Mercato : l’Arabie saoudite peut redouter un terrible exode de ses stars
Nouvel eldorado du football mondial, l’Arabie saoudite s’est montrée très active lors du dernier mercato estival. À coup de millions, de salaires mirobolants et d’avantages divers, la Saudi Pro League a ainsi attiré de nombreuses stars. Pourtant, six mois après leur arrivée dans le plus grand pays du Moyen-Orient, nombreuses sont celles à déchanter. Explications.
«Le plus important c’est que le championnat saoudien grandisse, que les joueurs aient désormais envie de venir ici parce que je sais que la ligue est compétitive. Le monde entier regarde le championnat désormais, et je conseille aux grands joueurs de venir ici, ils seront les bienvenus». Voici ce que déclarait dernièrement Cristiano Ronaldo, cadre incontesté d’Al Nassr, au micro de la presse saoudienne. Déterminé à l’idée de voir d’autres stars le rejoindre en Saudi Pro League, le quintuple Ballon d’Or pourrait, malgré tout, rapidement voir ses espoirs s’évanouir. Et pour cause, si le mercato hivernal bat son plein depuis une semaine désormais, le deuxième plus grand des pays du monde arabe, jusqu’alors très discret sur le marché, interroge. Comment expliquer ce départ timide depuis le 1er janvier dernier ? La raison semble bien se trouver dans la nouvelle stratégie décidée par le Fonds d’investissement public du gouvernement saoudien, chargé de financer les signatures des quatre grands clubs du pays (Al Hilal, Al Nassr, Al Ittihad et Al Ahli).
L’argent ne fait pas le bonheur…
En choisissant de fermer temporairement les robinets - laissant alors à chacun des clubs, et à leurs trésoreries, le soin de se renforcer en janvier - le PIF devrait globalement ralentir les ambitions XXL affichées par l’Arabie saoudite ces derniers mois. Un virage à 180 degrés, après avoir attiré une pléiade de stars l’été dernier, qui pourrait d’ailleurs rebattre les cartes à bien des égards. Que ce soit à l’échelle locale, avec une stabilisation des niveaux à redouter pour les différentes écuries, ou sur le marché des transferts européen, directement impacté par ce nouveau tournant, ce positionnement décidé par le PIF pourrait également causer un autre gros tort à la SPL. Aujourd’hui garni de nombreuses stars, le championnat saoudien peut, en effet, désormais redouter un exode massif. À ce titre, de nombreux footballeurs exprimaient dernièrement un mal-être certain au sein de leur nouvel environnement. De Gabri Veiga à Jordan Henderson en passant par Roberto Firmino ou encore Luiz Felipe, nombreux sont ceux à envisager un retour en Europe. Dans cette optique, nul doute que l’immobilisme hivernal annoncé par le PIF pourrait définitivement convaincre ces derniers de mettre les voiles. Dans son édition du jour, le quotidien espagnol Sport revient d’ailleurs plus longuement sur le cas Jordan Henderson.
Visiblement refroidi par le climat, la culture, la faible affluence dans les stades, la situation compliquée que vit l’équipe dirigée par Steven Gerrard et plus globalement cette autre vision du football en Arabie saoudite, le milieu de terrain de 33 ans envisagerait, aujourd’hui, de faire son retour en Angleterre, et ce malgré le manque à gagner d’un tel come-back. En effet, la presse anglaise rappelle, de son côté, que l’ancien capitaine de Liverpool - qui gagne 40 millions d’euros par an à Al Ettifaq - pourrait générer une "facture impayée" aux autorités fiscales saoudiennes d’environ huit millions d’euros en cas de départ prématuré. À tout cela, il faudra, par ailleurs, ajouter l’argent qu’il perdrait s’il rompait son contrat courant actuellement jusqu’au 30 juin 2026. Malgré ces pertes financières importantes, l’international anglais (81 sélections, 3 buts) semble donc déterminé à l’idée de fuir le Golfe. Une situation comparable à celle de Roberto Firmino. Après huit années passées à Anfield, le Brésilien de 32 ans a fait ses valises pour Al Ahli. Oui mais voilà, malgré un triplé inscrit pour ses débuts contre Al Hazem, le 11 août 2023, l’ancien buteur des Reds - qui a récemment perdu son père - éprouve, lui aussi, toutes les peines du monde à s’adapter. Cantonné à un rôle de remplaçant depuis plusieurs semaines, son départ de Djeddah reste bel et bien d’actualité, à l’heure où Fulham semble prêt à le relancer. Et ce n’est pas tout…
Un exode à redouter ?
