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Hachim Mastour : « on m’a vu comme une machine à fric »

Par Hanif Ben Berkane
11 min.
Hachim Mastour avec l'UTS et l'AC Milan @Maxppp

Sa carrière en professionnel n’a rien d’extraordinaire, pourtant, son nom est connu de tous. Hachim Mastour a fait la Une de la presse mondiale pendant dès années lorsqu’il avait tout juste 14 ans. Véritable phénomène dans les catégories de jeunes à l’AC Milan, partenaire Nike et Red Bull aux côtés de Neymar et plus jeune joueur de l’histoire du Maroc (16 ans, sa première sélection), le milieu de 25 ans poursuit désormais sa carrière en première division marocaine. Loin des projecteurs qu’il a toujours connus. Pour Foot Mercato, il se confie sur sa nouvelle vie, sa surexposition ou encore sa dépression…

Foot Mercato : cet été, à la surprise générale, vous avez décidé de rejoindre l’Union Touarga Sport, en première division marocaine. Pourquoi ce choix ?

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Hachim Mastour : j’ai choisi l’UTS parce que le président m’a convaincu tout simplement. Je cherchais un endroit où je pourrais grandir et m’améliorer et le président m’a convaincu parce qu’il m’a indiqué exactement la voie que je cherchais. Je veux travailler, m’améliorer et apprendre autant que possible en jouant surtout.

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FM : la saison dernière, vous aviez aussi fait parler de vous puisque vous aviez rejoint la deuxième division marocaine (ndlr : il avait signé au RCA Zemamra). Un choix surprenant…

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HM : j’avais choisi de jouer au Maroc parce que le Maroc est mon pays. Je voulais repartir de zéro et me recréer. Je voulais jouer dans la région natale de ma mère aussi. C’était important. J’ai rencontré le président à l’époque et je lui ai fait une promesse, celle de gagner le championnat et d’obtenir une promotion et, en tant que capitaine, j’ai réussi (ndlr : Zemamra a terminé champion et est donc monté en D1). D’ailleurs, j’en profite pour remercier chaleureusement le président et mes anciens coéquipiers, on a travaillé dur pour atteindre notre objectif.

FM : revenons au début de votre carrière. Vous avez 14 ans et vous vous retrouvez surexposé dans les médias à l’AC Milan. A quel point cela a été dur à vivre à ce jeune âge ?

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HM : de base, je suis un gars qui aime la pression. Mais ce n’était pas facile. Après si on la supporte bien, on s’améliore de plus en plus. Clairement, depuis que je suis tout petit, les gens attendent beaucoup de moi et ont attendu beaucoup de moi. Mais moi, je suis le premier à me dépasser pour répondre aux attentes.

FM : mais vous avez beaucoup souffert de cette célébrité précoce…

HM : oui, j’ai beaucoup souffert. J’ai traversé une période de dépression. Cela n’a pas été facile, je me suis battu tellement fort et heureusement ma famille était proche de moi. Leur dire merci du fond du cœur n’est même pas suffisant. Le monde du football, c’est pas simple et tu rencontres des gens qui ne te voient pas comme un garçon qui essaie de réaliser son rêve, mais comme une machine à fric. C’est comme ça que j’ai été perçu moi.

FM : il y a quelques années, vous aviez aussi évoqué un entourage très néfaste pour vous…

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HM : oui, je me suis séparé de certaines personnes parce que je connaissais la vérité sur eux. Il était temps et légitime que nos chemins se séparent. Ils m’ont promis de me ruiner et de ne plus jamais me laisser jouer au football. J’ai beaucoup souffert de ça. Ils ont aussi terni mon nom et mon image et j’ai toujours lutté contre les préjugés des gens sur mon image. Malheureusement, l’argent vous fait faire de mauvaises choses. Ce n’est pas bien. Mais je suis franchement reconnaissant pour tout ce qui m’est arrivé. C’est ce qui a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Tout ça m’a fait grandir et m’a renforcé de plus en plus. Chaque chemin est différent. Si je peux donner un conseil aux jeunes joueurs exposés, c’est que si vous avez un rêve, vous ne devez jamais abandonner même si on vous décourage.

«Neymar m’avait dit qu’il m’attendait à Barcelone à l’époque»

FM : est-ce que vous regrettez d’avoir été surexposé aussi jeune ?

HM : non. Dieu a un plan pour chacun d’entre nous. Tout arrive au bon moment honnêtement. Et des personnes peuvent entraver ton succès mais si tu t’engages, crois et n’abandonne pas, s’il est écrit que cela arrivera, tu y arriveras, c’est tout. La religion m’a beaucoup aidé à surmonter ma dépression et les moments difficiles.

FM : avez-vous eu le sentiment d’être abandonné à ce moment-là ?

HM : oui, mais le monde est fait comme ça. Quand tout va bien, tout le monde est avec toi, derrière toi. Mais c’est quand les choses vont mal que tu comprends vraiment qui t’aime vraiment. Ou pas.

FM : dès l’âge de 15 ans, vos vidéos sur YouTube faisaient déjà des millions de vues. Est-ce que cette visibilité n’a pas aussi rendu plus exigeant le public, clubs ou coaches ?

HM : oui, c’est sûr clairement ! J’essaie de ne pas compter sur les autres, mais de faire mon travail du mieux possible, en essayant de m’amuser et d’amuser les gens qui me voient et qui voient mon football. J’ai arrêté de calculer ce que les gens disaient sur moi depuis longtemps.

