En quittant le RC Lens pour Fulham à l'âge de 18 ans avec l'étiquette de crack, l'attaquant français Ange-Freddy Plumain pensait embrasser une belle carrière en Angleterre. Finalement, c'est six ans plus tard, en Israël, qu'il se révèle véritablement. Un parcours sinueux qui l'a fait grandir et mûrir.
Quand on se penche sur la carrière de Ange-Freddy Plumain, avec sept clubs au total, on peut aisément estimer que l'attaquant approche la trentaine. Il n'en est rien, son état civil respire toujours la jeunesse : 24 ans. Après des années faites de galère et d'apprentissage, c'est finalement à cet âge-là qu'il décide d'exploser. «C'est la meilleure saison de ma carrière, je suis tellement content», se réjouit-il. Avec 10 buts et 5 passes décisives toutes compétitions confondues, il est nommé pour le trophée du meilleur joueur étranger de la saison, en Israël.
Dans le droit chemin
Sous le soleil de l'État hébreu, le joueur est enfin épanoui et exprime pleinement son talent. C'est avec l'Hapoel Hadera d'abord, qu'il a brillé pendant six mois. Un club situé au nord de Tel-Aviv sur les bords de la mer Méditerranée, qu'il a rejoint librement en juillet dernier. Puis avec le Beitar Jérusalem, où il a été transféré durant le mercato de janvier, pour environ 450 000 €. «Faire un transfert dans le plus grand club israélien, c'est magnifique». À Jérusalem, Ange-Freddy Plumain joue notamment aux côtés de la superstar du pays, l'ancien de Chelsea, Liverpool ou Arsenal, Yossi Benayoun (38 ans).
Depuis son arrivée en Terre sainte, il a «vraiment retrouvé le sourire, repris plaisir à jouer au football, à toucher le ballon, à courir et à marquer des buts.» Cette notion de plaisir s'était perdue dans son parcours chaotique, où il estime avoir été «mal entouré». Le goût de l'effort est revenu également. «Si aujourd'hui je réussis, c'est que je travaille, au quotidien, pour remercier les personnes qui sont là pour moi.» Ce sont sa famille, femme et enfants, mais aussi ses nouveaux agents qui l'ont «remis dans le droit chemin».
Éric Sikora, «comme un père»
Pour comprendre ce qu'il s'est passé, il faut revenir six ans en arrière. Un talent brut éclot à la Gaillette, le centre de formation du RC Lens. À peine 18 ans et l'entraîneur nordiste Éric Sikora le lance dans le grand bain professionnel. Un coach qu'il a connu à tous les niveaux : équipes jeunes, CFA et professionnel. Pendant que le technicien lensois grimpe les échelons au Racing, il n'oublie pas d'emmener Ange-Freddy Plumain avec lui dans son groupe. «C'était mon coach, mais c'était comme un père. Il a vraiment tout fait pour moi». Éric Sikora se montre pourtant très exigeant avec son protégé. «Je ne lui ai jamais fait de cadeau», avait déclaré le Lensois dans une interview en 2016. «C'est ça que j'aimais chez lui, c'est sa franchise. Il était toujours franc avec moi et il n'y avait pas de secret entre nous. Quand ça allait, il me le disait, et le contraire aussi», lui répond-t-il.
Après un an en Ligue 2 et 20 rencontres disputées au RCL, l'ailier quitte son club formateur dans la confusion. Il signe trois ans à Fulham. À l'époque, l'affaire est très mal vécue par les dirigeants du RC Lens qui engagent une procédure contre le club anglais et le joueur. «Aujourd'hui, je n'ai aucun regret, j'ai digéré ça. Je voulais rester à Lens, mais ça n'a pas pu se faire». La faute à un entourage malveillant et une proposition de contrat professionnel qui arrive trop tardivement. «Je me sentais tout seul face à ça», déplore-t-il. Et même si la suite n'est pas rose pour lui, «personne n'a une boule de cristal pour savoir ce qui se serait passé, si j'étais resté à Lens».
«Peut-être que je n'ai pas fait assez d'efforts»
Malgré deux petites entrées en FA Cup avec les pros, l'expérience de deux ans à Fulham lui permet de faire grandir son football. Sous la tutelle du coach Peter Grant chez les jeunes, qui l'aide notamment à développer son jeu. «Avant j'étais vraiment un ailier de côté qui ne rentrait jamais dans l'axe, qui restait sur le long de la ligne, et ce n'est plus le cas aujourd'hui». Lors de sa troisième année de contrat à Londres, le club décide de le prêter. «De mon côté, peut-être que je n'ai pas fait assez d'efforts pour prouver que je méritais de rester. Il faut bosser chaque jour pour pouvoir être récompensé. C'est ce que j'ai compris maintenant».
