Euro 2020 : quel est le problème du Portugal ?
Si le Portugal perd par plus de deux buts d'écart face aux Bleus, il sera éliminé de la compétition. Mais les critiques s'abattent déjà sur le champion d'Europe en titre. Voici pourquoi.
Pendant 80 minutes, malgré de nombreuses occasions, le Portugal n'a pas trouvé la faille contre la Hongrie, l'écurie la moins forte du groupe F. Finalement, CR7 et compagnie ont réussi à marquer trois buts (dont un penalty) dans les dix dernières minutes. Mais cela n'a pas empêché les critiques de s'abattre sur la formation dirigée par Fernando Santos.
On attendait beaucoup des champions d'Europe en titre contre l'Allemagne. Et là, c'est complètement parti en cacahuète ! Une cuisante défaite, quatre buts à deux et ça aurait pu être pire. Ce mercredi soir, les Portugais vont affronter les Bleus avec l'objectif de gagner, ou de ne pas perdre par plus de deux buts d'écart, sinon ils ne seraient pas qualifiés pour les huitièmes de finale.
Le manque de caractère
Mais que s'est-il donc passé en cinq petites années ? Gary de Jesus, consultant spécialiste du Portugal pour Europe 1 nous explique : « il y a un gros problème au niveau du manque de caractère. En 2016, il y avait moins de talent, mais plus de collectif. C'était plus discipliné et avec plus de caractère. Aujourd'hui, il y a des mecs talentueux, mais ils ont moins de caractère. Par exemple, on a Semedo qui se fait passer et qui limite va pleurer après, à l'époque, il y avait Cedric, qui n'est personne, mais qui est un guerrier. Dans un collectif, ce genre de joueurs, ça fait du bien. Aujourd'hui, on a Pepe, Cristiano, Renato, mais c'est tout. Il manque un mec par ligne avec ce genre de caractère ».
Mais ce n'est pas tout, évidemment. Fernando Santos, le sélectionneur sacré en 2016, est toujours à la tête du pays, renforcé par une victoire en Ligue des Nations et malgré une défaite en huitièmes de finale de la dernière Coupe du Monde sur le score de deux buts à un contre l'Uruguay, qui tombera à son tour face aux futurs champions du monde, les Bleus.
La philosophie de Santos en question
« Le problème, c'est clair, c'est le sélectionneur. Ma théorie, c'est le parallèle entre la France et le Portugal. Les deux nations ont eu de très belles générations, qui jouaient bien, sans gagner. Il a eu une première victoire à l'Euro, en jouant comme la France en 1998. Ce qui est resté dans l'esprit des gens, c'est de gagner malgré tout et peu importe si on ne joue pas bien. Il y a même un chant au Portugal : "peu importe, peu importe, si on joue bien ou mal, l'important, c'est de ramener la Coupe au Portugal". Ces chants sont nés en 2016. Mais c'est l'esprit de Fernando Santos, qui est un entraîneur frileux, qui joue avec deux numéros 6, malgré tout le talent qu'il a », détaille Gary de Jesus.
C'est visiblement une pensée qui est partagée au Portugal, nous explique le journaliste : « contre la Hongrie, il met la même composition, avec ce double pivot, c'est ce qui revient beaucoup au Portugal. Sauf qu'on se dit "avec la génération qu'on a, on ne peut pas faire ça", mais à un moment, il faudrait lancer quelque chose, créer quelque chose, avec ce qu'il a à disposition. On attendait tous des changements plus tôt et casser ces deux six. On ne comprend pas comment William Carvalho joue autant après une saison presque blanche avec le Betis. Le fait est qu'en conférence de presse, il rassemble les critiques. Avant l'Allemagne, il dit, les yeux dans les yeux "la possession de balle va être fondamentale" et après, il te sort une équipe avec cinq défenseurs et deux six. Il n'est pas cohérent et on attend plus ».
Le double pivot au cœur des débats
Un sentiment qui transpire aussi du côté de Nuno Barbosa, du Jornal de Noticias. «Selon moi, le problème contre l’Allemagne, c’est que le Portugal a trop respecté l’adversaire. Il y a des images qui montrent qu’avant la fin de la première minute de jeu contre les Allemands, la Seleção avait déjà 10 joueurs derrière la ligne de possession et Cristiano Ronaldo seul devant. Le milieu de terrain Danilo Pereira-William Carvalho donne de la puissance physique, mais perd grandement en créativité et en possession/conservation du ballon», a-t-il analysé. Et forcément, les critiques fusent et les observateurs commencent à s'agacer. «Même si au Portugal, on a la presse très supportrice, ils sont avant tout supporters du Portugal, mais de plus en plus, dans les chaînes d'informations, il existe des émissions qui sont plus critiques, qui analysent plus le jeu que juste gagner ou perdre», souligne Gary de Jesus.
Contre l'Allemagne, défensivement, les Portugais ont pris l'eau, notamment sur les côtés, où Nelson Semedo a bien du mal à faire oublier João Cancelo. Robin Gosens lui a fait beaucoup de mal et, cette fois, il devrait avoir Kylian Mbappé en face de lui, ce qui ne sera bien sûr pas plus simple. Si les Portugais perdent et dans les grandes largeurs, Santos aura visiblement sa part de critique, alors que tous rêvent, au pays d'Eusebio, d'un jeune entraîneur dynamique, avec du caractère, capable de faire du jeu et de polir certains éléments, encore à l'état de diamants bruts.