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Warren Bondo : « je suis convaincu que je vais réussir à Milan »

À 21 ans, Warren Bondo a signé à l’AC Milan durant le mercato hivernal. Fraîchement arrivé en Lombardie et désireux de se faire une place chez les Rossoneri, le joueur formé à Nancy a accepté de se livrer à Foot Mercato.

Par Jordan Pardon - Alexandre Chaillol
14 min.
bondo milan @Maxppp

De Brétigny à Nancy, où il reste à ce jour le plus jeune joueur de l’histoire du club à avoir signé professionnel, en passant par Monza et même Reggina, Warren Bondo est toujours resté cramponné à l’idée qu’il ferait un jour son trou. «Même quand je ne jouais pas, je savais que ce n’était pas une question de niveau. Je connais mon talent», nous confie le joueur originaire de Corbeil-Essonnes, de nature très posée.

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Cette confiance et cette foi profonde en ses qualités l’ont d’ailleurs guidé cet hiver jusqu’à Millanello, où il a posé ses valises dans le cadre d’un transfert à 10 millions d’euros. Un changement de dimension et un choc des mondes, pour celui qui évoluait encore en Serie B il y a 15 mois. Mais comme lors de chacune de ses expériences, Bondo compte bien saisir les perches qu’on lui tendra, pour encore bousculer la hiérarchie.

Foot Mercato : est-ce qu’il y a eu selon toi un moment, un déclic dans ta jeunesse, qui a favorisé ton explosion ?

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Warren Bondo : oui, quand j’étais à Brétigny, le meilleur club du 91. En arrivant, j’ai vu que j’étais au-dessus et je me suis dit que je pouvais faire quelque chose. Dans ma génération 2003, il y avait Abou Sakho, qui a ensuite signé au Havre, Igor Deba Nsingi, à Bordeaux, Sekou Lega, à l’OL et devenu international français U20, et Lenny Belin, à Strasbourg. On était 5 à signer dans des clubs professionnels, ce qui reste assez rare dans une même génération. On a tout gagné : championnat U14, U15, Coupe de Paris… Ça reste gravé à vie même si ne sont pas des titres "majeurs". Quand tu bats le PSG en jeunes, que tu domines ton championnat Île-de-France, ça marque.

FM : dans la région et même au-delà, tu es déjà un jeune identifié et courtisé à cette période. Pourquoi aller à Nancy ?

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WB : au départ, je devais signer à Nantes, mais ça ne s’est pas fait à la dernière minute. On était en avril, mes copains avaient rejoint des clubs professionnels, sauf moi. J’avais aussi fait des tests à Bordeaux, au PSG, mais comme j’étais déjà en avance physiquement, que j’étais souvent surclassé, certains clubs avaient des doutes et pensaient qu’une fois arrivé en U17, ça se rééquilibrait. En fait, Nancy a été le seul club à venir avec quelque chose de concret.

Nancy Warren Bondo

«je devais aller au PSG qui me proposait un contrat pro»

FM : tu arrives à Nancy, et à seulement 15 ans, tu deviens le plus jeune joueur professionnel de l’histoire du club. Tu l’avais déjà visualisée cette image un an plus tôt ?

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WB : quand j’arrive au centre, j’ai l’intention de signer pro, mais impossible de penser que ça arriverait aussi vite. J’avais 3 ans de contrat aspirant, et là, je signe pro en un an… Donc j’ai un peu tout pété (rires). J’ai joué une saison en U17 Nationaux, je devais ensuite aller au PSG qui me proposait un contrat pro, mais ça ne s’est pas fait entre les deux clubs. Je suis resté à Nancy et on me l’a proposé.

FM : c’est le moment le plus marquant de ta formation ?

WB : si je dois en choisir un, oui. Quand t’es petit, tu rêves d’être pro, mais pas forcément à 15 ans. Personne ne l’imagine vraiment. Je savais que je signerais pro un jour, mais pas aussi vite, ça m’a même choqué (rires). Quand Paris veut me proposer un contrat pro à ce moment… moi, l’enfant de région parisienne, bah je trouve ça magnifique. Je suis finalement resté au centre avec mes potes à Nancy, et tant mieux. Je ne voulais pas aller à l’étranger, même s’il y avait Liverpool, Manchester United et l’Inter Milan.

