercle très fermé, champion du monde en 2014, quadruple champion d’Espagne et triple champion d’Allemagne, le Madrilène s’est également offert six coupes nationales, six Coupes du monde des clubs, cinq Supercoupes d’Europe et cinq Supercoupes d’Espagne et d’Allemagne. Rien que ça. À 34 ans, le milieu relayeur, à qui il ne manque qu’un Euro, peut donc se targuer de… 34 titres. De quoi laisser une empreinte indélébile sur le football moderne et le positionner parmi les plus grands à son poste. Mais à quel rang justement ? S’il semble difficile de dresser une hiérarchie exacte, l’homme aux 754 matches professionnels (73 buts, 166 passes décisives) est, quoi qu’il en soit, bien installé à la table des très grands.

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Toni Kroos est-il le meilleur milieu de terrain de tous les temps ?
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Une référence absolue dans l’histoire du football

Parmi ses «rivaux» potentiels, Luka Modrić occupe alors forcément une place de choix. C’est en effet aux côtés du Croate que Toni Kroos a façonné une grande partie de sa légende. Ensemble, les deux frères de Madrid, réputés pour leur rigueur et leur stature incontestable dans le vestiaire, ont finalement formé la colonne vertébrale de tous les récents succès merengues. «Cher Toni, j’ai du mal à écrire ces mots. Le monde du football est triste parce qu’un footballeur historique s’en va, et j’avoue que je suis aussi très triste. Tu es une légende du sport et une légende du Real Madrid. J’ai vraiment aimé jouer avec toi. Ce fut vraiment un honneur de partager le milieu de terrain du Real Madrid avec toi. Tu as des qualités qui font de toi un footballeur unique et spécial, et il n’y aura pas d’autre Toni Kroos. Des nuits européennes inoubliables, des titres, la magie du Bernabéu… Nous n’oublierons jamais cette étape dorée dans le club de nos vies», avait d’ailleurs reconnu l’ancien joueur de Tottenham après l’annonce de la retraite de son plus fidèle allié. Outre le natif de Zadar, d’autres noms peuvent, malgré tout, être cités dans cette caste des milieux de terrain les plus marquants et se rapprochant du profil de l’Allemand.

Dans l’histoire plus lointaine, Fernando Redondo a lui aussi fait lever les foules, et notamment celles présentes à Madrid dans les années 1990. Avec le club de la capitale espagnole, l’Argentin a ainsi remporté deux Ligas (1995 et 1997) et deux Ligues des Champions (1998 et 2000), faisant par ailleurs étalage de toute sa classe et son talent dans l’entrejeu. Ballon d’Or en 1990 et nommé meilleur footballeur de l’année FIFA en 1991, Lothar Matthäus, ancienne légende du Bayern Munich, restera, également, comme l’un des meilleurs footballeurs de sa génération. Fort d’un palmarès impressionnant, Frank Rijkaard ne peut être oublié. Évoluant au poste de milieu défensif, le Néerlandais aura, en effet, formé avec ses compatriotes Marco van Basten et Ruud Gullit un trio terrifiant à la fin des années 1980 et au début des années 1990, tant avec le Milan AC de Arrigo Sacchi puis de Fabio Capello ou encore, dans une moindre mesure, avec l’équipe nationale des Pays-Bas. Un débat où Johan Neeskens a, lui aussi, son mot à dire. Aux côtés de Johan Cruyff dans les glorieuses équipes néerlandaises de 1974 et 1978, l’ex-milieu défensif de l’Ajax Amsterdam et du FC Barcelone, réputé pour son endurance, ses relances et sa capacité à récupérer des ballons, aura remporté deux titres d’Eredivisie, trois Coupes des Pays-Bas et surtout 3 Ligue des Champions consécutives avec les Ajacides.

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Un style de jeu unique…

Cadet de ces légendes, Clarence Seedorf, surnommé «il professore» par les supporters milanais en référence à sa maîtrise de jeu, peut lui aussi s’inviter au dîner des magiciens de l’entrejeu. Quatre fois vainqueur de la Ligue des champions avec trois clubs différents (l’Ajax Amsterdam en 1995, le Real Madrid en 1998 et deux fois avec l’AC Milan AC en 2003 et 2007), le maestro des Rossoneri, doté d’un volume de jeu impressionnant et d’une frappe de balle surpuissante, n’aura cessé de forcer l’admiration. Que dire également de la carrière d’Edgar Davids, passé par San Siro mais qui a surtout garni son armoire à trophées du côté de l’Ajax Amsterdam (trois titres en Eredivisie, deux Coupes des Pays-Bas, une Ligue des champions) et sous les couleurs de la Juventus Turin (trois titres de Serie A et une Coupe d’Italie). Surnommé «Le Pitbull» - par Louis van Gaal pour la première fois - en raison de sa ténacité, l’enfant de Paramaribo au Suriname reste, aujourd’hui, dans toutes les mémoires que ce soit pour ses lunettes de protection ou ses prouesses footballistiques. Dans ce parterre de rockstars, les ogres français Patrick Viera (une Coupe du Monde, un Euro et d’innombrables titres nationaux), Didier Deschamps (deux Ligue 1, trois Serie A, deux C1, une Coupe du Monde et un Euro) ou encore Claude Makélélé (une Ligue 1, deux Premier League, une FA Cup, deux Liga et une Ligue des Champions avec le Real) ne font pas tache non plus.

