L’Aris Limassol, un vent nouveau souffle sur Chypre !
De retour en Protathlima Cyta, première division chypriote, l’Aris Limassol, quatrième après 22 journées, poursuit sa révolution. Portée par Vladimir Fedorov, nouveau propriétaire du club, Joël Damahou, ancien milieu de terrain professionnel reconverti en tant que directeur technique, et Aleksey Shpilevski, coach biélorusse disciple de Marcelo Bielsa, la formation basée sur la baie d’Akrotiri apporte un vent nouveau sur un championnat rarement mis en avant. Des coulisses d’une politique de recrutement ambitieuse aux stratégies d’attractivité en passant par les nouvelles infrastructures développées, Foot Mercato vous propose un focus.
Réputé pour ses plages, ses eaux bleues et sa chaleur méditerranéenne, Limassol, deuxième plus grande ville de Chypre, reste également un lieu de football avec trois clubs évoluant actuellement en Protathlima Cyta, première division chypriote. Aux côtés de l’AEL Limassol et de l’Apollon Limassol Football Club, l’Aris Limassol semble d’ailleurs tirer son épingle du jeu au cours des derniers mois. Récemment rachetée par le Biélorusse Vladimir Fedorov, nouveau propriétaire du club, la formation entraînée par Aleksey Shpilevski se distingue depuis par une politique de recrutement spécifique et une philosophie de jeu audacieuse rappelant celle d’un certain Marcelo Bielsa du côté de l’Olympique de Marseille. Symbole de ce nouvel élan donné ? Joël Damahou, ancien milieu de terrain professionnel, formé au Paris FC et reconverti en tant que directeur technique du club.
L’Aris Limassol a entamé sa révolution !
Remonté dans l’élite du football chypriote lors de l’exercice 2021-2022, l’Aris Limassol, longtemps perturbé par d’importants problèmes budgétaires, est, aujourd’hui, en pleine ascension. «Il y a deux ans, lors du mercato estival 2021, le club a été promu en première division et dans le même temps, un jeune propriétaire biélorusse est arrivé, Vladimir Fedorov. Fan de football, il a décidé d’investir dans le club, il a choisi pour débuter son projet la stabilité donc il a conservé le coach chypriote de l’époque (Liasos Louka, ndlr) et a axé son recrutement sur des joueurs français expérimentés. On a vu l’arrivée de Steeve Yago, Kévin Monnet-Paquet, Facundo Roncaglia, des joueurs habitués au haut niveau», nous confiait, en ce sens, Joël Damahou ex-membre de l’équipe. Cinquième de la saison passée, l’Aris souhaite, cependant, donner un nouveau tournant à son projet. Fort d’un stade flambant neuf de 11 000 places, l’Alphamega Arena, le board chypriote a ainsi décidé de revoir sa politique de recrutement.
Fini les recrutements systématiques de trentenaires aguerris, principalement issus du championnat de France et venant, pour beaucoup, profiter des avantages fiscaux (un différentiel brut net assez avantageux) de l’île située dans le bassin Levantin. Place à la jeunesse. «Aujourd’hui, je n’ai pas peur de le dire. C’est terminé pour les anciens joueurs de Ligue 1. Le recrutement est désormais basé sur d’autres choses. On veut des joueurs jeunes. On ne peut plus faire venir des joueurs de 34 ou 35 ans. Sans paraître arrogant mais pour passer ce cap, nous devons maintenant faire venir des joueurs qui sont dans la force de l’âge. Même en Ligue 1, des joueurs qui n’ont pas l’opportunité de jouer car l’effectif est trop fort, ils peuvent tenter ce challenge. Ici, ils ne viennent pas s’enterrer, ils viennent pour briller», avouait le responsable du recrutement. Ambitieux sur le marché des transferts et désireux de franchir un nouveau palier dans sa progression, l’Aris Limassol doit malgré tout faire face à de nombreux obstacle.
Un mercato à Chypre, dangers et enjeux !
