Jeando Fuchs : «je suis passé de tout le monde te veut à presque sans club…»
Ce dimanche, Dundee United défie le Celtic. Un rendez-vous forcément important pour Jeando Fuchs. Le milieu international camerounais, formé au FC Sochaux et vainqueur de l’Euro U19 en 2016 aux côtés de Kylian Mbappé ou Lucas Tousart, retrouve doucement mais sûrement son meilleur niveau en Écosse (14 titularisations cette saison), où il est le numéro un en matière de ballons récupérés en championnat. Un retour en forme notable après des expériences à oublier en Espagne et en Israël. Entretien avec un ancien grand espoir sur le chemin de la reconquête.
Foot Mercato : Jeando, vous avez signé à Dundee United en octobre 2020. Comment jugez-vous votre première année en Écosse ?
Jeando Fuchs : c’est une bonne surprise. En signant ici, je ne m'attendais pas à ça. Aujourd'hui, je ne regrette pas mon choix, ça m'a permis de me relancer, de me refaire voir. C'est un club familial, les supporters sont toujours derrière nous, les gens du club sont cool. C'est une bonne petite équipe et un bon groupe.
FM : Dundee United est 4e de Scottish Premier League. Quelle analyse faites-vous de votre début de saison collectivement ?
JF : je trouve qu’on réalise un très bon début de saison. Quand j’ai vraiment commencé à jouer pour cette équipe, en novembre dernier, c'était différent. On avait un coach qui prônait un jeu plus direct, avec des longs ballons. Cette saison, le nouvel entraîneur nous demande de jouer davantage et tout le monde prend du plaisir. Les joueurs se sentent à l'aise et c'est plus facile d'être performants.
FM : l’objectif est-il de rester le plus longtemps possible au contact des équipes de tête, dont les deux ogres le Celtic et les Rangers ?
JF : l’objectif cette saison, c'est de se retrouver dans les places qualificatives pour l'Europe. C'est le premier objectif. Après, on va essayer de terminer le plus haut possible.
FM : à titre personnel, vous êtes le meilleur joueur du championnat en termes d’interceptions et l’un des plus performants en matière de ballons récupérés. Comment vous trouvez-vous en ce début de saison ? Êtes-vous revenu à votre meilleur niveau ?
JF : j’essaie de faire ce que je sais faire le mieux pour aider l'équipe. On fait un bon début de saison, donc ça rejaillit aussi sur moi. Je ne suis pas encore revenu à 100%, même si, physiquement, je commence à me sentir beaucoup mieux. Avant mon arrivée ici, j'étais en manque de rythme, je n'avais pas eu de préparation. Cette saison, tout est différent. J’en ai eu une. Le rythme, ici, c'est autre chose. Il n'y a jamais de répit, c'est toujours à bloc. Ça me permet aussi de revenir bien physiquement, je ne suis pas encore à 100%, mais ça va revenir.
Retour en forme écossais
FM : ce week-end, vous jouez le Celtic. Un rendez-vous spécial, forcément. Y a-t-il une pression particulière à l’approche de cette affiche ?
JF : le Celtic, c’est du plaisir, il n’y a pas trop de pression à se mettre. Je ne dirais pas que c’est un des matches les plus faciles mais c’est l’un des plus agréables à disputer, car on sait que le Celtic va jouer. Il n’y a pas de pression.
FM : qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre première année écossaise ?
JF : le rythme. Aujourd'hui, mon équipe n'a rien à envier à une Ligue 1. En France, c'est plus technique, mais, ici, les gars courent tout le temps et n'ont jamais l'air fatigués.
FM : on vante aussi souvent la ferveur du public écossais. Vous confirmez ?
JF : pour mon premier derby de Dundee, contre Dundee FC, le stade était full. C’était beau. Quand le public te pousse… Tu sens que ce sont vraiment des passionnés. Quand tu entends le public chanter ton nom après un gros tacle, c'est quelque chose... J'ai une chanson à mon nom. Elle est un peu contradictoire mais elle n'est pas mal !
FM : on s’étonne un peu de vous retrouver en Écosse, à 24 ans, alors que vous étiez considéré comme l’un des grands espoirs du football français après votre formation à Sochaux et votre sacre à l’Euro U19 en 2016 avec les Bleus. Que s’est-il passé ?