Ainés de Toni Kroos, Andres Iniesta (40 ans) et Xavi Hernandez (44 ans) - légendes absolues en Catalogne où ils auront tout gagné - rejoignent par ailleurs logiquement cette lignée des milieux de terrain à la souveraineté incontestée, tant par leur aura que leur palmarès époustouflant. Enfin, si certains nostalgiques penseront, à la lecture de ces lignes, à d’autres profils, non moins inspirants, tels que Paul Scholes, Andrea Pirlo, Franck Lampard ou encore Steven Gerrard, la suprématie incarnée par les 34 printemps du champion du monde allemand relègue ces derniers au second plan. Dès lors et en remontant l’horloge du temps, force est de constater que l’historique numéro 8 des Merengues incarne, aujourd’hui, l’une des plus grandes références à son poste. Un sentiment partagé par de nombreux pairs du génie allemand. «Toni Kroos est l’un des meilleurs joueurs du monde à son poste. Il a tout gagné au Real Madrid, il avait déjà montré au Bayern qu’il était un excellent joueur et il est au top depuis de nombreuses années», avait notamment souligné Zinedine Zidane. «Je l’aime beaucoup. Il sait toujours quoi faire du ballon», soulignait de son côté Jürgen Klopp, présent samedi soir à Wembley.

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La planète football s’incline face au héros madrilène

Des éloges également dressés par son ancien coéquipier, Casemiro. «C’est l’un des joueurs les plus importants du club parce qu’il gère le rythme avec lequel nous jouons. Si Toni veut jouer lentement, on joue lentement. S’il veut qu’on joue plus vite, on joue plus vite. Nous jouons au rythme de Kroos». «Je pense que Kroos est le moteur du Real Madrid. Il a une façon de jouer qui me rappelle beaucoup moi. Il est comme mon successeur sur le terrain», avouait, de son côté, Xavi quand Paul Scholes consacrait l’Allemand au rang de «meilleur passeur du monde». Encensé par ses coéquipiers, ex-partenaires et par tous les suiveurs du ballon rond, Kroos n’a finalement laissé que des bons souvenirs à ceux qui l’ont contemplé et admiré. «Il est le coeur du Real Madrid, il fait le jeu rapidement mais peut aussi apaiser le jeu. Il est toujours démarqué et fait peu d’erreurs. Il est indispensable dans la construction du jeu du Real Madrid», analysait Oliver Kahn. «Toni Kroos est un joueur très intelligent et très calme. Les joueurs qui crient le plus sont souvent ceux qui se cachent quand les choses vont mal. Toni est le contraire, il est le plus courageux de tous dans les moments les plus difficiles. C’est l’un des meilleurs milieux de terrain de l’histoire de ce sport», confirmait enfin Pep Guardiola au sujet de celui qui peut légitimement prétendre au top 5 des plus grands joueurs à son poste.

Élégant avec le ballon, polyvalent - il a occupé le rôle de 10, 8 et 6 durant sa carrière - doté d’une vision de jeu exceptionnelle, fort d’une intelligence du jeu au-dessus de la moyenne et capable de déclencher des frappes lointaines tout en distillant des passes millimétrées dans toutes les positions (11 buts et 31 passes décisives en 151 matches de Ligue des Champions), celui qui aurait dû, selon Johan Cruyff, gagner le Ballon d’Or, n’a pourtant pas (encore) totalement dit son dernier mot. En Allemagne, sous les yeux de ses proches, Toni Kroos et son pied soyeux s’attaqueront, en effet, à un ultime défi : remporter l’Euro 2024 et ainsi devenir un candidat crédible à la plus grande récompense individuelle de l’histoire du football. Un graal, pour l’heure promis à son partenaire Vinicius Junior. Si ce titre honorifique ne serait finalement qu’un argument de plus à l’heure d’évaluer la stature du milieu de terrain allemand, il viendrait surtout boucler la boucle et couronner une carrière de rêve. Rappelez-vous, l’homme génial, c’est l’homme capable de tout…

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