Euro 2020 : les raisons du possible fiasco de la Croatie
Dotée d'un seul point en deux matches pour sa phase de poules de l'Euro 2020, la Croatie est dos au mur avant d'affronter l'Écosse lors de l'ultime journée. Pour rallier les huitièmes de finale, il faudra l'emporter. Proche de la sortie de route, la Croatie peut surtout s'en vouloir à elle même.
Une digestion difficile de la Coupe du monde 2018
Petit pays de 4 millions d'habitants, la Croatie a néanmoins réussi à s'imposer en trente ans comme l'un des pays phares du ballon rond avec une demi-finale lors de la Coupe du monde 1998 et la finale du Mondial 2018. S'immisçant parmi les nations historiques, les Vatreni se sont d'ailleurs qualifiés pour 11 tournois sur les 13 participations qui leur étaient possibles depuis l'indépendance du pays. Pour autant, passer à proximité d'un sacre mondial a été une déception difficile à digérer. Cela s'est vu directement avec une dernière place lors de la Ligue des Nations 2019 face à l'Espagne et l'Angleterre. Derniers et balayés 6-0 par la Roja, les Croates ont aussi était inexistants dans leur groupe de Ligue des Nations 2021 en arrachant son maintien d'un but de différence face à la Suède et en perdant par deux fois contre le Portugal et la France. Les résultats croates depuis trois ans dans les grands matches confirment une véritable difficulté à réenclencher la machine.
Des cadres décevants
Si on se réfère au onze croate aligné en finale de Coupe du Monde, les choses ont bien changé. Si Danijel Subasic, Mario Mandzukic, Ivan Strinic et Ivan Rakitic ont soit arrêté leur carrière internationale, soit arrêté leur carrière tout court, il reste pourtant de nombreux cadres. Néanmoins, ils sont vieillissants avec Ivan Perišić (32 ans), Luka Modric (35 ans), Domagoj Vida (32 ans) et Dejan Lovren (31 ans) qui ont déjà dépassé la trentaine tandis que Šime Vrsaljko (29 ans), Marcelo Brozović (28 ans) et Ante Rebić (27 ans) n'ont pas un rendement forcément similaire en sélection qu'avec leur club. Depuis le début de l'Euro, la défense montre de vraies faiblesses au niveau de la relance et dans les duels. Domagoj Vida et Dejan Lovren sont très loin de leurs meilleures années. Si Ivan Perisic reste toujours fiable sous le maillot croate et a marqué le seul but de son équipe dans cette compétition, Ante Rebic a été vraiment décevant avec un gros loupé contre la Tchéquie (1-1). Dans l'entrejeu, Luka Modric a encore quelques fulgurances sur ce début de compétition, mais Marcelo Brozović et Mateo Kovacic qui l'ont accompagné sont passés à côté de leur début de tournoi. Les satisfactions sont assez maigres pour l'instant.
Des longs temps faibles et un milieu défaillant
Ce qui ressort des deux premiers matches de la Croatie, c'est à peu près le même cas de figure avec une première période calamiteuse à subir le jeu de l'adversaire et une légère réaction avant la mi-temps et en seconde période. Cette incapacité à exister sur 90 minutes est en train de plomber la compétition de la Croatie et la sélection au damier ne peut que s'en vouloir à elle même. Souvent écrasée au milieu de terrain, que ce soit par l'Angleterre ou la Tchéquie, la Croatie n'a pas encore la formule. Avec des milieux de terrains tels que Marcelo Brozovic, Mateo Kovacic, Luka Modric, Nikola Vlasic, Mario Pasalic ou encore Milan Badelj, le constat fait terriblement tâche.
Une attaque en berne
En 2018, la Croatie avait marqué 14 buts en 7 matches et avait fait preuve d'une régularité et d'une efficacité face aux buts adverses. Pour le moment, c'est bien plus compliqué d'un point de vue offensif. Avec seulement 2 tirs cadrés par match de moyenne pour le moment, la Croatie dispose de la 21e équipe en terme dans ce registre lors de l'Euro 2020 puisque seules l'Angleterre, la Finlande et la Slovaquie font pire. Cette difficulté à se procurer des occasions franches se ressent avec notamment une difficulté depuis trois ans à remplacer Mario Mandzukic. Ante Rebic n'a clairement pas réussi à se montrer en évidence sur ce début de compétition et Andrej Kramaric, qui joue plus bas qu'à Hoffenheim, a aussi des difficultés. Ce manque de présence dans la surface, mais aussi le manque de connexion offensif est criant. Bruno Petkovic, qui a brillé lors des qualifications, pourrait être une solution, mais il n'a dû se contenter que de rentrées en jeu (57 minutes).