FM : il y a cette fameuse vidéo avec Neymar pour Red Bull qui avait cassé internet. Vous êtes resté en contact ?

HM : oui, c’était vraiment incroyable de le rencontrer. Neymar, c’est mon idole. Nous sommes restés en contact et il m’avait même envoyé son maillot que j’ai accroché dans ma chambre. Il m’attendait à Barcelone à l’époque, j’ai vraiment envie de jouer avec lui. On verra bien dans le futur.

«Gattuso ? L’un des meilleurs entraîneurs que j’ai eu.»

FM : aujourd’hui, est-ce que vous êtes heureux en tant que footballeur ? Vous avez toujours été catalogué comme un joueur plus élégant qu’efficace et vous n’avez jamais réellement pu jouer dans vos clubs.

HM : on dit souvent que pour mieux apprécier le beau, il faut aussi goûter au laid. Le football a beaucoup changé au fil des années. Je le ressens. Aujourd’hui, il est beaucoup plus tactique et il a tué la fantaisie, l’instinct. Aujourd’hui, il n’y a plus les numéros 10 du passé… Moi, je veux encore croire que dans le football, il y a toujours de la place pour le talent et l’imagination.

FM : vous semblez avoir aujourd’hui une vision pessimiste du football. Est ce que le Hachim Mastour de 25 ans rêve toujours de jouer la Ligue des Champions ou de jouer dans les 5 grands championnats ?

HM : non non, je ne suis pas du tout pessimiste en ce qui concerne le football de notre époque, je suis juste réaliste. Je vis du football tous les jours de ma vie depuis que je suis tout jeune, c’est pour ça que je peux dire ces choses et me permettre de les dire. Et en ce qui concerne mon rêve, je suis ambitieux. Bien sûr que j’aimerais jouer un jour la Ligue des champions ou sur la scène européenne. C’est certain.

FM : est-ce que vous pensez être capable de changer votre image de gâchis du football auprès des clubs européens ?

HM : je fais tout moi-même pour ça ! Et tous les jours. Je n’ai aucun regret comme ça. Comme je l’ai déjà dit, Dieu a un plan pour chacun d’entre nous, j’en suis sûr. J’ai beaucoup appris de mes expériences que ce soit à Milan, Malaga, PEC Zwole, Reggina etc. J’ai beaucoup appris à la fois en tant que joueur et en tant qu’homme. Et comme je dis, le voyage est encore long.

FM : qu’est-ce que vous retenez de ces expériences justement ?

HM : honnêtement, j’étais très jeune et j’ai eu la chance d’être avec des champions, je m’entraînais avec eux, j’étais en dehors du terrain avec eux et j’ai donc beaucoup grandi grâce à ça. J’ai toujours l’impression d’être avec certains d’entre eux parfois et je suis honoré d’être apprécié par des grands joueurs, surtout pour la personne que je suis. J’ai eu aussi de nombreux entraîneurs au cours de ma carrière et j’ai appris quelque chose de chacun d’entre eux, j’ai toujours essayé de voir le côté positif.

«J’ai peut-être payé mon choix de jouer pour le Maroc plutôt que l’Italie»

FM : vous avez d’ailleurs croisé la route de Gennaro Gattuso qui vient de prendre l’OM

HM : Je connaissais Gattuso et j’ai travaillé avec lui, oui. C’est l’un des meilleurs entraîneurs que j’ai eus. J’ai eu une très bonne relation avec lui sur le terrain et en dehors. Il mérite beaucoup en tant qu’entraîneur parce qu’il est vraiment bon et qu’il propose un bon football dans ses équipes. J’en profite pour le saluer chaleureusement et je lui souhaite bonne chance pour sa nouvelle expérience à l’OM.

FM : il était notamment votre coach lorsqu’à 16 ans à peine, vous connaissez votre première sélection avec le Maroc (ndlr : plus jeune joueur de l’histoire de la sélection)

HM : c’était merveilleux. J’adore la manière dont les Marocains apprécient le football. Quand tout le stade a crié mon nom, je me suis senti très excité et j’avais hâte d’entrer sur le terrain ! Je suis sûr qu’il y aura d’autres moments comme ceux-là.

FM : vous étiez convoité par l’Italie à ce moment-là aussi. Pensez-vous que votre choix de représenter le Maroc plutôt que l’Italie a eu un impact sur votre carrière ?

HM : je ne sais pas. Je ne sais pas comment les choses auraient pu se passer si j’avais choisi l’Italie. Mais moi, j’ai fait un choix sincère.

FM : ces dernières années, certains binationaux ont eu des pressions de la part de leurs clubs pour représenter un pays plutôt qu’un autre…

HM : j’ai joué dans l’équipe italienne des jeunes et j’étais leur numéro 10. Quand la convocation pour l’équipe nationale marocaine est arrivée, l’Italie et le Milan ne voulaient pas que je parte, j’ai dû les convaincre et ils ont fini par comprendre mon choix. J’ai peut-être payé pour ce choix. Des gens m’ont promis de rester près de moi et de m’aider dans cette situation, mais cela n’a pas été fait. C’est ce qui m’a le plus déçu. Chaque choix que j’ai fait, je l’ai fait avec mon cœur et de bonnes intentions.

FM : désormais, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?

HM : j’essaye de vivre au jour le jour et match après match. Je travaille chaque jour, puis je sais qu’il sera temps de montrer les choses. Je me concentre sur le présent maintenant. On ne sait jamais ce qui va se passer dans le futur. Et puis, je veux vivre les moments avec surprise, sans savoir ce qui m’attend.

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