FM : il y a généralement deux gros "paliers" dans l’apprentissage d’un jeune joueur : le passage sur grand terrain, et le passage du monde ado au monde adulte. À quel point le choc est brutal quand on a 15 ans et qu’on s’entraîne avec des joueurs qui ont parfois deux fois notre âge ?

WB : ce qui m’a aidé, et j’en suis convaincu, c’est d’avoir été habitué depuis petit à jouer avec des plus grands. J’ai souvent été surclassé, je suis vite passé de la moitié de terrain au grand terrain, puisqu’à 12 ans je jouais en U14/U15, et chez les adultes, ça m’a servi. Par exemple, lors de ma première année de contrat pro, j’étais avec la réserve qui était composée de joueurs nés en 1999 et 2000 (Bondo est né en 2003, ndlr). Ce n’est évidemment pas le même niveau, mais on va dire que je partais avec une base même si j’avais de gros axes de progression.

FM : tu as des inspirations à ton poste ?

WB : : Ma référence, c’est Yaya Touré, je le mets premier dans le classement des meilleurs milieux de terrain de l’histoire. C’était le joueur qui pouvait te mettre 20 buts en jouant 8, et pas en tant que milieu offensif, attention. C’était trop. Après, j’ai aimé des Pogba, des Modric, des Kanté. Un joueur comme Ndombele à son top, ça me parle aussi.

FM : en 2022, tu signes à Monza, fraîchement promu en Serie A et fort d’un joli projet porté par Berlusconi. C’était ton plan de carrière d’aller en Italie aussi jeune ?

WB : franchement, je n’avais pas spécialement de plan carrière, et je ne me suis jamais dit que je jouerais en Italie. Quand j’arrive en fin de contrat à Nancy, je dois signer à Nice, mais le coach Galtier part, le directeur sportif aussi… Je manquais de visibilité et Monza est venu par l’intermédiaire de Francois Modesto, auparavant à l’Olympiakos. Il m’avait parlé du projet, et n’a pas mis beaucoup de temps avant de me convaincre. On m’a dit que je jouerais, qu’il y aurait un groupe solide, et je me suis dit "go".

Warren Bondo monza

«pour moi, la Serie A est le deuxième meilleur championnat du monde»

FM : le choc est-il dur à encaisser quand tu passes de la Ligue 2 à un club de Serie A ?

WB : pour moi, la Serie A est le deuxième meilleur championnat du monde, derrière la Premier League. Il y a trop de grands clubs : l’AC Milan, l’Inter Milan, la Roma, la Juve, l’Atalanta, Naples… C’est un championnat très homogène. Je me sentais bien à mon arrivée, mais j’ai vite senti lors des séances que c’était encore un autre niveau.

FM : as-tu eu des doutes quand tu ne jouais pas au départ ?

WB : dès mon arrivée, le coach qui m’avait fait venir, Giovanni Stroppa, est parti. Raffaele Palladino, aujourd’hui à la Fiorentina, l’a remplacé et ne m’a pas non plus trop fait jouer. Je ne parlais pas la langue, et à mon poste, il y avait des joueurs qui avaient gagné l’Euro avec l’Italie comme Matteo Pessina. Moi, j’étais le petit jeune donc j’avais tout à prouver. Je savais que ce serait dur, mais je savais aussi que j’avais le niveau.

FM : et le temps t’a donné raison…

WB : je sortais d’une saison où je jouais tous les matchs à Nancy. Je n’étais pas habitué à rester sur le banc et j’ai forcé pour être prêté. Je suis donc allé à Reggina, et là… saison quasi blanche. J’ai joué que 3 matchs et quand je suis revenu à Monza la saison dernière, c’était un peu la même chose, jusqu’à ce que le coach Palladino me donne ma chance. À partir de janvier 2024 et jusqu’à janvier 2025, j’ai tout joué, et je ne sortais plus du onze.

FM : que retiens-tu de ce court passage en prêt à Reggina en Serie B ?