Des jeunes talentueux, mais pas bien intégrés
Si l'ancienne génération incarnée par Luka Modric, Ivan Perisic et Dejan Lovren approche tout doucement de la fin, la Croatie dispose toujours de jeunes talents. Malheureusement, leur traitement sur le début de la compétition est assez mal effectué. Propulsé titulaire contre l'Angleterre au premier match alors qu'il n'avait que 45 minutes dans les pattes avec la Croatie, le jeune Josko Gvardiol (19 ans) a pris le feu face aux assauts anglais et un Phil Foden survolté dans son couloir. S'il a eu du mal à rentrer dans son tournoi, il a ensuite relevé la tête. Néanmoins, les conditions n'étaient pas les plus optimales pour le joueur du RB Leipzig. Il s'en sort toutefois mieux que Duje Caleta-Car. Plutôt sérieux contre l'Angleterre, le joueur de l'Olympique de Marseille a été mis au placard au profit de Dejan Lovren. Un choix étrange tant il a présenté les meilleures dispositions parmi les centraux croates sur ce début de tournoi. De plus, la première relance croate a connu énormément de problèmes en son absence contre la Tchéquie. Alternant entre titulaire et remplaçant depuis la Coupe du Monde 2018, le Phocéen n'a pas obtenu la continuité qui lui est nécessaire afin de s'établir véritablement dans son équipe. Une situation similaire que celle de Josip Brekalo. Alternant entre quelques maigres titularisations et des entrées en jeu en tant que joker de luxe, l'ailier de Wolfsbourg est également touché par les choix de Zlatko Dalic.
Le mystère Nikola Vlasic
Clairement un des meilleurs joueurs croates en sélection lors des trois dernières années, Nikola Vlasic n'a débuté aucun match. Celui qui compte 5 buts et 2 passes décisives en 24 capes et qui a été crucial lors des qualifications s'est retrouvé sur le banc en préparation et a fait deux entrées lors de cet Euro contre l'Angleterre (1-0) et la Tchéquie (1-1). Un temps de jeu de 48 minutes assez faible qui interroge. Surtout que ses entrées ont été plutôt intéressantes avec une grosse occasion contre la Tchéquie qui aurait pu terminer au fond des filets. Les discours sont assez contradictoires autour de son état de forme. Le sélectionneur Zlatko Dalic estime qu'il n'est pas à 100% physiquement tandis que le joueur a expliqué qu'il se sentait prêt. Dans une équipe croate qui manque d'idées, il est typiquement le style de joueur qui peut libérer le jeu offensif des Vatreni et apporter du liant dans le jeu.
Zlatko Dalic sur le banc des accusés
Arrivé comme pompier en octobre 2017 sur le banc croate, Zlatko Dalic a relancé l'équipe en arrachant un billet pour la Coupe du Monde 2018 et en emmenant les Vatreni en finale. Dispose d'un bon crédit, il est en train de l'épuiser depuis trois ans. Avec des résultats assez irréguliers et un jeu assez inégal, l'ancien coach d'Al-Ain est fortement critiqué au pays. Entre des choix assez surprenants, un coaching souvent dans la réaction et non dans la proactivité, Zlatko Dalic est surtout annoncé avec insistance du côté de Fenerbahçe. Un dossier qui n'apporte pas vraiment de sérénité autour de la sélection croate.
La malédiction du finaliste
Ce ne sera pas une excuse, mais la Croatie est en train de suivre le chemin des finalistes malheureux de la Coupe du Monde. Ainsi, l'Italie en 1996, l'Allemagne en 2004, la France en 2008 et les Pays-Bas en 2012 ont été éliminés en phase de poules d'un Euro alors qu'ils étaient affublés du statut de vice-champion du monde. Pour ne pas être le cinquième pays européen de suite à être finaliste malheureux d'un Mondial et sortir par la petite porte lors de l'Euro suivant, la Croatie est donc condamnée à la victoire ce mardi contre l'Écosse. Une rencontre qui a tout du piège pour les Vatreni de Luka Modric.