La Jupiler Pro League affole l’Europe avec ses pépites
Cet hiver encore, l’actualité de la Belgique ne prendra pas de vacances. Depuis le début du mercato, la Jupiler Pro League est attaquée de toutes parts et devrait encore voir d’autres de ses pépites s’envoler.
Si les traditionnels soldes d’hiver ont déjà commencé en France, et ce pour six semaines, notre voisin belge connaît aussi la grande liquidation en ces jours frileux. Depuis l’ouverture de son marché le 5 janvier, le plat pays a vu bon nombre de ses pépites prendre la fuite, et à l’évidence, cela devrait se prolonger jusqu’à sa clôture le 1er février. Pépinière de talents où les clubs du TOP 5 européen ont pris l’habitude de faire leurs emplettes, la Belgique a déjà exporté pour plus de 38 millions d’euros cet hiver. À titre de comparaison, c’est 10 de plus que les clubs français, 30 que les allemands et 28 de plus que les clubs de Liga, qui n’ont par ailleurs enregistré qu’une seule cession sur cette période : celle de Mohamed-Ali Cho en provenance de la Real Sociedad à Nice pour 10 millions d’euros. Des chiffres à mettre en relief - la Jupiler s’apparentant à un championnat dit «tremplin» - mais qui témoignent tout de même de l’attrait que continue de susciter le championnat à l’étranger. Aujourd’hui, les cadors européens n’hésitent plus à miser sur un potentiel, et c’est naturellement vers la Belgique qu’ils se tournent.
Il y a un an, le Borussia Dortmund avait ainsi déboursé 8,5 millions d’euros pour Julien Duranville, 16 ans et 11 matches en professionnel, tandis que Rennes, à l’été 2020, en avait dépensé plus de 20 pour débaucher un autre phénomène d’Anderlecht : Jérémy Doku, âgé de 18 ans à l’époque. Pour Jason Bokolo, intermédiaire spécialement implanté sur le marché belge, rien d’outrancier dans cette pratique : «en France, et c’est logique au regard de la population, on a plus de talents bruts qu’en Belgique. En revanche, ici (en Belgique), on a des formateurs capables de maximiser les qualités des jeunes, de les pousser à diversifier leur jeu, et d’en faire des joueurs prêts pour le haut-niveau très tôt, tranche l’agent. Il y a eu la génération des Fellaini, Benteke, Lukaku, mais la nouvelle incarnée par Doku confirme cette tendance. Aujourd’hui, les clubs viennent chercher à la source des joueurs qui disputent déjà la Coupe d’Europe à 17, 18 ans, et qui évoluent dans un championnat athlétique assez similaire à ce qu’on retrouve dans les grands championnats..»
La Gantoise, animateur de l’hiver
Troisième du championnat belge cette saison, La Gantoise a déjà fait les frais de cette grande braderie. En l’espace de cinq jours, le club flamand a vu deux des plus grosses valeurs marchandes de son effectif s’envoler vers les cieux lyonnais : Malick Fofana (18 ans) et Gift Orban (21 ans). Le premier, pur produit issu du cru, a été vendu pour 17 millions d’euros tandis que le second, arrivé pour un peu moins de 5 millions d’euros en provenance de Norvège il y a un, est reparti pour trois fois plus. Pour Boks, l’OL a réalisé deux belles affaires avec ces deux arrivées : «ce n’est pas un secret, aujourd’hui tu payes aussi le potentiel et l’image de marque d’un joueur. Mais je pense que l’OL a fait deux très bonnes affaires avec Fofana et Orban, élude l’intermédiaire qui gère les intérêts de plusieurs joueurs de Jupiler Pro League et d’Eredivisie. Ils ont performé en Belgique, un championnat porté sur l’aspect physique et assez similaire à la Ligue 1 sur certains points, puis ils ont aussi brillé sur la scène européenne, en C3 et en C4. Ce sont des joueurs déjà prêts, qui parlent en plus la langue. C’est toujours plus simple que d’aller chercher un joueur au Brésil qui présente plusieurs inconnues.»