Le premier d’entre eux et certainement le plus important : l’attractivité. Comment convaincre des talents, en pleine force de l’âge, de rejoindre un championnat bien moins compétitif que le top 5 d’Europe ? «Pour attirer un joueur en pleine force de l’âge à Chypre, c’est une vraie mission. On a les moyens de payer mais c’est difficile, d’autant plus que nous cherchons des profils jeunes. Pour y parvenir, nous sommes obligés d’avoir une stratégie. J’ai réalisé un petit reportage vidéo sur la ville de Limassol pour la présenter, on y voit aussi le nouveau stade qui est officiellement terminé et qui a récemment ouvert ses portes. L’Alphamega Arena. C’est un stade de 11 000 places avec l’objectif de le remplir constamment. Ici, à Chypre, rien ne sert de faire un stade de 30 000 places pour qu’il sonne creux. Ce nouveau stade est un atout et lorsque nous souhaitons attirer un joueur, nous mettons des choses en place. Nous pouvons organiser la visite du pays, prendre en charge toutes ces choses, rencontrer ensemble le coach également afin de discuter de la philosophie de jeu. Le dialogue fait beaucoup, ça fait même une grande différence. C’est d’ailleurs ce que j’avais fait avec Abdel Medioub, Steeve Yago et Kévin Monnet-Paquet», reconnaissait, à ce titre, Joël Damahou, déterminé à l’idée de mettre la main sur des joueurs «entre 18 et 24 ans».
Homme fort du recrutement de la formation chypriote, le dirigeant franco-ivoirien, passé par Tours au cours de sa carrière de joueur, s’appuie dans cette optique sur une méthode bien huilée. En étroite collaboration avec Aleksey Shpilevski, le natif de Koumassi fixe ainsi ses recherches sur trois principales zones géographiques. À commencer par l’Afrique. «L’Afrique est un point central dans notre développement, ce n’est pas forcément facile car nous recevons beaucoup de vidéos et il faut ensuite déceler le joueur qui peut nous apporter quelque chose et surtout correspondre à la philosophie du coach», notait malgré tout Joël Damahou, bien aidé par Michel Tadoum Didier, recruteur qui écume les académies du Gabon au Congo en passant par le Cameroun et la Côte d’Ivoire. «Aujourd’hui, nous avons par exemple ces joueurs gabonais avec Shavy Babicka et Alex Moucketou-Moussounda qui sont des titulaires à part entière», se féliciter par ailleurs le responsable de l’Aris. Aux trousses des jeunes pépites du football africain, les hautes sphères de l’Aris Limassol restent également très intéressées par le marché français.
L’Afrique, la France et l’Europe du Nord au cœur du projet !
Outre Steeve Yago, Kévin Monnet-Paquet, Yannick Gomis ou encore Abdel Medioub, arrivé des Girondins de Bordeaux, le club chypriote regarde très attentivement les listes de fin de contrat aspirant des clubs de L1 et de L2. Pour illustrer cette stratégie, nous pouvons notamment évoquer les deux anciens Rennais Kylian Gasnier et Yannis Dede-Lhomme, venus à l’essai. Seul le second s’est engagé avant d’être prêté en seconde division au PO Achyronas-Onisilos. Prêt à relancer des éléments non-conservés en centre de formation, l’Aris Limassol est, enfin, charmé par l’Europe du Nord. «Leo Bengtsson est le symbole parfait de ce que nous visons sur le mercato. Avec nos data-analystes, on l’avait repéré en Suède, il était premier du championnat et il su s’adapter très rapidement au championnat chypriote (5 buts et 3 passes décisives depuis le début de la saison, ndlr) et aux demandes du coach. C’était une belle surprise de le voir accepter aussi rapidement ce nouveau projet, c’est un joueur dévoué et efficace. Tout cela confirme en tout cas que l’Europe du Nord est un marché pour nous.»
Basé sur ces régions du monde, le recrutement des Chypriotes vise, quoi qu’il en soit, à «associer une philosophie de jeu à une personnalité de footballeur». Une philosophie désormais prônée par le jeune coach de 34 ans, Aleksey Shpilevski, ancien entraîneur des jeunes au RasenBallsport Leipzig. «En février 2022, on a décidé de se séparer du coach et j’ai conseillé, dans la foulée, au président de signer un entraîneur jeune, j’avais entendu parler Aleksey Shpilevski, passé par l’Allemagne et l’Autriche. Un coach avec beaucoup d’idées innovantes. Il a travaillé avec Ralf Rangnick notamment. Il venait de la Biélorussie, le même pays que le président, ce qui a simplifié les négociations. Résultat, il a pris la tête de l’équipe et on a commencé un nouveau projet que ce soit concernant l’image véhiculée par le club mais également sur le mercato et les choix effectués», résumait le dirigeant de la formation chypriote avant de détailler son profil et les conséquences d’une telle arrivée sur le banc de l’Aris.
Aleksey Shpilevski, le 'Bielsa biélorusse’ !
