Être mère de famille et footballeuse de très haut niveau, du jamais vu encore en France. Si de rares exemples existent à l'étranger, force est de constater que football professionnel et maternité sont deux casquettes difficiles à porter simultanément. Un sujet compliqué auquel Foot Mercato s'est intéressé.
Jongler entre sa vie de femme et de sportive de haut niveau, tel est le quotidien de nombreuses footballeuses. Un quotidien qui ressemble à une course contre le temps. Si pour les hommes mener une carrière jusqu'à 40 ans voire même plus est monnaie courante, difficile pour une femme d'imaginer en faire de même aujourd'hui à un niveau professionnel tout du moins. Les contraintes liées à la vie de femme et la maternité sont à prendre en considération. Foot Mercato s'est intéressé à ce sujet très particulier et a donné la parole à ces femmes qui y pensent à l'image d'Amandine Henry, joueuse de l'OL Féminin : «Oui je l'ai déjà envisagé. Je n'ai que 25 ans. J'ai encore quelques années devant moi. On verra le moment venu. Si ça m'arrive, bien sûr que je le garderais. Je ferais tout pour revenir derrière. Mais le provoquer, ce n'est pas à l'ordre du jour». Milieu au PSG, Kheira Hamraoui, 25 ans, elle s'imagine très bien remplir ce rôle dans le futur: «Je veux des enfants. Je souhaite m'en occuper à temps plein. Je n'ai pas pensé à travailler après ma carrière. Je m'occuperai à 100% de mes enfants. Je n'en suis pas encore là. Avoir un enfant est une grande décision quoi qu'il arrive».
Des efforts pour revenir
Une décision qui impacte la vie de femme et de sportive. De nombreuses joueuses attendent la fin de leur carrière pour mener ce projet personnel à bien. Pourtant physiquement revenir à un haut niveau n'est pas problématique. Un point que nous confirme Alexandre Marles, responsable du Pôle Performance de l'OL, qui a eu l'occasion de travailler avec des féminines : «Physiquement, on ne peut pas dire que c'est compliqué. Après, tout dépend de comment s'est passée la grossesse. Il y a deux priorités après la grossesse. La première est de savoir la prise de poids qui va être prise post grossesse. On a des joueuses ou des athlètes due haut niveau qui prennent quelques kilos. Il faut commencer par perdre cet excédent de poids avant de se remettre à la compétition. Pour perdre du poids, il faut plutôt reprendre par des activités douces comme la natation et le vélo et se remettre à un régime alimentaire un peu plus strict. Ensuite, une à deux semaines après la grossesse il faut reprendre un travail avec un kiné pour remuscler le périnée qui est endommagé. Il faut environ un mois pour le remuscler. Une fois que c'est fait, on peut retrouver le haut niveau sans trop de problèmes deux mois et demi après la grossesse».
Il faut néanmoins que la joueuse consente à faire les efforts nécessaires à la reprise d'une activité physique de très haut niveau. Une option inédite dans l'Hexagone. «En France, les footballeuses attendent plutôt d'arriver à maturité vers 28-30 ans et se disent après j'aurai des enfants, précise Alexandre Marles. Dans d'autres sports comme l'athlétisme, les femmes ont un enfant entre 20 et 25 ans et reviennent ensuite. On a trop l'impression que si on est enceinte, ce sera trop difficile de revenir. On a peur de ne pas pouvoir faire les efforts nécessaires. C'est un peu moins ancré dans la culture française». Pourtant certaines s'imaginent très bien revenir après avoir donné naissance à un enfant. C'est le cas de Kheira Hamraoui, internationale tricolore et joueuse au PSG. «Au final, je me dis que neuf mois de grossesse c'est comme une blessure. Même si ce n'est pas vraiment pareil je l'avoue. Certaines ont prouvé que c'était possible. Donc je me dis pourquoi pas nous en France».
S'adapter aux femmes
Malgré tout, si physiquement cela ne pose pas de problème majeur, la vie d'une footballeuse de haut niveau en France est difficilement compatible avec celle de mère de famille. Attaquante de Juvisy, Gaëtane Thiney a une réflexion globale sur le sujet : «En règle générale, avoir un enfant c'est arrêter en partie sa carrière et ne pas être sûre de la reprendre. Ce sont des questions de femmes qu'on se pose qu'on soit sportive ou engagée professionnellement dans des postes à hautes responsabilités. Dans la vie, on se fixe des objectifs. Quand on est sportive de haut niveau, on a des objectifs de haut niveau. Parfois, il faut faire certains sacrifices». Des sacrifices que n'a pas souhaité faire Sonia Bompastor qui a mis un terme à sa carrière en 2013. L'envie d'être maman a été plus forte que sa passion pour le football. Enceinte de son premier enfant, l'ancienne Lyonnaise explique son choix : «C'est un projet personnel. J'ai été soutenu par mon conjoint et mes proches. J'imaginais mal le fait de pouvoir mettre au monde un enfant et être moins présente pour l'éduquer parce qu'on doit parfois s'absenter pour aller jouer et préparer des compétitions pendant 1 mois et demi. C'est une chose que je n'aurais pas bien vécu. Je voulais d'abord vivre pleinement ma carrière et c'est pour ça que j'ai arrêté la saison dernière. Je voulais fonder une famille».
Si cela reste une expérience encore inédite en France, certaines ont tenté le coup à l'étranger. C'est le cas notamment de Christie Rampone aux Etats-Unis. Championne Olympique en 2012 avec la Team USA, elle avait donné naissance à sa deuxième fille en 2010. Un exemple parmi tant d'autres. «Certaines font ce choix à l'étranger, précise Sonia Bompastor. Elles n'hésitent pas à mettre leur carrière entre parenthèses et revenir après leur maternité. Il y a eu des joueuses en Norvège, en Suède qui l'avaient déjà fait. Aux Etats-Unis aussi. C'est une pratique qui se fait plus facilement qu'en France. C'est une chose qui n'est pas encore ancrée dans notre culture et dans notre mentalité en France. Mais ça va peut-être venir dans l'avenir. A un moment donné, il y a un choix à faire et ça peut-être soit au détriment de la vie privée, soit au détriment de la vie sportive». Un choix que beaucoup de joueuses étrangères n'ont pas forcément à faire puisque des moyens sont mis en place afin que les sportives mènent de front leur vie de femme et leur carrière. Passée par Washington durant sa carrière, Sonia Bompastor a été témoin de ces innovations : «Pour avoir fait deux ans aux Etats-Unis, lors des mises aux vert et des rassemblements en groupe, que ce soit en club ou en sélection; il est autorisé que le mari et les enfants puissent venir au même hôtel que les joueuses. Ils peuvent y dormir. Elles peuvent passer du temps avec leurs enfants et leurs conjoints. En France, on reste en groupe et on évite que des personnes puissent venir interférer. C'est une chose qui doit s'ouvrir». Des réflexions doivent donc être menées sur le sujet afin que le football et la maternité puissent à l'avenir être compatibles en France.
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