JF : tout a été très vite. À Sochaux, chaque année, je devais partir et chaque année, on me retenait. À l’été 2018, j’avais des offres, mais on me dit non. On me dit qu'on voudrait que je fasse une saison de plus à Sochaux. Alavés, qui avait signé un partenariat avec Sochaux à l’époque, m'a dit qu'il me voulait aussi. Mais je refuse. J'enchaîne avec ma première sélection avec le Cameroun, un top match contre le Brésil. Alavés revient à la charge pour janvier. Sochaux dit non. On temporise et comme je me blesse, j'accepte de signer un précontrat avec Alavès pour la saison suivante. Un deal qui arrange aussi Sochaux, qui devait passer devant la DNCG et devait de l'argent à Alavés. Jusqu'à aujourd'hui, pour les supporters de Sochaux, on me considère comme un joueur qui est parti pour l'argent alors qu'on n'a pas raconté toute l'histoire.
Galères espagnoles et israéliennes
FM : et que s’est-il passé à votre arrivée en Espagne ?
JF : quand j'arrive en Espagne, on me dit que je vais peut-être repartir direct. Mes premiers entraînements se passent bien. Mais au bout de quelques jours, on vient nous voir, avec plusieurs anciens de Sochaux, pour nous dire qu'on ne compte pas sur nous. Je fais un premier amical, j'entre en 2e période, je suis impliqué sur un de nos buts. Le match suivant, on me met attaquant de pointe… Je fais l'essuie-glace, on se fait tourner. Compliqué… Le troisième match, il me fait jouer en soutien de l’attaquant. J'ai compris le message… Je demande à mon agent de l’époque de trouver une solution. Brest vient avec une offre de prêt. Alavés dit non et veut me vendre. Brest offre ensuite 2 M€ + 10% à la revente. Alavés demande 20%. Brest monte à 15%. Mais ça a été refusé, sans que je sache vraiment pourquoi… Par la suite, on me met un peu à la cave. Je demande à mon agent de me sortir de là parce que je sortais d'une bonne saison avec Sochaux et que Clarence Seedorf, qui m’avait offert mes sélections avec le Cameroun, avait dit que les clubs de Ligue 1 dormaient à mon sujet. Le mercato touchait à sa fin, mais rien de spécial ne se présentait, hormis des pays exotiques. En septembre, le Maccabi entre en contact avec mon agent. Au début, il pensait que c'était Tel Aviv, mais c'était Haïfa. Je parle avec le coach, il me dit que je vais jouer. Je me dis ok pour partir en prêt histoire de jouer et rester visible.
FM : mais là encore, tout ne se passe visiblement pas comme prévu…
JF : quelques jours après mon arrivée, je suis directement dans le groupe. Mais je n’entre pas. Je fais de bons entraînements, mais je ne joue que dix minutes sur mes quatre premiers matches… Je me dis qu'il y a un problème. Je vais voir le coach pour avoir une discussion, il me demande si je suis bien et me fait finalement comprendre que le joueur à mon poste est le capitaine et que c'est dur de le sortir. Il me dit que je jouerai le prochain match, ce qui est vrai, mais ensuite, je retourne sur le banc et je joue uniquement en Coupe. Au bout d'un moment, je craque et je demande à partir. Troyes s'était positionné sur moi à ce moment-là. Ça tombait bien sur le plan personnel et la possibilité de se relancer en France était une bonne opportunité. Le coach du Maccabi me dit qu'il ne compte pas sur moi. Le président, lui, voulait que je reste, car c'était bon pour leur image qu’un joueur comme moi soit chez eux. Finalement, on trouve un accord pour que je puisse partir à certaines conditions.
FM : pourquoi ne quittez donc vous pas le Maccabi pour Troyes ?
JF : alors qu'on ne compte pas sur moi et que je suis rentré en France, on m'appelle pour me dire de revenir pour un match… parce que le capitaine est blessé. Je retourne donc en Israël, je joue après un entraînement et je repars en France. Je pensais rebondir à Troyes, de qui j’avais reçu des offres écrites. Mais je n'avais plus de nouvelles, on me faisait attendre… Le mercato se termine. Alavès ne voulait pas me payer donc ils n'ont pas signé l'accord m’autorisant à quitter le Maccabi avant la fin du prêt. Finalement, je me suis retrouvé six mois sans club et sans salaire…
FM : avez-vous eu d’autres opportunités pendant cette période ?
