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Agents, cellule de recrutement, présidence : les clés d’un mercato réussi

Étape décisive dans la construction d’un club, le marché des transferts reste le moment opportun pour chaque formation d’ajuster et/ou d’améliorer son effectif. Une période clé où joueurs, agents, entourages divers, cellules de recrutement et dirigeants tentent de faire valoir leurs intérêts. Un écosystème qui n’en demeure pas moins instable, où le sens du collectif et la rigueur demeurent souvent comme les principaux piliers d’un mercato efficient.

Par Josué Cassé
11 min.
Luis Campos et Nasser Al-Khelaifi au PSG @Maxppp

Aussi critiqué que vanté, un mercato - estival ou hivernal - est l’occasion pour l’ensemble des clubs de la planète football d’assurer la continuité d’un projet sportif. À l’heure où le marché des transferts bat son plein, Foot Mercato vous propose alors de revenir sur l’une des périodes les plus attendues par les supporters. Comment gérer au mieux cette fenêtre ? Quels pièges peuvent être évités ? Pourquoi certaines écuries parviennent toujours à tirer leur épingle du jeu ? Quels sont les facteurs explicatifs d’un mercato raté ? Autant de questions, parfois laissées sans réponse, auxquelles nous avons tenté de répondre. Appuyés par le regard extérieur d’un recruteur international, acteur central de ce moment décisif, les propos à suivre n’ont cependant pas pour vocation de livrer une solution miracle mais plutôt d’amorcer quelques réflexions, susceptibles d’expliquer les recettes diverses.

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Le mercato inscrit dans un projet !

Dans cette optique, un bon plat passe toujours par une liste de course préalablement établie. Et la métaphore culinaire résonne avec force au moment de se pencher sur les coulisses d’un mercato. Il semble, à ce titre, risqué de cibler des profils sans une idée précise de la volonté globale d’un club, tout comme il paraît improbable de sillonner les rayons d’un supermarché en ignorant le mets souhaité. «Le mercato doit être fait en fonction du club et non en fonction de l’entraîneur. Si demain tu perds ton entraîneur, il faut garder une cohérence. Tu as des coachs qui jouent en 3-5-2, s’il se fait débarquer et que tu récupères un coach qui joue en 4-3-3, il n’a plus d’excentrés. Comment tu fais ? Les formations allemandes et anglaises travaillent beaucoup autour de ce projet club, ce qui est moins le cas en France et en Espagne», nous indique, à ce titre, un scout chargé du recrutement sur la scène européenne. Les situations actuellement observées du côté de l’OM - en passe de remodeler un effectif autour de la philosophie de jeu de Marcelino - mais également du PSG - tout proche de s’offrir Luis Enrique - vont en ce sens.

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Au-delà des opportunités de marché et/ou des volontés propres au technicien sélectionné, le mercato se doit donc de respecter une politique club déterminée en amont. «Le recrutement des personnes qui vont mettre une vision stratégique sur le club pendant 3, 5 ou 7 ans, c’est une chose mais qu’est-ce que tu fais sur les premières années, où tu veux emmener ton club ? Une équipe en L1 l’a bien fait, c’est le RC Lens. Aujourd’hui, le club termine deuxième de L1 à un point du PSG, il est qualifié en Ligue des Champions et c’est extraordinaire que ce club soit si proche du PSG, devant l’OM et loin devant l’AS Monaco». Pour expliquer cette réussite artésienne, notre interlocuteur évoque notamment le poids de l’histoire mais surtout l’organisation efficiente mise en place par les Sang et Or. «Il n’y a pas de bons ou mauvais joueurs, à ce niveau-là, ce sont tous de bons joueurs, si une équipe marche, un joueur marche et inversement… Tout ça dépend du club et pas seulement du joueur. Il faut que les planètes soient alignées, que les aspects extérieurs soient bien gérés, que tout soit parfaitement huilé. Ça explique notamment les trajectoires différentes entre les joueurs qui arrivent à Paris, une ville et un club à part, et ceux qui arrivent à Lens».

