L’UNFP FC, l’ultime chance des joueurs sans contrat !

Par Stéphane Tan - Josué Cassé
12 min.
L’UNFP FC, l'ultime chance des joueurs sans contrat ! @Maxppp

Au complexe Leonard de Vinci de Lisses (91), le traditionnel stage de l’union syndicat des footballeurs professionnels (UNFP), organisé chaque année depuis 1990, a une nouvelle fois ouvert ses portes le 24 juin dernier. Blessés, en échec, à court de forme ou tout simplement en crise de confiance, une quarantaine de footballeurs professionnels sans contrat cherche ainsi à retrouver un projet séduisant au plus vite. Au cœur d’une structure en plein essor, ces différents profils profitent alors d’infrastructures dignes des plus grands clubs européens. Retour sur une aventure humaine de six semaines et demi où chaque membre de l’organisation est animé par l’esprit de dévotion.

24 juin 2024. Lisses. Bien loin de l’effervescence provoquée par le mercato ou l’interminable feuilleton des droits TV, le traditionnel stage de l’union syndicat des footballeurs professionnels (UNFP), organisé chaque année depuis 1990, ouvrait, une nouvelle fois ses portes à l’espace Léonard de Vinci. Dédiée aux footballeurs professionnels sans contrat, cette session estivale de six semaines et demi - entièrement pris en charge par l’UNFP - est ainsi l’occasion pour les joueurs présents de se maintenir en forme avant d’embrasser un nouveau projet. Sortis du centre de formation, débarqués d’une première expérience douloureuse, anciens cadres de Ligue 1 ou forts d’une expérience sur la scène européenne, divers profils se sont alors retrouvés dans le sud de la région parisienne avec l’objectif de retrouver un défi à la hauteur de leurs attentes, et ce, dans des conditions exceptionnelles… Balnéothérapie, salle de sport ultra-moderne, multiples terrains accolés à l’hôtel, espace détente, salle dédiée aux soins avec kiné et ostéopathe, piscine extérieure avec cryothérapie : tout est, en effet, réuni pour permettre à une quarantaine de joueurs au chômage de postuler à un avenir plus radieux.

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«L’existence n’est qu’une question de seconde chance et tant que nous serons en vie, jusqu’à la fin, il restera une autre chance»

De Désiré Segbé, passé par le Bayern Munich, à Florentin Pogba, revenu d’une aventure contrastée en Inde, en passant par Nicolas Benezet, visage bien connu de l’élite du football français, Vincent Koziello, ancien grand espoir de l’OGC Nice, ou encore Thomas Himeur, formé à Toulouse et désormais libre de tout contrat, les noms ne manquent pas mais l’ambition reste la même : signer un contrat pour la saison à venir. Ancien footballeur professionnel évoluant sous les couleurs du Stade de Reims ou encore des Chamois Niortais, Pascal Bollini, responsable de ce stage, est d’ailleurs revenu sur la raison d’être de cette aventure humaine. «L’objectif, c’est de préparer les joueurs pour qu’ils retrouvent un projet. On veut les placer dans les mêmes conditions qu’un club. On est un club. On est fiers aussi d’être identifié comme tel. Cette année on a fait le choix de commencer avant les autres clubs pour permettre aux joueurs d’être prêts rapidement et de pouvoir relever un nouveau défi, même durant leur période de préparation», notait, à ce titre, celui qui est passé par le stage UNFP FC en 1994.

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Et d’ajouter : «on cible des joueurs L1, L2 et National et en fonction des joueurs inscrits, on peut aller sur des fédéraux. Aujourd’hui, on a 300 joueurs sans contrat à peu près, on va être à 200 au cours de l’été et une cinquantaine autour du mois de novembre. Ce qui fait notre force et notre fierté, c’est notre professionnalisme. On est un club avec un cadre, des terrains de qualité, un encadrement compétent, des coachs, des adjoints, un préparateur physique, un préparateur mental, on a aussi un staff médical avec kiné, ostéopathe, masseur. On a également une très belle visibilité grâce aux réseaux sociaux et le travail formidable de Philippe Rossi et Barkley (Miguel Panzo, ndlr). Moi, je m’occupe de toute la partie logistique. Cela représente beaucoup de monde mais c’est ce qu’il faut aujourd’hui pour être cohérent et pour que les joueurs se rendent compte qu’on n’est pas en vacances, on est là pour travailler sérieusement et cela donne toute la crédibilité à ce club». Digne d’un club professionnel, l’UNFP FC enchaîne alors séances d’entraînement intensives et matches amicaux de prestige. Mais ce n’est pas tout.