Dans cette liste de stars déçues, les noms de Luiz Felipe (ancien du Betis, aujourd’hui à Al Ittihad) ou encore Gabri Veiga figurent. Après des débuts mitigés à Al Ahli, l’ancien milieu de terrain de Vigo avait ainsi été associé à un possible retour à court terme en Galice. Plusieurs médias espagnols n’avaient d’ailleurs pas hésité à énumérer les difficultés rencontrées par le natif de Porriño pour illustrer les dangers d’un départ pour l’Arabie saoudite. Enfin, comment ne pas parler de la situation de Karim Benzema (36 ans). Si nous vous révélions dernièrement qu’un départ n’était pas à l’ordre du jour pour l’ex-international français, le cas de la star d’Al Ittihad ne peut laisser insensible. Vivement critiqué par les supporters de l’actuel septième de SPL, l’ancien buteur du Real Madrid - pointé du doigt malgré 12 buts et 5 passes décisives en 20 rencontres toutes compétitions confondues - a récemment fermé son compte Instagram et traverse une période plutôt chaotique. Autant d’exemples prouvant les difficultés rencontrées par plusieurs stars, se réveillant, au bout de six mois seulement, du rêve saoudien. Un scénario déjà redouté, l’été dernier, par Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et interrogé par nos soins en juillet 2023. «Le positionnement des stars européennes en Arabie saoudite est une vraie question. Les joueurs vont devoir, tout d’abord, s’adapter sur place car ça reste un régime monarchique autoritaire, ils n’auront pas la même liberté qu’avant, pas la même liberté de la presse, pas la même possibilité de défendre certaines causes et ils vont l’expérimenter assez vite».
«La question du droit des femmes pour leurs compagnes et épouses se posera aussi… La liberté aussi à faire ou ne pas faire, on est sur un régime qui n’hésite pas à réprimer. Une chose est sûre, ça pose question à l’heure des joueurs influenceurs. Autre point complexe à gérer, les joueurs qui sont les mieux dotés vont aller à Dubaï ou à Doha pour aller ensuite vers d’autres destinations mais ce contexte suscite des interrogations et on a des joueurs, aujourd’hui, qui vont se retrouver à être les portes voix d’une normalisation de l’Arabie saoudite, qui elle n’a pas changé au niveau politique. La question de l’adaptation se pose aussi. On ne joue pas dans le même contexte, on a une culture différente. Les effectifs peuvent aussi être compliqués, la cohérence n’est pas forcément assurée car l’argent ne fait pas tout. On l’a vu avec Jota notamment au départ», analysait, par ailleurs, Jean-Baptiste Guégan avant de conclure sur les failles plus globales de cette ascension saoudienne express. «Par définition, si vous attirez la lumière, cette lumière va tout éclairer et donc c’est ce qui se passe. Si soft power il y a, il peut également se retourner contre vous. Les lumières du monde vont se projeter sur les zones d’ombre. Les gens vont s’y intéresser, c’est logique. C’est une note à payer, c’est le volet négatif de toute politique d’image et de recherche d’influence par l’image et dans le football ça va aussi surgir. À partir du moment où vous venez sur des domaines aussi populaires, c’est inévitable et c’est ce qui se passe aujourd’hui». Un premier gros grain de sable dans une machine qui semblait, jusqu’alors, inarrêtable…
En savoir plus sur