WB : footballistiquement, ça n’a pas vraiment été bénéfique puisque j’étais sur le banc, j’ai perdu 6 mois. Mais ça a été une expérience, j’ai été en Serie B sans jouer, et là, je me suis dit “ah ouais, je joue pas à Reggina”. Donc ça m’a forgé un mental.

«Jeremy Menez m’a pris comme son petit frère»

FM : y a-t-il une connexion avec Jeremy Menez durant ton passage à Reggina ?

WB : il m’a pris comme son petit frère, il me donnait des conseils et il savait que j’avais un bon niveau. On est encore en contact, il est consultant actuellement, j’ai vu. Il a fait une grande carrière, et il a été un grand joueur. À Reginna, il était peut-être sur la fin, mais il sentait toujours le football.

FM : tu as côtoyé Valentín Carboni à Monza l’an dernier, penses-tu que sans sa blessure, il aurait pu exploser à Marseille ?

WB : c’est un 2005, il est arrivé très jeune à Monza et s’est imposé directement. Il a toujours joué en Italie donc il a pu vu que la France, c’était encore autre chose. Je pense qu’avec du temps, il aurait réussi à Marseille. Valentin est vraiment très fort pour son âge, il fait des choses que des grands ne font pas. Il est international argentin, il a gagné la Copa America, mais malheureusement, sa blessure l’a freiné.

FM : quel est le joueur que tu as rencontré qui t’a le plus impressionné ?

WB : celui que je ne connaissais pas et que j’ai vu en arrivant à Monza, c’est Reijnders. Je joue avec lui maintenant, mais la saison dernière, je disais à mes amis que c’était le meilleur joueur de Serie A, en tout cas parmi ceux que je ne connaissais pas. Quand je jouais contre lui, il était vraiment fort, c’est celui qui m’a le plus choqué.

FM : tu parles justement de Milan, où tu évolues désormais. Raconte nous comment s’est conclue ton arrivée sur le gong ? D’un regard extérieur, on a l’impression que tout s’est bouclé en deux heures

WB : on va dire que ça s’est fait en deux heures, c’est ça en plus (rires). Quand le mercato ouvre cet hiver, je compte rester à Monza. J’ai su qu’il y avait un intérêt de Milan, mais rien de concret. On m’a dit qu’ils ne recrutaient pas et à partir de là, je me suis donc dit “pas de problème, je ne bouge pas et je reste focus sur Monza”. Puis en sortant de mon entraînement, je vais un peu sur les réseaux sociaux pour suivre le mercato comme tout le monde, et j’apprends vers 14h que Bennacer veut partir à l’OM.

bondo signature

Je n’avais aucune arrière-pensée à ce moment-là, sauf qu’à 17/18h, mon oncle, qui est mon agent, m’appelle pour me dire que Milan me veut après le départ de Bennacer, et que le club va faire une offre à Monza. Il me demande ce que je veux faire, je lui réponds “j’y vais”. Il y a 3 ans, j’avais eu la possibilité de venir avec Maldini et Massara, mais ça ne s’était pas fait. Le contact n’a jamais vraiment été rompu avec la direction sportive donc les négociations n’ont pas tardé. On s’est vite mis d’accord, et les clubs aussi, sachant que le président Galliani (aujourd’hui à Monza) était à Milan avant.

FM : remplacer numériquement Bennacer à Milan, est-ce que ça rajoute une pression supplémentaire ? D’ailleurs, vous avez le point commun d’avoir quitté la France très jeune : lui à Arsenal à 17 ans, et toi à Monza à 19 ans.

WB : c’est un top joueur Bennacer, et il a aussi une trajectoire folle depuis son départ d’Arles-Avignon. Le remplacer, c’est quelque chose de fort, je trouve. Mais ce n’est pas forcément une pression en plus, parce que si Milan vient me chercher, c’est qu’il y a quelque chose. Maintenant, il faut prouver dans un grand club, devant 80 000 personnes, et avec une grosse pression. Je suis convaincu que je vais réussir.