Prêté, il atterrit au Red Star. Une bonne nouvelle pour le natif de Paris. «Ça m'a fait plaisir de revenir en France». Dans un rôle de remplaçant avec 14 apparitions, l'attaquant aide le club autant qu'il le peut à tenter de monter en Ligue 1. Durant la saison, il marque deux buts, dont un contre Lens (voir la photo ci-dessus). La formation parisienne échouera finalement de très peu, terminant 5e, à un seul petit point de la troisième place. À l'issue de l'exercice, le joueur ne prolonge pas avec Fulham et se retrouve libre.
Le pire souvenir de sa vie
Sans avoir vraiment eu l'opportunité de se montrer en Ligue 2 avec le Red Star, Ange-Freddy Plumain descend d'un rang. Il signe en National 1 à Sedan. Le début de saison est plutôt encourageant, trouvant le chemin des filets pour sa troisième titularisation et enchaînant les matches jusqu'au mois de février. «Après je n'ai plus joué, je n'ai pas été bon, je peux l'admettre». Le joueur rentre alors dans une phase où il se pose beaucoup de questions, et se décourage. Il lui faut absolument un déclic.
Il y en aura même plusieurs, et ce sera à Quevilly-Rouen, fraîchement promu en Ligue 2, qu'il rejoint durant l'été 2017. Le 29 septembre lors de la 10e journée de championnat, c'est «le pire souvenir de [sa] vie». En déplacement à Niort, le coach Emmanuel Da Costa lui offre sa première titularisation de la saison, mais le sort dès la 25e minute de jeu. Aujourd'hui encore, Ange-Freddy Plumain respecte mais ne comprend pas cette décision. «Je n'avais jamais pleuré, et là, j'avais des larmes aux yeux». Plusieurs semaines se passent, sans jouer, puis l'entraîneur lui indique qu'il ne veut plus de lui, et l'invite à quitter le club durant le mercato d'hiver. «C'est à ce moment-là que j'ai eu un tilt dans ma tête».
«À deux doigts d'arrêter le football»
Refusant de fuir face à la difficulté, l'attaquant travaille dur pour convaincre son coach de lui redonner sa chance chez les pros. «À deux doigts d'arrêter le football» durant cette période, le Guadeloupéen est alors écarté du groupe professionnel et pige en National 3 avec la réserve. Au plus bas niveau de sa carrière, il pète les plombs par deux fois et prend douze matches de suspension (5 + 7) pour insultes envers l’arbitre. Après six mois de purgatoire, il réintègre finalement le groupe en mars et entre en jeu à Ajaccio. Et même si c'était la dernière fois qu'il rejouait avec le maillot de QRM,«c'était une fierté. Je me suis dit que je pouvais le faire, que je pouvais retourner une situation.»
Dans le même temps, Ange-Freddy Plumain change d'agent (il est désormais représenté par Sportback Group et Nicolas Onissé) et sa façon de penser. En situation d'échec, le joueur comprend qu'il ne faut pas se cacher derrière des excuses. «Si je ne joue pas, c'est que quelqu'un est meilleur que moi». Avec le recul, il a conscience qu'il ne «prenait pas assez au sérieux l'entraînement». Son entourage - comprendre son ancien agent - a également été un frein à sa carrière. Mais de chaque épreuve, il en ressort toujours quelque chose. S'il avait un conseil à donner aujourd'hui à un jeune crack qui débarque à Londres, c'est «d'être bien entouré, de rester humble, de travailler dur à l'entraînement, et de savoir où il veut aller».
Une histoire de train
Lors de notre entretien, Ange-Freddy Plumain a beaucoup cité Dieu. Pourtant, à la fin de celui-ci, la citation la plus marquante sera une phrase de Kilian Jornet, un sportif professionnel espagnol spécialiste de l'ultra-trail. «Il arrive un jour dans la vie où tu dois décider dans quel train tu veux monter. Et une fois que tu as décidé, tu ne dois pas te demander ce qui se passerait si tu en avais pris un autre». Une belle manière de résumer ce qu'il se passe actuellement dans sa tête, qui est maintenant tournée sereinement vers l'avenir.
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