Séville FC : les limites de la méthode Monchi

Par Max Franco Sanchez
7 min.
Monchi @Maxppp

Considéré, à juste titre, comme un véritable modèle à suivre en termes de direction sportive, l’Andalou connaît de plus en plus de travers ces dernières années.

Inutile de présenter Ramón Rodríguez Verdejo alias Monchi. Toute personne suivant un minimum le football sait déjà qu’il fait partie des pointures à son poste de directeur sportif en Europe. Depuis le tout début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui - avec une parenthèse un peu ratée à Rome - l’ancien gardien a mené d’une main de maître le Séville FC jusqu’à faire de son club de coeur une des plus grosses puissances en Espagne et même au deuxieme échelon européen. Le tout, grâce à une politique mercato basée sur la génération de plus-values conséquentes, avec l’achat-vente de joueurs qui explosent en Andalousie et un réseau de recrutement faramineux à travers l’Europe et le monde entier pour y parvenir. Typiquement, Monchi s’est fait sa réputation en allant chercher des joueurs un peu méconnus sur des marchés secondaires et en les revendant pour le double ou le triple deux ou trois ans plus tard. Les exemples sont légion, à l’image de Dani Alves (41 M€ de plus value), Grzegorz Krychowiak (presque 30 M€ de plus value) ou Carlos Bacca (20 M€ de plus value), pour n’en citer que quelques-uns. Et bien sûr, dans le même temps, l’équipe continuait d’être très compétitive en glanant des titres de façon assez régulière, en Europa League principalement.

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Seulement, depuis un moment, c’est bien plus compliqué. Séville voit comment d’autres clubs commencent à lui passer devant, à l’image de la Real Sociedad et, pire encore, du voisin et ennemi juré, le Betis. Cette saison, l’écurie du sud de l’Espagne est même relégable, avec cette triste 18e position au classement. Une situation surprenante vu de l’extérieur, mais que certains anticipaient déjà depuis un moment. Clairement, le modèle sévillan est en crise, et il y a quelques explications… Forcément, quand un homme a autant de pouvoir décisionnaire, c’est vers lui que se pointent les doigts. Il faut dire que le mercato à peine ouvert, Séville risque déjà de se séparer de 3 joueurs… arrivés l’été dernier. Isco a déjà résilié son contrat, pendant que le prêt de Kasper Dolberg a aussi été résilié pour que le Danois revienne à Nice, puis file à Hoffenheim. Adnan Januzaj, arrivé il y a quelques mois, va aussi vraisemblablement repartir aussi vite qu’il est venu. Un sacré aveu d’échec pour Monchi, qui est sur un dernier mercato désastreux, puisque la recrue la plus chère de l’été, Tanguy Nianzou Kouassi (16 M€) est très loin de répondre aux attentes, alors que Marcão, l’autre défenseur central arrivé pour 12 M€, a aussi du mal, la faute à des pépins physiques qui l’ont empêché d’être lancé rapidement dans le bain cette saison. Autant dire que la charnière Diego Carlos - Koundé, une des rares satisfactions du club ces dernières saisons, n’a pas vraiment été bien remplacée…

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Des recrues qui s’adaptent de moins en moins

Il faut signaler que depuis quelques mercatos déjà, les nouveaux arrivants ont du mal à s’adapter. Monchi n’est logiquement pas le seul coupable, puisque les entraîneurs ont aussi leur part de responsabilité, mais on peut se poser des questions sur sa capacité à détecter le potentiel des joueurs et leur capacité d’adaptation à l’équipe. L’été 2021, Monchi était notamment allé chercher Rafa Mir pour 16 millions d’euros, et l’attaquant espagnol n’a toujours pas convaincu. Thomas Delaney va lui aussi rapidement faire ses valises, et que dire du prêt d’Anthony Martial en milieu de saison, qui s’est avéré être un fiasco total. De nombreux joueurs arrivés en 2020 comme Oscar Rodriguez (13,5 M€), Idrissi (12 M€) ou Papu Gomez ont aussi du mal. Bien sûr, tout n’est pas à jeter, puisque certains joueurs recrutés comme Bono - pour seulement 4 millions d’euros - ou Marcos Acuña portent satisfaction, mais c’est trop peu au vu des sommes dépensées et du nombre de joueurs qui n’ont pas réussi à se hisser au niveau attendu. Tout comme par le passé, il y a aussi eu des fiascos, mais le nombre de réussites et les prestations de l’équipe les faisaient, en quelque sorte, oublier les quelques signatures ratées.

