Quand le Real Madrid et le Barça recrutent pour des raisons extrasportives
Ces dernières années, le FC Barcelone et le Real Madrid ont dépensé des fortunes. Mais dans certains cas, certaines opérations n’avaient pas uniquement pour objectif de renforcer l’équipe…
Bien souvent, derrière l’arrivée d’un joueur, il peut y avoir certaines motivations un peu obscures. Rendre service à un agent ami en recrutant son poulain est une pratique relativement habituelle, surtout dans des clubs de milieu ou bas de tableau. Chez les grosses écuries, on sait qu’on regarde beaucoup le côté marketing, et que certains joueurs populaires peuvent aussi générer des sources de revenus supplémentaires en plus du simple aspect sportif, via la vente de produits dérivés ou certains accords commerciaux. Du côté du Real Madrid et du FC Barcelone, cette deuxième pratique est très fréquente. La fameuse politique de recrutement galactique de Florentino Pérez au début des années 2000 se basait énormément dessus, avec David Beckham comme meilleur exemple, alors qu’en Catalogne, on savait que certaines recrues comme Neymar, qui avaient bien entendu avant tout une logique sportive, allaient aussi rapporter gros en dehors des terrains.
Mais sur la dernière décennie, les deux ogres du football espagnol ont parfois fait quelques opérations qui allaient au delà du sportif et du marketing classique visant à vendre beaucoup de maillots dans X pays ou sur X continent. Du côté du Real Madrid par exemple, l’arrivée de James Rodriguez, brillant lors du Mondial 2014, a permis à ACS, groupe de Florentino Pérez, de décrocher un chantier et son exploitation dans une opération estimée à 820 millions d’euros en Colombie. Un sacré coup pour la multinationale dirigée par le président du Real Madrid, habitué des coups du genre, puisque les tournées américaines du champion d’Europe en titre ont aussi coincidé avec plusieurs contrats signés par ACS en Californie. Même cas de figure pour Keylor Navas et le Costa Rica. Ainsi, le Real Madrid n’hésite pas à recruter des joueurs issus d’un pays pour faciliter les relations et le contact avec les autorités gouvernementales de la nation en question. Pérez peut ensuite y installer ses activités plus facilement.
Le Brésil, terrain de chasse du Barça
Moins trouble et plus drôle, l’arrivée d’Edwin Congo à Madrid en 1999 en provenance d’Once Caldas. Lors d’un match de Libertadores face à River Plate, le jeune attaquant colombien a détruit le club argentin, avec un doublé à la clé. Ce qui n’a pas échappé à un jeune supporter du Real Madrid, qui a écrit une lettre à la direction merengue pour lui vanter les qualités du joueur et les convaincre de le recruter. Et le joueur est bien arrivé à Madrid, même s’il fut un énorme flop derrière. L’arrivée de Take Kubo en 2019 répondait aussi à des intérêts financiers évidents au Japon, où les Madrilènes savent qu’il y a un sacré potentiel commercial à exploiter. Son compatriote Pipi, 19 ans et encore chez les jeunes au Real Madrid, a récemment signé un contrat colossal avec Rakuten Sports, énorme agence qui va gérer son marketing et ses droits publicitaires dans son pays d’origine. Ce qui aura, logiquement, des répercussions positives pour le club de la capitale espagnole.
Du côté de Barcelone, il y a un paquet d’opérations un peu troubles. On pense à ce fameux échange Pjanic-Arthur avec la Juventus en 2020, qui n’en était en réalité pas vraiment un. Les Catalans auraient déboursé 60 millions d’euros pour l’ancien de l’OL, pendant que les Turinois auraient mis 72 millions d’euros sur la table pour le Brésilien. Une opération qui a surtout servi à maquiller les bilans financiers des deux écuries, et qui est dans le viseur de la justice du pays transalpin. Ce qui s’est passé autour de Paulinho, arrivé en 2017 en provenance du Guangzhou Evergrande, a aussi interrogé beaucoup de monde de l’autre côté des Pyrénées. Le milieu de terrain brésilien, recruté pour 40 millions d’euros, était reparti dans son club d’origine un an plus tard, contre 42 millions d’euros. De quoi se poser des questions…
On rince les amis !