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L’UNFP FC, un club à part entière !

Si des suivis de performance sont également réalisés chaque jour et peuvent être envoyés aux clubs qui souhaitent prendre à l’essai les membres de l’effectif, ce stage offre, par ailleurs, différentes interventions en dehors des terrains. «On fait intervenir le service juridique pour leur expliquer la notion de contrat, on leur explique aussi que le départ à l’étranger n’est pas aussi simple que ça, il y a certains pays qui peuvent être problématiques, notamment sur le plan contractuel. On fait aussi intervenir France Travail parce que les joueurs sont en fin de contrat au 30 juin donc il y a une inscription à gérer dès le 1er juillet. Après le stage, on a également un suivi aussi avec tous les joueurs, que ce soit pour le football ou la vie parce qu’il n’y a pas que le football et parfois certains veulent embrasser une nouvelle carrière dans un autre domaine. Une chose est sûre, on accompagne au mieux ces possibles reconversions. Cette année on n’a pas fait le stage cohésion exceptionnellement à cause des JO car l’armée est très mobilisée sur la compétition mais la cohésion s’est faite naturellement malgré tout», précisait, en ce sens, Pascal Bollini. Autre particularité de cette édition 2024, la mise en place de deux staffs.

L’UNFP FC, le stage estival des joueurs sans contrat

Après une première phase encadrée par Damien Ott (entraîneur principal), Jean-Jacques Pierre (entraîneur adjoint), André Biancarelli (entraîneur des gardiens) et Olivier Guillier (préparateur physique), un deuxième staff composé de Fabien Lefèvre et Romain Pitau (entraîneurs principaux), accompagnés de Mehdi Lamkadmi (entraîneur des gardiens) a pris la relève à partir du 22 juillet dernier. Une équipe complétée par Laurent Toselli (préparateur mental), Ugo Solignac (ostéopathe), Sam Pignolet (kinésithérapeute) et Philippe Durpes (masseur). Autant de compétences mises au service d’un groupe revanchard et conscient de la chance offerte. «Je pense que c’était une aubaine pour moi de démarrer une pré-saison ici. Le fait de ne pas avoir de contrat et rester à la maison, ce n’est pas vraiment la solution même si on peut se préparer individuellement mais à l’UNFP, on a un cadre idyllique pour se préparer et rester comme si on était dans un groupe professionnel. Le staff est très performant, ils nous conseillent constamment et sont derrière nous pour nous aider à retrouver un projet. On a une superbe cohésion. Dans un groupe professionnel, il y a toujours quelques brouilles mais ici on est vraiment ensemble et on arrive à donner le maximum de nous-même», nous confiait à ce titre Jonathan Kodjia, passé par Reims, Aston Villa et plus récemment Annecy.

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Un cadre digne des plus grandes écuries européennes…

Grand ami de Sadio Mané, formé à Metz et passé par la réserve du Bayern Munich au cours de sa carrière, Désiré Sègbè se montrait, lui aussi, impressionné par le cadre réservé aux pensionnaires de Lisses. «Dans la hiérarchie au niveau qualitatif et avec tout ce que j’ai vécu dans ma carrière, pour moi l’UNFP c’est deuxième, juste derrière le Bayern parce que c’est difficile de faire mieux. Après en Angleterre, j’avais des bonnes installations aussi mais à l’UNFP on a tout, on a au moins 15 personnes dans le staff. C’est génial, je me régale et si c’était un club, je suis sincère, je ne bougerais pas. Pour ceux qui hésitent, arrêtez de douter, on a tout ici et je profite de ce moment pour remercier l’UNFP. Je n’ai jamais eu de conditions aussi excellentes, excepté le Bayern. Il y a 10 ans j’avais déjà participé à ce stage et il y a eu de gros changements. J’étais resté quelques jours mais ça n’a rien à voir avec les conditions d’aujourd’hui. Avant, c’était un peu de la débrouillardise mais là tout est calibré. C’est bien mieux organisé et ça revient à ce que je disais, il faut tirer un grand coup de chapeau à tous ceux qui travaillent derrière».

