Benoît Cheyrou : «je suis passé d'un des plus beaux métiers du monde à un autre»
Déjà doté d'une belle expérience dans sa jeune carrière de consultant, Benoît Cheyrou s'épanouit désormais au sein de Prime Video. L'ancien milieu de terrain du LOSC ou encore de l'OM éclaire les abonnés d'Amazon avec ses analyses pointues chaque week-end en Ligue 1, que ce soit au stade ou sur le plateau de Dimanche Soir Football. Ce mordu de tactique s'est confié à Foot Mercato avant le choc de la 26ème journée du championnat de France opposant le LOSC à l'OL dimanche (20h45).
Foot Mercato : comment se passe votre rôle de consultant chez Prime Video ? Ce n'est que du plaisir ?
Benoît Cheyrou : franchement, oui ! On a une équipe motivée, avec un bon état d'esprit, c'est agréable de travailler ensemble. Ce n'est pas que le plateau ou le stade, c'est aussi les voyages, le train, l'hôtel, les lendemains. Il y a une très bonne ambiance. Que voulez-vous que je vous dise... on regarde un match de foot, on dit ce qu'on pense sur ce qu'il se passe sur le terrain, on est payés pour ça, on va dans les plus beaux stades de France : c'est un travail rêvé. On est privilégiés. Je suis passé d'un des plus beaux métiers du monde à un autre, j'ai de la chance !
FM : comment êtes-vous arrivé à Prime Video ?
BC : j'ai connu beaucoup de médias en deux ans et demi. C'est très formateur. J'ai eu l'opportunité de faire une mission ponctuelle sur l'Euro 2020. Une première pour moi. Un exercice différent à L'Équipe, avec un plateau tous les jours cinq fois par semaine, un rythme différent. Ça m'intéressait, surtout avec Smaïl Bouabdellah, un ami d'enfance avec lequel j'aime beaucoup travailler. J'ai ensuite été sollicité, et j'ai tout de suite été intéressé. Ça s'est fait un petit peu au dernier moment. Tout le monde attendait de savoir qui aurait les droits TV. Ça s'est fait très tard, ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour tout préparer. Ils cherchaient des consultants disponibles sur le marché. J'ai été contacté, par téléphone, deux semaines avant le Trophée des Champions (le 1er août 2021, NDLR).
FM : aviez-vous envie de rester exclusivement sur la Ligue 1 ?
BC : je me sens plus légitime par rapport à la Ligue 1. J'ai eu la chance de commencer à RMC, où j'ai fait la Premier League, la Champions League, l'Europa League. J'ai joué la Coupe d'Europe donc c'est quelque chose que je connais. Je n'ai pas joué en Premier League, mais la Ligue 1, j'y ai fait quelques matchs quand même (rire), donc je connais les stades, les joueurs, les entraîneurs. On me connaît aussi. C'est donc avec beaucoup plus de légitimité que j'aborde ce championnat, tout simplement, parce que je le connais. Il me plaît, je le connais.
FM : comment jugez-vous le traitement médiatique de la L1 ? Est-il meilleur qu'à votre époque de joueur ?
BC : les outils sont différents. Quand j'étais joueur, il n'y avait pas encore les réseaux sociaux. On a une façon de consommer avec cette plateforme Prime différemment que la télé d'avant. Il y a beaucoup plus de matchs disponibles. Cette couverture, c'est la grosse différence. La façon de traiter, j'ai souvenir de certains consultants qui avaient peut-être un peu d'aigreur, qui accentuaient leurs analyses plus sur le négatif plutôt que sur le positif. Sur chaque action de jeu, sur un but, sur une passe ratée, il y a du positif à mettre en valeur. J'ai plus envie de mettre la lumière sur les choses bien faites que sur le négatif.
FM : depuis le début de la saison, quels joueurs ont le plus attiré et retenu votre attention ?