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Ces dernières années, nombreux sont les exemples allant en ce sens dans la capitale française. De Julian Draxler à Pablo Sarabia en passant par Carlos Soler, pour ne citer qu’eux, les champions de France en titre ont souvent regretté certains choix effectués sur le marché des transferts. Une dynamique bien différente chez les Sang et Or… «Si Lens est une terre de football, le club a aussi mis les bonnes personnes au bon endroit. Florent Ghisolfi était inspiré, Thomasson qui jouait la relégation à Strasbourg, il arrive et redevient une pièce clé. Fulgini qui était au fond du trou à Mayence, il marche de nouveau. Lens arrive à valoriser ses joueurs. Medina, Gradit en sont de parfaits exemples. C’est tout l’inverse de Paris où même si les meilleurs joueurs viennent, dès qu’ils arrivent ils ne sont pas bons ou en dessous de ce qu’ils faisaient. C’est une question de politique club et aujourd’hui le PSG est tellement gangrené que ça devient difficile. Lens a parfaitement compris, ils ne vont pas chercher les joueurs les plus bankables, ils ne peuvent pas quoi qu’il arrive. Ils pistent intelligemment et replacent certains éléments dans un contexte idéal», résumait alors notre source avant de mettre en exergue l’une des principales fractures observables sur la planète football et également à l’œuvre en L1.

L’organisation d’un club, vecteur de réussite !

«Ce n’est pas une question d’argent mais une question d’idée et l’avantage c’est que quand tu n’as pas beaucoup d’argent, tu as des idées… Dans cette optique, on peut citer Clermont qui se développe de façon intelligente, ils se sont structurés dans la cellule, ils ont pris un responsable post-formation, ils ont récupéré Ben Charier de l’OM, une personne brillante, ils ont pensé au futur. Il y a un proverbe qui dit que quand tu es à l’heure, tu es déjà en retard et ça se vérifie dans le football, si tu es dans le présent, tu es toujours à la bourre, encore plus quand tu n’as pas d’argent. Souvent les clubs qui ont de l’argent, ils se reposent sur leur argent. On peut aussi parler de Rennes avec la famille Pinault, Nice avec son milliardaire, l’OL avec le grand Aulas et maintenant Textor… Dans ce débat clubs d’argent/clubs d’idée, ce qui peut expliquer la réussite de certaines formations aujourd’hui s’explique donc par le prisme de l’histoire mais pas seulement».

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Outre un projet ancré et des idées ingénieuses, l’organisation même d’une institution demeure essentielle. «On parle souvent de directeur sportif, technique, de coordinateurs sportifs mais tout ça ce ne sont que des titres, ça ne veut rien dire en réalité. Si on prend l’exemple des coordinateurs sportifs, certains sont plus avec les joueurs, d’autres sont plus avec les coachs, d’autres s’occupent du recrutement donc en vrai c’est un mot qui veut tout et rien dire… Le plus important c’est la fonction, ce que tu fais et le poids que tu as dans les décisions et dans l’organigramme», précisait, à ce titre, le recruteur interrogé avant d’évoquer la taille d’un club comme élément explicatif de certains flous observés. «C’est plus facile de travailler dans un petit club que dans un grand. Dans les grands clubs, le souci est que tout le monde se regarde quand une chose tourne mal alors que dans les plus petits clubs on sait qui s’occupe de quoi, on peut rapidement identifier le secteur défaillant ou la personne qui ne répond pas aux attentes».

Dans la continuité de cette organisation, le poids des dirigeants reste prédominant et le caractère de ces derniers peut également expliquer l’activité d’un club sur le marché des transferts. «Globalement et assez théoriquement, je pense que c’est le directeur général, le président ou l’actionnaire qui donnent le ton. On peut voir que le club est souvent à l’image de son actionnaire. Par exemple, les Saoudiens sont très patients, on le voit avec City, avec Newcastle. Les Américains c’est autre chose, surtout en fonction d’où tu viens en Amérique, le président Boehly de Chelsea c’est un homme sanguin et son club devient, de ce fait, sanguin. Aujourd’hui, la situation de Chelsea me fait peur en réalité, je pense que ça peut prendre un tournant dramatique parce que le propriétaire n’est absolument pas patient. Mettre des contrats de 10 ans sur un joueur quand on sait qu’un footballeur est à son pic de forme pensant 2 ou 3 ans, c’est suicidaire».

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Cibler et s’installer sur un marché, l’exemple de Brighton !