Aujourd’hui, les clubs de Ligue 1 n’entendent pas rompre le lien avec la Belgique, un marché économique relativement porteur. Pour citer à nouveau La Gantoise, le club s’apparente aujourd’hui à un véritable partenaire du championnat de France, en attestent les transferts de Jonathan David à Lille pour 27 millions d’euros en 2020, ou de Joseph Okumu, transféré l’été dernier à Reims pour 10 millions d’euros. Bruges, de son côté, a par exemple vendu Krépin Diatta à Monaco pour 17 millions d’euros en 2020, Loïs Openda à Lens pour un peu plus de 15 en 2022 ou encore Abakar Sylla à Strasbourg cet été pour 20 millions. Cet hiver, son international canadien Tajon Buchanan a lui aussi changé d’air en rejoignant le finaliste de la dernière Ligue des Champions, l’Inter Milan, preuve de la crédibilité grandissante du championnat. Et comme il suffit de secouer un arbre pour que les talents apparaissent à Bruges, la nouvelle attraction devrait désormais se nommer Antonio Nusa. Le jeune ailier norvégien de 18 ans, déjà pisté par Chelsea et Tottenham, est attendu pour détrôner Charles De Ketelaere au classement de la plus grosse vente d’un club belge (le Belge avait été vendu 32 millions d’euros à l’AC Milan en 2022).
Le travail des recruteurs et des formateurs belges mis en lumière
Avec la folie qui gravite autour des pépites du championnat belge, ce sont également les formateurs et les recruteurs qui voient leur travail être mis en lumière. Comme rapporté par l’Observatoire du football CIES en fin d’année 2023, Anderlecht occupe par exemple la 25e place au classement des centres de formation les plus rentables de la planète. Entre 2014 et 2023, le RSC a ainsi facturé pour 179 millions d’euros des joueurs formés au club. Dans le classement des meilleurs centres de formation du CIES, basé sur le taux de joueurs formés au club et ayant évolué avec l’équipe professionnelle, trois clubs du plat pays figurent également dans le TOP 100 : Anderlecht, 38e avec 50 joueurs formés, le Standard, 57e, juste derrière le Bayern Munich avec 44 joueurs issus de l’Académie, et enfin Genk, 97e avec 32 joueurs. Dans d’autres proportions, d’autres «nouveaux» émergent et parviennent à se montrer de plus en plus attractifs, à l’image d’Antwerp ou de l’Union Saint-Gilloise.
«Les choses progressent de plus en plus en Belgique. Antwerp met de plus en plus d’argent dans la formation, on le voit avec le développement de talents comme Arthur Vermeeren, juge Sacha Tavolieri, journaliste et spécialiste du football belge. L’idée est clairement de se rapprocher du modèle en France. D’ailleurs, la réglementation oblige les clubs à fournir au moins 6 joueurs formés en Belgique sur la feuille de match, ce qui pousse factuellement les clubs à mettre l’accent sur la formation. D’ailleurs chaque saison, on voit les clubs belges aller loin en Youth League.» Pour mettre l’accent sur la formation, l’assemblée générale de la Pro League avait par ailleurs acté l’adjonction de quatre équipes U23 à la D1B il y a un peu plus d’un an.
Une façon aussi pour les clubs de préparer leurs jeunes pouces à l’intensité et l’exigence du haut-niveau. En ce sens, les réserves d’Anderlecht, de Genk, du Standard et du Club de Bruges évoluent aujourd’hui dans l’antichambre de la Jupiler Pro League, et au niveau professionnel. Pour Sacha Tavolieri, cette mesure tend à accélérer le processus d’intégration des jeunes : «pour les joueurs qui se montrent au-dessus du lot chez les U23, il peut rapidement y avoir des perspectives chez le groupe A. Les jeunes affrontent déjà des équipes très rudes, et ça les conditionne pour le haut-niveau. Le saut est beaucoup moins abrupt ensuite.» Une vitrine également, qui a d’ailleurs permis à Sekou Diawara (19 ans, Udinese), Mika Godts (18 ans, Ajax) ou encore Arne Engels (20 ans, Augsburg), de décrocher des opportunités à l’étranger et d’y découvrir le très haut niveau. La Belgique n’a pas fini d’attiser les convoitises.
En savoir plus sur