BC : je suis sous le charme de Benjamin Bourigeaud (Rennes) par exemple. Il n'est pas très médiatisé, il est sous-coté. C'est peut-être le joueur le plus utilisé au Stade Rennais (il l'est, avec 25 matchs disputés en L1, NDLR), qui peut jouer à plusieurs postes, qui est endurant, intelligent, avec un super pied droit. J'ai aussi vu Castello Lukeba (OL), qui m'a impressionné par sa faculté à être concentré à ne pas faire d'erreur pour un jeune défenseur central et inexpérimenté. J'ai envie de mettre en valeur ces joueurs, plutôt que ceux dont on a l'habitude de parler. À l'OM, par exemple, Luan Peres n'est pas très médiatisé, pas très fantasque, mais il fait très bien son boulot. Quand il n'est pas là, ça se voit. Je veux mettre en valeur des choses qui paraissent simples, qui sont moins vues du grand public, avec mon vécu de joueur.
FM : avez-vous une équipe frisson, qui vous procure le plus de plaisir en la voyant jouer ?
BC : c'est Lens. Depuis le début de saison, même la saison dernière. Ils ont beaucoup d'ambition. Même quand ils mènent 1-0, ils continuent d'attaquer, il y a toujours beaucoup de mouvements, de permutations. Il y a des joueurs talentueux, Gaël Kakuta, Seko Fofana, Jonathan Clauss, Florian Sotoca aussi, qui fait beaucoup d'appel, de choses dans l'ombre, qui ont beaucoup d'impact sur son équipe. Leur coach est toujours très abordable, il explique les choses, il ajuste certains détails dans un cadre bien défini. C'est une équipe que j'aime regarder.
FM : si on vous dit coup de gueule, on imagine que vous pensez forcément aux débordements avec les supporters...
BC : bien sûr. Ça ne doit pas arriver. Le terrain doit être un endroit sacré. Je pense que les sanctions devraient être beaucoup plus fermes. Ça devrait faire peur de rentrer sur un terrain. Surtout après les mois de galère qu'on a vécus. Gâcher le plaisir des joueurs et de tous les autres supporters, j'ai du mal à le comprendre, et on ne peut pas le tolérer.
FM : vous pensez donc qu'il manque une sanction exemplaire pour faire évoluer les mentalités ?
BC : je pense. Après, je comprends la problématique et la difficulté de prendre les sanctions. Un coup on nous dit que le club qui reçoit doit prendre les sanctions, un coup c'est la Ligue, un coup c'est le Préfet. Beaucoup de monde est mêlé mais aucune sanction exemplaire n'est prise. Si on arrive dans un stade avec une idée déplacée et qu'on sait qu'on risque de ne plus y revenir pendant 10 ans si on fait une connerie, peut-être qu'on ne la fera pas.
«On se met la pression pour essayer de progresser et d'être les meilleurs possible»
FM : quel est le milieu qui vous ressemble le plus actuellement dans le championnat de France ?
BC : c'est compliqué... Benjamin André ou Benjamin Bourigeaud peut-être !
FM : au sein de votre équipe à Prime Video, ressentez-vous le même esprit qu'au sein d'un club de foot ? Cet état d'esprit collectif, l'ambiance famille...
BC : un peu, bien sûr que ça nous sert. On a toujours été habitués à vivre à 25, faire des déplacements, des stages, respecter des horaires, déconner, se chambrer... C'est agréable quand il y a une bonne ambiance, quand il y a une bande de 5 ou 6 potes à chaque fois, peu importe notre âge. On voyage, on se chambre, on se fait des blagues, on passe du bon temps. On rigole mais on travaille sérieusement, on prépare les choses. On se met la pression pour essayer de progresser et d'être les meilleurs possible.
FM : qu'apprenez-vous aux côtés des autres consultants de Prime Video que sont Thierry Henry, Ludovic Giuly... ?