Des propos flatteurs également partagés par Thomas Himeur, ancien gardien du Toulouse Football Club. «On a un staff qui est digne d’une équipe de Ligue 1 avec un préparateur physique, un coach, un coach des gardiens, un coach adjoint et les installations qui nous sont mises à disposition sont parfaites. Je pense que beaucoup de clubs font des camps dans des situations moins bien qu’ici. On a des terrains, les chambres, l’espace de remise en forme avec jacuzzi, sauna. La seule chose qui diffère d’un club, c’est qu’on va passer six semaines ici alors qu’en club c’est plutôt une semaine, voire dix jours maximum mais globalement ça reste assez similaire». Un groupe soudé mêlant jeunesse et expérience où les plus anciens n’hésitent pas, non plus, à distiller de précieux conseils à leurs cadets. «Le football est devenu difficile pour tout le monde, je ne m’étais pas imaginé venir à l’UNFP FC il y a quelques années mais c’est comme ça. Si j’ai un conseil à donner aux jeunes ? Il faut être bon, il faut être régulier et respecter le football. Il faut respecter les temps de pause, faire attention aux sorties, à la nourriture. Il faut rester focus et le travail paie toujours même si ça peut paraître bateau ce que je dis mais c’est la vérité», notait Nicolas Benezet.

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Florentin Pogba sous les couleurs de l’UNFP FC.

Deux staffs appelés, sept matches amicaux au programme…

«Mon rôle déjà est de montrer l’exemple après j’ai mon expérience pour moi avec tout ce j’ai pu vivre dans ma carrière, j’ai beaucoup de jeunes à mes côtés dans ce rassemblement et ce que je peux leur dire, c’est surtout de travailler, de ne jamais abandonner même si je pense que pour la jeunesse d’aujourd’hui, se retrouver là… je n’arrive pas trop à comprendre mais comme je l’ai dit, le football a changé, on est davantage sur la data, sur ce type de considérations mais il ne faut pas abandonner. Mentalement, ce sport c’est très compliqué, encore plus aujourd’hui donc il ne faut rien lâcher et juste s’en remettre au travail car on ne sait jamais ce qui peut se passer. Le football devient bien plus difficile et je suis là un peu dans ce rôle de papa, je suis là aussi pour les distraire car ça fait partie de la vie, il faut rester dans le positif», surenchérissait de son côté Florentin Pogba, qui s’est par ailleurs longuement confié sur sa trajectoire. Une posture de grand frère tout aussi présente dans le discours de Cheikh N’Doye, ancien joueur du Red Star et grand artisan de la montée du club francilien la saison passée.

«Jouer en Ligue 1, en Ligue 2, participer à une Coupe du monde, ce n’est pas donné à tout le monde. Aujourd’hui, je me retrouve avec des jeunes qui viennent de débuter leur carrière alors que moi je me rapproche de la fin donc j’essaie de partager mon expérience au maximum. Je suis un leader dans l’âme, j’aime parler, conseiller, guider, ça fait partie de moi». Prisé, ce stage UNFP représente, quoi qu’il en soit, une opportunité indéniable pour tous ces joueurs, plus ou moins populaires aux yeux du plus grand public. Dans cet antre de la renaissance, chacun court alors vers un horizon plus dégagé. L’occasion, également, de gommer certains défauts accumulés et de briller au cours des sept matches amicaux organisés durant ces six semaines. Vainqueur d’Orléans (2-1) le 10 juillet dernier, l’UNFP FC présente, à ce titre, un bilan plutôt honorable avec un nouveau succès contre Troyes (1-0), deux nuls face à Versailles (2-2) et Metz (0-0) et une seule petite défaite contre Valenciennes (1-2). Pour clôturer cette aventure, les coéquipiers de Darell Tokpa disputeront d’ailleurs deux dernières rencontres face au Royal Excelsior Virton de N’Golo Kanté et… Florentin Pogba, ce samedi, puis contre le Paris FC, le 7 août prochain. Chef d’orchestre de ce collectif soudé, Damien Ott, ex-adjoint de Laurent Battles du côté de Troyes et manager de l’US Avranches au cours des deux dernières années, nous rappelait malgré tout les spécificités d’entraîner un tel groupe.

