Jeff Reine-Adélaïde : « trouver un club qui partage ma philosophie »
Aujourd’hui libre après une saison aboutie sur le plan individuel à Molenbeek, Jeff Reine-Adélaïde est courtisé. Mais l’ancien capitaine de l’équipe de France Espoirs ne veut pas se précipiter, et attend patiemment de trouver un projet en phase avec ses idées.
Solidement cramponné à ses idées, Jeff Reine-Adélaïde a balayé les doutes sur sa capacité à retrouver son football après deux grosses blessures. La saison dernière, l’ancien capitaine de l’équipe de France Espoirs s’est refait une santé à Molenbeek, en Belgique, où il a pu retrouver du rythme et de la continuité. Incontournable, il a démarré 27 rencontres comme titulaire (sur 30 possibles, avec 3 buts et 2 passes décisives à la clé), et a même fini par être nommé capitaine de son club, finalement relégué en deuxième division.
Il le martèle : c’est son mental et l’amour qu’il porte au football qui lui ont permis de revenir à ce niveau de performance. Aujourd’hui libre après la fin de son contrat avec le club belge, le milieu de 26 ans reste courtisé, mais n’a pas encore fait son choix. Il patiente, étudie les propositions qui s’offrent à lui, mais souhaite avant tout retrouver un projet ambitieux et humain, dans lequel il pourra se retrouver et briller.
Foot Mercato : tu sors d’une saison de “reconstruction” à Molenbeek, où tu as même été nommé capitaine en fin de saison. Parle nous-en
Jeff Reine-Adélaïde : c’est sûr que ça a été une saison importante sachant que j’arrivais à la fin de mon contrat (il avait signé un bail d’une saison à l’été 2023). Il fallait se montrer, retrouver du temps de jeu et de la continuité. Puis sur le plan personnel, l’idée, c’était de reprendre confiance en mon corps, de me montrer que j’étais capable d’enchaîner les matches et de jouer tous les trois jours. Je suis assez content, même si sur le plan collectif, il y a la déception de la relégation.
FM : tu t’es remis en selle avec 27 apparitions cette saison, apprécies-tu les matches différemment aujourd’hui ?
JRA : oui, tout à fait. En fait, je suis un joueur qui ne prend pas le football comme un métier, mais plutôt comme un plaisir. Même si à travers ce plaisir, il y a toujours cette quête de la performance. Mais j’aime le football, j’aime faire plaisir aux supporters, et rejouer comme j’ai pu le faire cette saison, ça me procure de la joie. Arriver au stade en bus, descendre devant tous les supporters, arriver à l’échauffement avec les coéquipiers, ce sont des petits détails, mais aujourd’hui, je les savoure… En fait, je kiffe tous ces petits moments auxquels je n’accordais pas forcément d’attention avant. Et c’est après certaines péripéties que tu prends conscience de l’amour que tu portes au football.
«C’est dur d’entendre des gens dire que tu es fini à 25 ans»
FM : quelle part le mental a-t-il occupé pour te revoir ici sur les terrains ?
JRA : 100%. J’ai dû me battre pour revenir sur les terrains, me battre par rapport aux personnes qui ne croyaient plus en moi. J’ai dû m’arracher contre pas mal de choses. J’avais 25 ans l’année dernière, et quand tu es aussi jeune, c’est dur d’entendre des gens dire que tu es “fini”. Le mental prime dans ces moments, et tu le construis grâce à l’aide de ton entourage. Si c’est une revanche ? Oui, mais surtout pour moi-même. Après, les gens peuvent émettre des critiques, mais ce sera toujours à nous, les joueurs, de leur montrer qu’ils ont tort.
FM : on a pu te voir jouer 6, 8, mais aussi ailier ces dernières saisons, as-tu un poste préférentiel et comment expliques-tu cette polyvalence ?
JRA : j’ai toujours été polyvalent en catégories de jeunes. À Lens, je jouais souvent au milieu, puis quand je partais en sélection, j’évoluais sur le côté. En fait, j’avais cette aisance technique pour jouer au milieu, mais j’étais aussi capable de faire beaucoup de différences dans le couloir. On ne m’a jamais bridé ni donné de poste fixe en réalité. Puis quand tu grandis, tu continues de te découvrir. Ma sensibilité, c’est plus au milieu de terrain. C’est ici que je prends le plus de plaisir et que j’apporte le plus. J’ai le volume de jeu et j’aime être à la création.