BC : on s'aperçoit qu'on ne s'est pas côtoyés au quotidien mais on parle de certains joueurs qu'on a connus il y a 20 ans ou 30 ans... il y a cette culture commune qui fait qu'on est très proches. On se raconte des anecdotes sur des joueurs ou des entraîneurs qu'on a croisés dans certains clubs. C'est enrichissant, c'est top. Avec Ludo Giuly, on se rappelle des matchs qu'on a joués l'un contre l'autre. On est passionnés. C'est passionnant. Quand on voit qu'on est sérieux, qu'on travaille, qu'on n'est pas là pour piquer la place de l'autre, qu'on a un bon état d'esprit, qu'on est dans le partage et la passion, tout se passe bien. C'est un vrai plaisir.
FM : quelle est la différence, dans la préparation, entre une émission comme Dimanche Soir Football et un match à commenter ?
BC : quand tu commentes un match, il faut connaître la carrière de tous les joueurs sur le bout des doigts. Leurs matchs précédents, comment ils jouent les uns avec les autres, les uns contre les autres, les faiblesses et les atouts de chaque équipe. Tu te mets à la place de l'entraîneur aussi, comment tu ferais ton équipe : "en fonction des forces de mon équipe ou des faiblesses d'en face ? Où est-ce que j'essaierai de faire mal..." Quand tu prépares une émission, il faut connaître encore plus, parce qu'on va te parler des matchs qui viennent de passer. C'est une culture. Il faut regarder les matchs tous les jours, ce qu'il se passe, et depuis plusieurs années. Il y a des anecdotes qui peuvent te revenir d'un joueur il y a 10 ans dans telle ou telle équipe... il faut aussi être en connexion avec les journalistes avec lesquels tu travailles, pour savoir quels angles ils veulent aborder, de quelle manière...
FM : préférez-vous commenter un match au stade ou être en plateau pour une émission ?
BC : les deux exercices me plaisent. J'ai peut-être une petite préférence pour commenter les matchs. J'aime ce côté adrénaline, tu ne sais pas ce qu'il va se passer. Tu te mets à la place des joueurs, des entraîneurs... On ne sait jamais ce qu'il va vraiment se passer, c'est pour ça qu'on aime le sport et le foot en particulier. Cette excitation, cette incertitude avant chaque match, ça me plaît. En direct, il ne faut pas se tromper de nom, bafouiller. Sur un plateau, c'est plus posé, il y a moins d'urgence.
FM : le dispositif déployé par Prime Video, avec une présence en bord terrain pour l'avant et l'après-match, vous rapproche-t-il encore plus des acteurs ?
BC : forcément. En tant qu'anciens joueurs, on aime dire bonjour aux joueurs, aux coachs, aux acteurs. On retrouve des gens du staff technique, médical, même des stadiers. C'est une atmosphère qu'on a connue, et qui nous manque parfois un petit peu. La retrouver tous les week-ends, c'est très agréable. Il y a des échanges, avant ou après les matchs. Le fait d'être sur la pelouse, on ressent une atmosphère complètement différente. On est plus en inside, c'est plus intéressant. On peut aussi faire partager cette émotion, ce ressenti, à l'abonné devant son écran.
FM : qu'aimez-vous le plus et le moins le plus dans votre travail ?
BC : ça me plaît de participer à l'élaboration des palettes tactiques. J'ai toujours été passionné de tactique. Ce qui me frustre parfois en commentaire de match, tu dois apporter ton analyse et ton expertise sur les ralentis. Parfois, il y en a 2 ou 3 et ça va vite. Tu n'as parfois pas le temps d'aller en profondeur sur un aspect qui se voit un peu moins. Une passe qui a l'air simple au milieu du terrain peut être mise en valeur, si elle a été faite de l'extérieur du pied, pourquoi elle l'a été faite, pour donner tel angle et tel effet... On s'attarde beaucoup sur les buts et les actions décisives. Dans des émissions à froid, tu peux rentrer plus dans ces petits détails-là qui font la différence au plus haut niveau.
FM : Qu'est-ce qui vous différencie des chaînes concurrentes sur ce créneau du dimanche soir ?