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Paradoxalement, c’est lorsque Monchi est allé chercher des joueurs d’un certain calibre que les choses se sont mal passées. Isco, Martial ou Papu Gomez par exemple. Des profils de joueurs un peu cotés, ayant besoin de se relancer certes, que le club n’avait pas l’habitude d’aller chercher avant. Comme si le fait d’avoir "trahi" (tout est relatif) sa philosophie et sa façon de travailler et de taper dans un marché un peu plus bling-bling lui était revenu en pleine figure. Cependant, difficile de lui en vouloir, puisque pendant très longtemps, cette politique d’achat-revente de joueurs a certes été saluée par beaucoup, mais elle en a aussi agacé bien d’autres. Comment progresser quand deux ou trois cadres s’en vont chaque été ? C’est un sujet qui faisait énormément débat à Séville, où il y avait un courant d’opinion qui estimait que ce trading à outrance, alors que le club n’avait en plus pas toujours besoin de vendre, provoquait finalement une certaine stagnation et empêchait l’équipe de vraiment progresser et franchir un nouveau palier. Aller chercher des stars d’un certain age était donc plutôt compréhensible et intéressant sur le papier.

Monchi est-il dépassé ?

Toujours est-il qu’aujourd’hui et depuis le départ de Koundé l’été dernier, rares sont les joueurs vraiment bankables dans l’effectif sévillan. Il n’y a - si la saison continue sur cette dynamique - presque aucun joueur qui risque d’être l’objet d’une grosse offre dans les prochains mois. Youssef En-Nesyri était convoité par des clubs ayant des moyens, en Angleterre notamment, et son bon Mondial avec le Maroc pourrait un peu maquiller sa première partie de saison moyenne. Quant à Bono, probablement le meilleur joueur de l’équipe si on parle de prestations récentes, son âge (31 ans) et son poste de gardien ne devraient a priori pas déboucher sur une énorme vente. Autant dire que Monchi va avoir du mal à alimenter la machine sans essence… Si l’hypothèse de voir Séville descendre en deuxième division semble encore lointaine, on sait déjà qu’il sera très (très) difficile de grappiller une place en Europe. Sans ces revenus liés à une participation à une compétition continentale et sans grosse vente, Séville risque d’être un peu dans le pétrin l’été prochain. Monchi est dans de beaux draps…

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Ce qu’il faut également prendre en compte avec lui, c’est qu’il a toujours eu énormément d’avance sur son temps. On ne peut pas vraiment dire qu’il est dépassé, ce sont juste ses homologues qui se sont hissés à son niveau, que ce soit en termes de scouting, d’utilisation de la data et de captation de talents. Ce qui lui permettait de faire la différence est aujourd’hui devenu la norme, du moins pour les clubs du standing de Séville et au-dessus. Les exemples sont légion en Espagne, où la Real Sociedad, le Betis et Villarreal se sont développés sur tous les plans ces dernières années et ont bien rattrapé leur retard. Le football a aussi changé, comme dirait un certain Bondynois, et de façon générale, il est plus intense et athlétique qu’avant. Ce qui ne correspond pas forcément au profil de joueur que Monchi parvient à cerner facilement. Il a toujours eu du mal avec les ailiers et les milieux relayeurs notamment, à quelques exceptions près, poste où des qualités physiques hors-normes sont nécessaires aujourd’hui. Le mercato a aussi bien changé, et les clubs qui misaient sur une politique de trading sur le moyen terme vont avoir encore plus de mal à vendre. Premièrement, parce que désormais les gros clubs se concentrent de plus en plus sur des profils de "pépites" et veulent sécuriser très vite l’arrivée des cadors de demain, ne cherchant plus vraiment ce bon joueur ayant performé en championnat, mais qui ne sera a priori pas un futur top mondial. Les clubs comme le Barça, le Real Madrid ou les cadors anglais vont directement chercher le joueur à la source, sans ce passage intermédiaire par un club comme Séville. Le fait que les richesses se concentrent de plus en plus en Angleterre et que le marché des agents libres soit de plus en plus intéressant et important est aussi à prendre en compte. Autant dire qu’à Séville, un changement de direction pourrait être le bienvenu…

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