«je savais que pouvais atteindre le niveau d’un club comme Milan»

FM : c’est un peu cliché, mais ton histoire, c’est un peu l’ascension sociale d’un mec d’en bas, conscient de son talent et qui a fini dans l’un des plus grands clubs de l’histoire. Tu l’avais prévu ?

WB : moi, même dans la situation la plus compliquée du monde où l’on me disait “tu ne joues meme pas à Monza”, “tu vas te gâcher là-bas”, je ne me suis pas affolé. Je savais que ce n’était pas une question de niveau si je ne jouais pas. Chaque footballeur sait faire son auto-critique, et sait s’il a le niveau ou non. Je ne savais pas que je jouerais à Milan, mais je savais que les portes allaient s’ouvrir si je jouais à Monza, et que le regard des gens allait changer. Quand j’enchaîne l’année dernière, je retrouve l’équipe de France U20 (il a connu toutes les catégories de jeunes depuis U16, ndlr), et je savais que pouvais atteindre le niveau d’un club comme Milan. C’était le destin.

FM : à quel point ta signature à Milan te fait ressentir que tu mets les pieds dans un nouveau monde aujourd’hui ?

WB : quand tu vas au restaurant à Milan, on te regarde, on te prend en photo, tu ne peux, limite, pas sortir. Tes faits et gestes sont épiés, à Monza, je pouvais aller acheter du pain à la boulangerie. Là, c’est plus compliqué même s’il n’y a pas non plus de foule pour moi. Ce n’est pas gênant, mais t’es plus regardé, demandé, puis tu as aussi plus d’obligations médiatiques, de shootings…

FM : et comment se passe ton intégration au club ? Quel rôle ont joué les joueurs français du groupe ?

WB : ils m’ont trop bien accueilli. Youssouf (Fofana), Rafael (Leão), qui parle super bien français… Pour Rafael, il faut savoir que je le connaissais bien grâce à mon ancien coéquipier à Monza, Dany Mota, qui parle aussi français (il est né au Luxembourg et a connu les équipes de jeunes du Portugal, ndlr). C’est son ami et j’étais toujours avec lui. Il y avait donc cette connexion entre nous, et Rafael était content de mon arrivée. Avec les Français, ça s’est fait naturellement. À la cantine, je me suis directement mis à côté de Youssouf, Mike, Théo… Ils ont facilité mon intégration, et je les observe au quotidien dans leurs méthodes de travail. Ce sont des champions.

leao bondo ac milan

FM : quand tu arrives dans un club légendaire comme Milan, c’est quoi qui choque le plus d’entrée ?

WB : le niveau aux séances d’entraînements évidemment, les infrastructures, comment tu es managé, t’es dans un confort extrême. T’as tout pour réussir à Milan, donc si tu ne réussis pas, c’est de ta faute. T’as juste à jouer ton football, car on te met dans les meilleures conditions.

«je veux m’imposer à Milan»

FM : quels sont tes objectifs personnels avec l’AC Milan d’ici la fin de saison ?

WB : je veux m’imposer à Milan. Décrocher une qualification en Ligue des champions parce que c’est important pour un club comme Milan de finir dans le top 4, il reste 10 matchs, on peut encore le faire. Gagner la Coupe d’Italie est aussi un objectif d’ici la fin de saison.

FM : quel est ton plus beau souvenir en sélection ?

WB : je dirais que c’est la demi-finale de l’Euro U19 en 2022, perdue malheureusement contre Israël (1-2). C’était une grosse compétition, que tu vis pendant 1 mois avec tes potes, on avait presque tout bien fait et on avait peut-être un excès de confiance même si Israël méritait sa victoire. On est sorti un peu bêtement, quand tu regardes la compétition, on avait le meilleur buteur Loum Tchaouna, la meilleure attaque, on avait la place pour aller au bout.`

Warren Bondo équipe de France

FM : intégrer l’Équipe de France Espoirs, c’est un objectif à court terme ?

WB : bien sûr, ça serait déjà une bonne étape d’aller en Espoirs, de s’imposer, et de voir où ça me mène. En étant à Milan, j’ai plus de visibilité, mais il faut que je joue aussi. Mais c’est sûr que l’Équipe de France Espoir est dans un coin de ma tête.

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