BC : déjà on a les images, c'est très important. C'est plus facile pour nous de nous appuyer sur des images plutôt que d'expliquer ce qu'il s'est passé sans les images. Les gens veulent voir les images, les buts, c'est le plus important. Après, tout va très vite, c'est assez varié. Je pense que l'émission progresse bien dans ce sens-là, il y a de plus en plus de choses différentes.
OL-LOSC ? Avantage Lyon pour Cheyrou
FM : ce choc oppose deux candidats à la C1 décrochés en début de saison. Est-ce un match à double tranchant et à quoi peut-on s'attendre ?
BC : je trouve Lyon mieux organisé maintenant avec leur 4-2-3-1. Ils n'ont pas fait un mauvais match à Lens (1-1), qui reste une des meilleures équipes du championnat, surtout leur seconde mi-temps. Le retour de Toko Ekambi est cohérent, le recrutement de Faivre qui gagne en consistance depuis qu'il est arrivé à Lyon, avec Ndombele. L'équipe de l'OL me plaît. Le dernier match de Lille a été un peu plus compliqué, individuellement comme collectivement. Je mettrai peut-être un petit avantage pour Lyon.
FM : quelle est l'équipe la mieux armée sur le papier ?
BC : la dynamique est meilleure côté lyonnais. Depuis qu'ils ont retrouvé Karl Toko Ekambi, avec Romain Faivre qui peut rentrer dans ce profil là aussi, Dembélé qui s'impose comme l'attaquant de cette équipe. Quand il n'était pas là on l'a vu, ça a été plus compliqué. Quand les meilleurs jouent à leur poste, comme Paqueta, c'est mieux. Peter Bosz a pas mal bricolé ces deniers mois. Là, ce n'est plus le cas. Lille, je les vois faire un peu de surplace, avec toujours cette ossature et ce 4-4-2. Après, c'est toujours plus difficile de jouer contre Metz, un bloc bas, que contre Lyon, qui va peut-être un peu plus se livrer et qui laissera un peu plus d'espaces pour les Lillois qui aiment bien contrer. Si Lyon arrive à avoir la possession dans le camp lillois, peut-être qu'avec la vitesse de Jonathan David notamment ils seront plus dangereux et tranchants. J'espère qu'il y aura des buts (rires) ! Je ne pense pas que ce sera un match fermé.
FM : qu'est-ce qui peut-être le facteur X de cette rencontre ? Un joueur, un système, une tactique... ?
BC : j'ai envie de dire Karl Toko Ekambi, qui est un joueur sous-coté pour moi. Je trouve qu'un des points faibles de Lille est le côté droit avec Zeki Celik, que j'aimais beaucoup mais que je trouve moins bien depuis plusieurs semaines. Sur le côté gauche lyonnais, avec KTE, il peut y avoir des décalages de faits.
FM : quel XI concocteriez-vous si vous deviez piocher dans les deux équipes ?
BC : Lopes dans les buts. Emerson à gauche et Malo Gusto à droite, avec une charnière Lukeba-Botman. Deux gauchers, c'est bien les gauchers (rire). Un tandem Caqueret-Ndombele devant la défense. Renato Sanches en meneur de jeu, avec Hatem Ben Arfa côté droit et Karl Toko Ekambi à gauche. Avec Jonathan David en pointe.
FM : si vous deviez choisir un camp, souhaiteriez-vous plus une victoire de l'OL, où votre grand frère, Bruno, travaille en tant que responsable du recrutement, ou du LOSC, où vous avez joué ?
BC : c'est dur. Quand on est consultant, on n'a pas le droit de parler avec son cœur. Ce qui est parfois difficile dans ce métier. Parfois, on ne veut pas montrer ce que dirait notre cœur et on a tendance à être un peu plus dur avec l'équipe qu'on aime, pour ne pas montrer qu'on est supporter. Après, on ne peut pas plaire à tout le monde. On est pour le football, pour le spectacle.
Le XI préféré de Benoît Cheyrou avec des Lyonnais et des Lillois
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