Il faut dire que le Barça et le Brésil, c’est une belle histoire d’amour. Sur le terrain, avec Neymar, Ronaldinho, Rivaldo ou Romario, mais pas que. En janvier 2020, le Barça a recruté un inconnu du nom de Matheus Fernandes contre 7 millions d’euros. Le milieu de terrain n’aura jamais joué à Barcelone et avait été prêté à Valladolid dès son arrivée, ne jouant que 3 matchs en Liga… avant de repartir gratuitement à Palmeiras en 2021. Une simple erreur de recrutement diront certains, mais les liens étroits entre le Barça et Palmeiras par le passé et la présence d’André Cury, officieusement conseiller du club, dans l’opération, n’incitent pas vraiment à donner le bénéfice du doute au Barça. Par le passé, l’agence Traffic pour laquelle travaillait Cury avait notamment réussi à placer bon nombre de ses joueurs de Palmeiras, comme Keirrison (14 M€) ou Henrique (10 M€), au sein du club catalan, et tous ont floppé. Des transferts très étranges, mais pas les seuls, puisqu’après, le Barça recrutera encore Danilo, autre flop retentissant qui appartenait à Traffic mais évoluait lui à São Paulo, ou le défenseur colombien Yerry Mina, qui évoluait lui bien à Palmeiras et avait coûté 12 millions d’euros à Barcelone. Des joueurs comme Gabriel Novaes ou de Robert Gonçalves étaient aussi arrivés dans l’équipe B du Barça avant de quitter la Catalogne sans peine ni gloire.
La récurrence de certains noms propres - Palmeiras, Cury, Bartomeu/Rosell, Traffic - dans toutes ses opérations ne laisse logiquement que très peu de doutes sur le fait qu’il y ait eu des intérêts dépassant le cadre sportif, d’autant plus qu’aucun de ces joueurs n’a montré avoir le niveau pour être ne serait-ce que remplaçant à Barcelone. Dans un article publié en 2020, nous faisons notamment le lien entre toutes ces parties : « Sandro Rosell, prédécesseur de Josep Maria Bartomeu à la tête du club de la Ciudad Condal et ancien employé de Nike, avait également été à l’origine d’un contrat signé entre l’équipementier américain et la sélection brésilienne dans les années 90 et sur lequel Traffic avait touché un énorme pactole. Un deal sur lequel la justice américaine a ensuite enquêté en profondeur. Le dirigeant catalan est ensuite passé par la case prison suite à une affaire où on retrouve encore deux dénominateurs communs, Traffic et le Brésil. Il s’agissait là de pots de vins et de blanchiment d’argent (20 millions d’euros) dans le cadre d’obtention de droits d’image des matchs de la sélection brésilienne ».
Cury met le Barça dans la sauce
La double casquette de Cury pose aussi souci au Barça, puisque s’il avait participé à l’arrivée de Neymar en 2013… il a aussi participé et touché des commissions sur son départ à Paris quatre ans plus tard. On sait aussi que certains deals ont été conclus grâce à et à cause de lui. En 2018, Emerson avait été proposé au FC Barcelone, pas convaincu à l’époque. Le latéral aujourd’hui à Tottenham a ensuite changé d’agent, enrôlant André Cury. Six mois plus tard, il était officialisé comme nouveau joueur du Barça. André Cury est aussi derrière l’arrivée d’Igor Gomes pour l’équipe U19 du FC Barcelone, dans des circonstances pour le moins suspectes. Les Catalans ont réglé, en 2019, les 300.000€ d’indemnité de formation du joueur à Cohimbra Sporte. Sauf que le joueur évoluait à Volta Redonda, club modeste de Rio de Janeiro. Un échange de licences aurait été réalisé juste avant son départ pour Barcelone, où personne ne connaissait le joueur lorsqu’il a atteri à l’aéroport du Prat. Le joueur est reparti au Brésil l’été dernier dans l’indifférence totale.
Il n’y a pas qu’au Brésil que le Barça a fait quelques tambouilles. En janvier 2019, le FC Barcelone annonçait avoir recruté Frenkie de Jong, un des joueurs les plus cotés de l’époque. Les Catalans avaient battu le PSG et plusieurs gros clubs européens dans ce dossier. A peine quelques mois plus tard, l’équipe B du club de Liga annonçait l’arrivée d’un certain Mike van Beijnen, latéral droit de 20 ans venant du NAC Breda. Une opération qui serait passée inaperçue si Van Beijnen n’était pas le fils d’Ali Dursun… l’agent de Frenkie de Jong. Une façon de le remercier d’avoir fait venir son client à Barcelone. Sans surprise, le joueur n’avait pas le niveau et n’a pas fait long feu en Catalogne, quittant le club après six mois, sans avoir disputé la moindre minute avec le Barça B en troisième division espagnole. Et nul doute que du côté du Barça comme du Real Madrid, et comme dans la majorité des clubs dans le monde, il y a plein d’opérations où on pourrait aussi trouver quelques zones d’ombre en creusant un peu…
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