FM : si on compare le Jeff Reine-Adélaïde de 2019, révélation de L1 avec Angers, et celui d’aujourd’hui, sur quels aspects juges-tu avoir le plus évolué ?
JRA : je pense que ce sont deux joueurs différents. J’étais un joueur en pleine évolution, qui prenait énormément de risques dans des zones parfois très compliquées. Aujourd’hui, les deux grandes différences, c’est que j’ai engrangé de l’expérience et pris en maturité. Mais ce côté insouciance, c’est ce qui fait mon jeu, car j’ai toujours aimé le beau jeu, et le jeu d’instinct. Je préfère un joueur qui prend des risques, même dans des situations difficiles, qu’un joueur qui va balancer devant. Dans les choix et les prises de décision, je vais beaucoup plus vite, car ce sont des situations que j’ai vues et revues. Naturellement, la répétition fait que tu scannes plus vite.
«J’aime guider les jeunes qui montent chez les professionnels, je rends aussi ce qu’on m’a donné en quelque sorte»
FM : te considères-tu comme un leader ?
JRA : mon expérience m’a fait prendre du leadership, c’est sûr. A Molenbeek, j’ai d’ailleurs eu le brassard, comme en équipe de France Espoirs. J’aime communiquer et guider les jeunes qui montent chez les professionnels. Je rends aussi ce qu’on m’a donné, en quelque sorte. Quand je suis arrivé à Arsenal en 2015, j’étais le plus jeune du vestiaire. J’étais un peu le petit frère de tout le monde, et les Français m’ont pris sous leur aile, que ce soit Koscielny, Giroud, Coquelin, Sanogo ou Debuchy. Pareil pour Cazorla et surtout Welbeck, qui me gardait toujours avec lui pour bosser après les entraînements. Ça m’a apporté beaucoup de discipline.
Pour ce qui est du rôle de leader à proprement parler, je pense qu’on en est tous un dans l’âme. N’Golo Kanté n’est pas un leader vocal, mais sur le terrain, son engagement te montre qu’il l’est sous une autre forme. Pour mon cas, je pense être d’abord un leader technique. J’essaie de poser le jeu, de temporiser quand il le faut, j’ai cette envie d’être un joueur complet.
FM : aujourd’hui, tu as “l’avantage” d’être libre pour les clubs, quel type de projet recherches-tu ?
JRA : j’espère trouver un projet ambitieux, dans lequel je m’identifie. J’aimerais trouver un club qui partage ma philosophie, à savoir jouer au ballon. Une équipe qui n’a pas peur d’attaquer. Après, dans le monde du foot, on n’a pas toujours tout ce qu’on veut, donc on verra (rires).
FM : tu as récemment confié que ton choix de rejoindre Molenbeek avait été conditionné par l’aspect humain et l’esprit familial du club. Est-ce ton critère numéro 1 aujourd’hui ?
JRA : ce n’est pas l’unique aspect à prendre en compte, mais il en fait partie, c’est certain. L’année dernière, quand je signe à Molenbeek, j’en avais besoin car le plus important pour moi était de retrouver de la confiance. Et ça m’a fait du bien de me sentir valorisé.
«La L1, c’est un championnat que je kiffe, sinon, j’adorerais aussi découvrir la Liga»
FM : des championnats t’attirent en particulier ? Un retour en France, c’est possible ?
JRA : bien sûr, la L1 c’est un championnat que j’ai toujours regardé, que je kiffe, et que je continue de regarder chaque week-end. J’ai beaucoup d’anciens coéquipiers qui y sont encore, beaucoup d’amis… Sinon, il y a un championnat que j’adorerais aussi découvrir, c’est la Liga. Globalement, les équipes y prônent la possession et l’aspect technique, c’est le football que j’aime.
FM : aujourd’hui, comment gardes-tu le rythme sans club ?
JRA : mon quotidien est simple : travail, travail et travail depuis un mois et demi. Il est rythmé par ça et je tourne autour de 2 à 3 séances par jour. Je bosse avec mon préparateur physique et on a mis l’accent sur tout ce qui manquait depuis les blessures. A côté, je travaille également avec KAFA Football à Lille. C’est une entreprise de coaching privé qui me prépare des séances techniques sur mesure. C’est important pour moi de rester dans cet ADN football.