«Concernant Aleksey Shpilevski, le choix est fort car il a une philosophie de jeu propre à lui. Il est très axé sur la jeunesse, il pousse vraiment ses joueurs au bout du bout et souhaite un pressing constant, ce qui demande d’énormes capacités physiques. Il veut du dynamisme, de la vitesse, du rythme pendant 91 ou 92 minutes. Dans un pays comme Chypre, ça fait forcément grincer des dents. (rires). Notre mercato est donc forcément la conséquence de la philosophie du coach. Souvenez-vous à l’époque de l’OM avec Marcelo Bielsa où beaucoup de joueurs étaient cramés physiquement à la mi-saison, c’est le danger de ces ambitions. Ils nous faut donc un réservoir de joueurs, jeunes et frais physiquement. L’idée étant que dès qu’un joueur n’en peut plus, un autre peut prendre sa place. Pour illustrer cela, c’est un coach qui fait beaucoup de changements, qui peut changer trois joueurs à la mi-temps même s’ils jouent bien. Ce qu’il veut, c’est de la fraîcheur pour que l’intensité soit toujours au rendez-vous. Concernant les joueurs les plus expérimentés actuellement dans notre effectif, ils continuent d’avoir un rôle. Ils sont là pour encadrer la jeunesse. Ils adhérent à la philosophie du coach, ils se battent pour survivre, ils sont contents d’être ici, ce n’est pas une retraite».
Aux premières lignes de ce projet, Joël Damahou joue donc un rôle essentiel, notamment sur l’aspect mental des profils recherchés. «Nous cherchons des joueurs jeunes, dynamiques avec un état d’esprit irréprochable. Cette mentalité est essentielle car certains profils pourraient penser que le coach est fou et ça mènerait à des tensions au sein de l’effectif. C’est ici aussi que j’interviens. Je mène des investigations sur le joueur, à la fois sur le terrain mais aussi en dehors. J’ai joué en Allemagne et là-bas j’ai aussi appris toute l’importance de cette mentalité de compétiteur. Le profil mental compte aussi énormément dans mes recherches». Troisième meilleure attaque et cinquième défense du championnat, l’Aris Limassol semble bel et bien avoir trouvé la bonne recette et le prouve week-end après week-end. Porté par Aleksandr Kokorin (8 buts, 3 passes décisives), prêté par la Fiorentina et récemment interrogé par FM, ou encore Shavy Babicka, jeune ailier droit gabonais prometteur (4 buts, 4 offrandes), le club chypriote peut également s’appuyer sur l’expérience d’un Yannick Gomis (5 réalisations, 2 passes décisives) et le réalisme de ces promesses nordistes : le Polonais Karol Struski totalise 4 buts, le Suédois Leo Bengtsson peut, quant à lui, se targuer de 5 buts et 3 caviars.
Une ambition européenne pour continuer de grandir…
«Ici, on prône un nouveau football basé sur la créativité. La possession est, certes, importante mais on veut surtout conserver cette activité et ce dynamisme de tous les instants. Sur le long terme, on veut associer ces deux jeux mais c’est très difficile à faire, raison pour laquelle nous avons choisi une ligne de conduite aujourd’hui. On est la meilleure équipe en transition, ici les équipes commencent à comprendre notre jeu et jouent en bloc bas, ce qui va aussi nous forcer à nous adapter. Une chose est sûre, les statistiques actuelles nous donnent raison», ajoutait, en ce sens, le responsable franco-ivoirien. Avant de se déplacer sur la pelouse de l’Omonia Nicosie, septième, pour le compte de la 23e journée, l’Aris compte huit longueurs d’avance sur l’Apollon, autre club de Limassol, actuellement septième. Une avance intéressante dans la course au top 6.
«À partir de là débutera 10 autres matches, une phase finale qui permettra de déterminer le titre de champion et l’attribution des places européennes (le premier est qualifié pour la Ligue des Champions, le 2ème et le 3ème sont qualifiés pour la Conference League, ndlr) sachant que la Coupe qualifie aussi pour la Ligue Europa. C’est aussi un objectif pour nous. La saison passée, par exemple, l’Omonia Nicosie a participé à la Ligue Europa grâce à sa victoire en Coupe. Au final, ils ont croisé Manchester United et la Real Sociedad. Ce sont des opportunités énormes et un très gros argument pour attirer les joueurs que l’on cible. En plus de la structure de notre club – ici nous n’avons aucun retard de paiements, ce qui n’est pas le cas partout à Chypre - on pourrait effectivement leur promettre ce challenge européen», concluait Joël Damahou, fier de la dynamique actuelle des siens et du projet ambitieux développé sur la baie d’Akrotiri.