Basé sur une politique club déterminée et une organisation réfléchie, le mercato s’inscrit, par ailleurs, dans un marché. «L’importance dans le recrutement est de cibler des marchés, ça ne sert à rien et c’est impossible de suivre tous les joueurs. Il suffit de regarder Brighton qui est allé se servir en Équateur, là où certains disaient que ça ne savait pas jouer au foot. Beaucoup pensent que si le joueur n’est pas devenu pro, il n’était pas bon. C’est faux. Si le joueur n’est pas devenu pro, c’est qu’il n’a pas eu le développement nécessaire et le contexte favorable, ça dépend d’une multitude de facteurs. Brighton a développé un marché en Équateur, ils ont récupéré Moises Caicedo pour 5,5 millions d’euros, ils l’ont parfaitement adapté et aujourd’hui il est au top. C’est un club visionnaire sur ça, Brighton est déjà dans l’avenir, pas dans le présent. Il gagne du temps. C’est pareil à Lens qui termine 2e du championnat avec un budget loin des tops clubs (9 ou 10e selon les classements, ndlr). Il s’entoure des bonnes personnes pour les placer au bon endroit. L’entourage est bien fait».

Nerf de la guerre depuis la nuit des temps dans le football, l’information reste, elle aussi, le principal vecteur d’un recrutement réussi. Alarmée par la situation de certains clubs, notre source évoquait, à ce titre, le manque de proximité entre les joueurs ciblés et les personnes chargées de les enrôler. «Les clubs aujourd’hui, pas tous, mais beaucoup manquent aussi de profils proches des joueurs. Parfois, certains clubs axent un recrutement sur la France sans avoir de personnel sur place. Je trouve ça inquiétant… Comment tu peux avoir les infos sensibles sans avoir quelqu’un sur place ? Tu vas chercher les ‘on dit’, tu spécules et tu finis par avoir un recrutement très approximatif, des joueurs qui ne collent pas au projet», nous indiquait-il en ce sens. Si le marché des transferts répond à de nombreux enjeux et implique une rigueur de tous les instants aux différentes échelles d’une institution, cette étape décisive pour les différents clubs de la planète football demande également une gestion parfaite face aux pressions extérieures, de plus en plus prégnantes.

Gérer les pressions extérieures !

En première ligne, nous pouvons notamment évoquer le poids de certains agents «qui font le marché ou presque». «C’est le cas dans de nombreux clubs où la cellule de recrutement est sans cesse en train de se battre avec les agents et c’est dommage car tu mets des personnes à certains postes mais tu ne les écoutes pas… C’est pour ça aussi que la colonne vertébrale du club, son assise et sa solidité dépendront beaucoup de la mentalité et la personnalité du président ou du directeur général. Face à ce poids des agents, il faut toujours rester vigilant et faire attention. Par exemple, certains joueurs ont des agents, c’est marqué sur Transfermarkt, il y a le mandat, tout va bien mais on sait très bien que le joueur écoutera plus le père ou le frère que l’agent lui-même. Aujourd’hui tu peux être un responsable scout, très bien rémunéré mais aucunement écouté et inversement tu peux être un simple scout et quand tu parles au directeur sportif, il va plus t’écouter que le responsable du recrutement. Il faut trouver le juste milieu avec les agents, c’est très compliqué, il faut les écouter évidemment, quand ils proposent un joueur, ça reste notre métier d’écouter, de recevoir, d’observer mais il ne faut pas se faire influencer».

Dans cet écosystème où agents, guerre d’ego, journalistes, cellules de recrutement et joueurs cohabitent, la direction se doit donc de maintenir un fil conducteur : celui de la politique club décidée. «La présidence ne fait parfois pas confiance à sa cellule en place et préfère écouter les agents. Le problème intervient quand il n’y a pas de hiérarchisation des tâches. Qui fait quoi ? Qui fait comment ? A partir de là, tu peux savoir et déterminer d’où vient le problème. Sans ça, tout le monde se regarde et ça patine. Certains directeurs sportifs comme Grégory Lorenzi à Brest parviennent à garder une ligne directrice et si on avait que des Lorenzi en tant que directeur sportif on serait plutôt pas mal mais les influences ne manquent pas dans ce milieu et c’est souvent bien plus périlleux». En définitive, la réussite d’un mercato passe, avant tout, par une hiérarchisation des tâches pensée et efficace où chaque acteur de ce marché sait rester à sa place sans prendre de rôles multiples. Par ce séquencement, le club laisse alors place à une émulation d’idées, souvent à l’origine des très belles affaires réalisées. Complexe, ce carnet de bord conserve, quoi qu’il en soit, une certaine primauté à l’heure où l’ensemble des clubs s’activent pour façonner un effectif compétitif…

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