JF : en mars, le New York Red Bull est prêt à me prendre, mais l'offre, qui pouvait monter à 700 000€ avec bonus, a encore été refusée par Alavés. Je demande des explications, mais personne ne m'en donne. Le directeur sportif bloquait toujours mon départ et disait non aux offres de moins de 2 M€. Un tarif impossible alors que je ne jouais pas depuis plusieurs mois…
Un avenir en suspens
FM : vous reprenez donc à l’été 2020 avec Alavés ?
JF : je reprends pour la nouvelle saison avec Alavés, je vais voir le nouveau coach, qui est dans mon hôtel. Il me dit directement qu'il ne compte pas sur moi sans me connaître ni m’avoir vu jouer. J'ai été mis de côté direct. On courait sur un synthé avec d’autres joueurs indésirables avant d'aller jouer au ping pong pendant que les autres s'entraînaient...
FM : et c’est donc là que se présente Dundee United
JF : à ce moment là, une dame m'appelle et me dit qu'elle a une offre d'Écosse. Je demande quelles sont les conditions, je demande à parler au coach en expliquant ce qui m'est arrivé en Israël. On me rassure. Je leur dis qu'Alavés est très exigeant sur le plan financier. Mais comme la dame connaît bien le directeur sportif Alavés, un accord est vite trouvé. Et, au final, ils m'ont laissé partir libre avec un fort pourcentage à la revente.
FM : en un an en Écosse, avez-vous l’impression d’avoir rattrapé le temps perdu ?
JF : le foot, ça va trop vite. À Sochaux, Lilian Thuram, le père de mon ami Marcus, avait glissé un jour à Éric Hély qu’on ne savait pas jusqu’où je pourrais aller… Je suis passé de tout le monde te veut à presque sans club… Quand tu regardes comme ça mon parcours récent, tu te dis : "il n'a pas le niveau, il est parti trop tôt à l’étranger, il s'est brûlé les ailes". Mais je n'ai même pas eu ma chance de me montrer… Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire avant. Je joue au foot, c'est le plus important.
FM : et la sélection du Cameroun dans tout ça ?
JF : depuis tout ça, je n’ai plus de nouvelles du Cameroun. Plus du tout. Il y a une forte concurrence au milieu, mais je peux aussi dépanner au poste de latéral droit. Clarence Seedorf a compté dans mon choix d’opter pour le Cameroun, car je pensais que ça serait carré avec lui aux manettes. Ça a aussi rendu fier ma mère. Il y a quelques regrets mais ce n’est peut-être pas trop tard. Ce qui est décevant, c’est que, quand tout se passait bien, il y avait des messages tous les jours. Et d’un coup, plus rien…
Souvenirs, souvenirs
FM : votre contrat à Dundee United s’achève à l’issue de la saison. Comment voyez-vous l’avenir ?
JF : je suis en fin de contrat en mai. J'attends de voir du concret et voir si j'ai un choix à faire à ce moment-là. Je ne suis pas pressé. On est bien classé, on fait une bonne saison. Je ne veux pas me jeter dans un nouveau bourbier et encore regretter ensuite.
FM : avez-vous déjà des touches concrètes ?
JF : il y a eu des contacts avec Blackpool, Peterborough et Wigan. Stuttgart a pris des renseignements depuis cet été. Il y a eu des prises de contact du Celtic et Rangers aussi, mais rien de plus. Un club de Premier League également. L’Angleterre, ce serait pas mal.
FM : et un retour en France ?
**JF : il y a des intérêts, mais pas vraiment de contacts concrets. Je n’ai pas vraiment l'impression que les gens en France regardent l’Écosse. Mais je ne suis pas contre l’idée de rentrer. Tout dépend du projet.
FM : quels souvenirs gardez-vous de votre sacre à l’Euro U19 en 2016 avec l’équipe de France ?
JF : c’étaient mes meilleures années. Tout se passait bien à Sochaux et j’avais la chance d’être en équipe de France avec des joueurs qui jouent à un superbe niveau aujourd'hui. On a gardé contact, un bon groupe.
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