FM : qu’as-tu envie de dire aux clubs pour les rassurer sur ton état de santé ? Car en fin de compte, tu subis ces deux blessures au genou durant ta carrière, mais en dehors de ça, tu restes un joueur relativement fiable et rarement blessé…
JRA : ma saison et le fait que j’ai pu enchaîner les matches peut les rassurer. Tu l’as dit, à la base, je n’étais pas un joueur qui se blessait beaucoup, mais ce sont les risques du métier. J’ai toujours eu cette discipline, je me suis toujours entretenu et j’ai toujours pris soin de mon corps. Donc on verra bien. De toute façon, ce sera à moi de montrer que je suis en mesure de faire le taff.
FM : quand tu es en centre de formation, on te conditionne pour le monde professionnel, mais est-ce qu’on te prépare à affronter une grave blessure ?
JRA : quand on n’a pas connu de grosses blessures étant plus jeune, non, on n’est pas préparé. Tu es mis devant le fait accompli et tu dois apprendre sur le tas pour te relever. Quand ça te tombe dessus, bah c’est là… qu’il faut être fort mentalement, et bien entouré. J’ai eu cette chance avec mes parents, mon frère, ma petite sœur… Dans les moments tu es proche de craquer, tu sais que tu pourras te reposer sur eux.
FM : as-tu mis en place certaines choses dans ton quotidien ?
JRA : à cette époque, j’en mettais déjà beaucoup en place. Mais je me suis dit qu’il y avait quand même quelque chose qui clochait, bien qu’il y ait une grosse part de malchance sur les deux blessures (il se blesse en retombant mal face à Monaco en 2021). Mais je ne me suis pas dit que c’était à cause de mon sommeil, de mon alimentation, ou autre… J’estime avoir fait les choses bien, mais quand tu n’as pas de réponses à tes interrogations, c’est difficile. J’ai ensuite travaillé avec un préparateur mental, qui m’a été d’une grande aide. Et aujourd’hui, je travaille avec mon préparateur physique qui me permet de me sentir bien.
«Le challenge c’est de revenir à un très haut niveau et que les gens n’aient plus cette image du joueur blessé»
FM : a-t-on déjà vu la meilleure version de Jeff Reine-Adélaïde ?
JRA : je pense qu’à Angers et sur mes débuts à Lyon, j’étais à un très bon niveau. J’enchainais les bonnes performances le week-end, puis en sélection. Aujourd’hui, le challenge c’est de revenir à un très haut niveau et que les gens n’aient plus cette image du joueur blessé, mais plutôt celle du joueur qui a envie de redevenir ce qu’il était. C’est le plaisir et l’instinct qui permettent de faire lever des foules. Et j’espère donc retrouver un bon projet.
FM : à Lyon, tu avais un bon projet. Quel souvenir gardes-tu de ce passage et quel est ton principal regret, si tu en as un ?
JRA : le meilleur souvenir, c’est forcément l’épopée en Ligue des Champions en 2020 avec cette demi-finale. C’était incroyable. Je découvre la compétition cette saison-là en plus. Je pense que tous les joueurs de l’effectif se souviendront de ça à vie, et ça nous lie. On a réussi à retourner la ville de Lyon, et même après l’élimination en demi (face au Bayern, 3-0), le retour à la maison était fou. Mon premier but au Groupama aussi (contre Bordeaux, lors d’une victoire 3-1 de l’OL en août 2019), c’était fou et ça reste un magnifique souvenir.
Pour le regret, c’est de ne pas avoir réussi dans un grand club comme Lyon, parce que j’avais tout pour réussir. Au final, c’est un sentiment mitigé… J’étais souvent frustré et ça m’a fait faire des choix que je regrette aujourd’hui. Je sais qu’avec de la patience, j’aurais pu réussir à l’OL. J’avais des joueurs de qualité autour de moi, et j’avais aussi ce qu’il fallait pour réussir dans ce club.
FM : à quelle période de ta carrière t’es-tu senti le plus heureux et le plus fort ?
JRA : clairement, à Angers, j’étais très bien entouré et en confiance dans le groupe. En fait, ce sont deux cas complètement différents avec Lyon. Quand tu signes à l’OL, tu sais que tu débarques dans un grand club français qui a besoin de gagner des titres, qui a besoin d’être tout en haut du tableau… Et moi, je suis arrivé à une période où on ne gagnait pas beaucoup en L1. On sentait la pression et c’était un peu plus compliqué. À l’époque, Memphis (Depay), Houssem (Aouar) et moi devions élever notre niveau de jeu, car il y avait bien plus d’attentes. À Angers, on va dire qu’il y avait moins de pression du résultat, moins de stars, mais beaucoup de qualités aussi. Je me sentais bien, dans une zone de confort, et j’ai réussi à me sublimer. C’est ce que je veux retrouver.
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