Un management spécifique, des carrières relancées…

«Il faut aller à l’essentiel, on ne va pas se perdre sur des analyses trop précises, on va travailler sur des fondamentaux de cohésion, des fondamentaux tactiques, ça permet de créer une ambiance. Il faut trouver une façon de fonctionner ensemble, on est dans une réflexion collective ici. Je ne viens pas avec des caractéristiques de possession, de sorties de balle, de cheminement, de circuits de passe… il faut plus de temps pour mettre ces choses en place et les joueurs ne s’y retrouveraient pas. Par contre, quand on revient sur des notions de bloc équipe, d’animation offensive plus basique, on est sur des choses qui parlent aux joueurs et c’est intéressant. En tout cas, ça m’intéresse d’aller à l’essentiel car je pense que ça se perd dans le football d’aller à l’essentiel. La grosse différence avec un club, c’est qu’on n’est pas dans la sélection, dans le jugement, dans la concurrence… on est dans l’empathie, c’est de l’écoute, de la bienveillance, on veut juste transmettre quelques valeurs et quelques points tactiques. On veut les remettre en confiance. Si on est tous ici, c’est qu’on a une perte de confiance, qu’on existe plus actuellement et qu’on ne produit pas le meilleur de nous même mais on a tout pour se rassurer et c’est valorisant». Directeur de cette structure depuis 2004, Pascal Bollini affichait, de son côté, sa satisfaction, lui qui s’apprête à passer le flambeau après plus de vingt ans de bons et loyaux services.

Les joueurs de l’UNFP FC à l’entraînement.

«Cette aventure à l’UNFP va se refermer pour moi mais j’ai un sentiment de fierté, d’avoir commencé avec un entraîneur et un entraîneur adjoint, puis aujourd’hui d’avoir un staff avec 12 personnes. On a réussi aussi à garder au fil des années cette humilité, on a toujours mis en valeur les joueurs et je suis fier aussi de l’ambiance, des émotions, des moments vécus. J’ai pris beaucoup de plaisir depuis 20 ans à le faire. Je tire ma révérence avec un petit goût amer mais il faut aussi savoir laisser la place aux autres. Je pars serein». Un groupe de 24 joueurs qui a d’ailleurs, lui aussi, évolué au gré du mercato estival. Impressionnant lors des différents matches amicaux, Florentin Pogba s’est ainsi engagé pour une saison au Royal Excelsior Virton. Ancien défenseur du Mans, Paul Lehoux défend désormais les couleurs du FC Rouen. Après quelques jours passés à Lisses, Adrien Pagerie, arrière gauche de 32 ans, a lui décidé de faire confiance au projet du FC Chambly Oise. Formé à Troyes, Danel Dongmo a, pour sa part, signé un nouveau bail en Macédoine avec le FK Vardar. Un envol également pris pour Phillipe Boueye, aujourd’hui lié au FC Prishtina (Kosovo), Cheick Traoré, nouveau joueur du Gloria Buzău (Roumanie) ou encore Léo Jousselin, prometteur latéral droit de 22 ans passé par la réserve de l’OM et désormais sous la tunique du FC Progrès Niederkorn (Luxembourg). Autant d’exemples qui ne cessent de renforcer, année après année, les bienfaits et la légitimité du stage UNFP…

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