Justice : où en est l’enquête sur Kylian Mbappé en Suède ?
Le 14 octobre dernier, la presse suédoise a révélé que Kylian Mbappé était "raisonnablement soupçonné" concernant une affaire de viol présumé, qui se serait déroulé à son hôtel lors de son séjour à Stockholm. Un mois après le début de cette affaire retentissante, où en est ce dossier ?
«Même à l’époque où Zlatan Ibrahimovic jouait au Paris Saint-Germain, je n’ai jamais été autant sollicitée.» Depuis environ un mois, le téléphone de Johanna Franden ne cesse de sonner. Correspondante à Paris pour le média suédois Aftonbladet, la journaliste a été contactée par près de 150 confrères dans l’Hexagone à la suite de l’affaire Kylian Mbappé. Il faut dire que c’est la publication pour laquelle elle travaille qui a révélé, photos à l’appui, que le Bondynois avait séjourné plusieurs jours à Stockholm le mois dernier, pendant que les Bleus affrontaient Israël dans le cadre de la Ligue des Nations. Une escapade qui a fait tache puisque Didier Deschamps avait annoncé son forfait afin qu’il puisse se retaper physiquement après sa blessure au Real Madrid. Club avec lequel il avait d’ailleurs joué après l’annonce de la liste par le sélectionneur des Bleus. Ce qui avait déjà provoqué de nombreuses polémiques concernant son rôle et son implication en sélection. Mais c’est un tout autre débat.
Par la suite, Aftonbladet mais également d’autres médias comme Expressen, ont dévoilé les coulisses de ce voyage, dont Nordi Mukiele serait à l’origine. Ainsi, il a été révélé que l’ancien joueur du PSG aurait passé plusieurs soirées en bonne compagnie au sein du restaurant "Chez Jolie" ainsi que son annexe, le bar à vin "Petite Soeur". Un établissement qui possède une chambre privée au sous-sol avec un grand bar. Par la suite, KM9 et son entourage ont passé la soirée dans une boîte de nuit de la capitale suédoise, le V. Mais pour que le footballeur et ses amis puissent profiter en toute tranquillité et surtout en toute discrétion, les clients de la discothèque avaient dû laisser leur téléphone dans une enveloppe à l’entrée de la discothèque. Mbappé aurait également déboursé 43 000 euros pour privatiser la salle de ping-pong de la boite, tout en laissant 1750 euros de pourboires d’après Aftonbladet. De son côté, L’Equipe a évoqué la somme de 100 000 euros concernant ses voyages en jet privé et le stationnement de son avion en Suède.
Un joueur "vraisemblablement soupçonné"
Après quelques jours à Stockholm, le Français s’est envolé pour Ajaccio en Corse, lui qui avait obtenu quelques jours de repos de la part des Merengues. Mais le 14 octobre, cette escapade polémique a viré au scandale. En effet, la presse suédoise a révélé qu’un viol aurait été commis dans l’hôtel où séjournaient le footballeur et ses amis. Quelques heures plus tard, Expressen et d’autres publications ont indiqué que KM9 était "raisonnablement soupçonné" d’agression sexuelle présumée. Des informations qui étaient également celles d’Aftonbladet, qui a apporté quelques précisions concernant la qualification du statut du joueur né en 98. « En Suède, on parle de "probablement soupçonné" ou de "vraisemblablement soupçonné", c’est comme cela qu’on traduit même si ce n’est pas une traduction parfaite. Pour lui, on peut dire que c’est "vraisemblablement soupçonné". Pour être "probablement soupçonné", il faut presque être pris en flagrant délit. On utilise ces termes quand il y a très peu ou beaucoup moins de doutes. Il aurait fallu des témoins ou que quelque chose se passe dehors», nous explique Johanna Franden.
Pointé du doigt, Mbappé, qui a visiblement reconnu avoir eu un rapport avec la jeune femme, qui s’est présentée à l’hôpital pour faire constater des lésions physiques; assure que tout était consenti. Il a d’ailleurs fourni des messages échangés avec la victime présumée pour prouver son innocence. La star française avait aussi publié un communiqué de presse avant de faire une allusion au PSG sur X, puisque cette affaire a éclaté à la veille de sa confrontation avec son ancien employeur concernant des montants impayés. Mais cela n’a absolument rien à voir selon la journaliste d’Aftonbladet. «Il a été "paparazzé" lors de sa deuxième soirée. Il a passé au moins 48 heures en Suède. C’est rare que quelqu’un comme lui puisse passer autant de temps dans une ville comme ça. Les journalistes et les photographes ont des contacts dans le milieu de la nuit de Stockholm. Ça ne m’étonne pas du tout que ce soit sorti. Quand j’entends l’avocate (de Mbappé, ndlr) dire qu’il a été pisté ou que c’est une espèce de complot contre lui, j’ai juste envie de rigoler. Un complot d’Aftonbladet avec le PSG ? J’ai envie de rire. Lui-même en avait un peu parlé sur X en faisant référence à son audition du lendemain face au PSG. Non, ça n’a rien à voir.»
La Suède suit de près cette affaire
D’autant que la façon de traiter l’information n’est pas forcément la même qu’en France. «On a un peu plus la culture de prendre des célébrités en photo dans la rue. Rien ne nous empêche de publier des choses comme ça. La loi et l’éthique de la presse admettent qu’on puisse faire ça. Dès que vous vous baladez dans la rue, vous risquez ça. On a le droit mais on n’a pas l’habitude de prendre quelqu’un dans son domicile. C’est très rare. Dans la rue, même si vous sortez d’un restaurant pour prendre votre taxi, c’est possible et assez courant.» Forcément, Mbappé, par son statut, ne pouvait pas passer inaperçu. «C’est l’un des 5 joueurs de foot les plus connus au monde. Il est connu partout, notamment pour ses prises de position dans le débat politique, etc… Moi, je trouve que Mbappé s’est projeté un peu comme quelqu’un d’assez engagé, qui parle bien, qui représente, en plus, c’est le capitaine de l’équipe de France. Donc ça ne m’étonne pas le bruit que cela fait. En Suède, c’est assez rare d’apercevoir quelqu’un comme lui dans la rue.»
Elle ajoute : «ensuite, il y a eu une accusation comme celle-ci. Si c’était quelqu’un d’autre, on se serait peut-être dit ce n’est pas étonnant. Mais là, c’est Mbappé et ça étonne tout le monde. Peut-être qu’il ne s’est rien passé, je ne dis pas ça. Évidemment, il y a la présomption d’innocence. Mais le fait d’être soupçonné, je pense que ça ne correspond pas à l’image que le Suédois lambda avait de Kylian Mbappé.» Le pays scandinave suit d’ailleurs de près ce dossier. «Il y a beaucoup d’intérêt autour de cette affaire. Les articles sur Mbappé ont fait partie des articles les plus lus durant les premières semaines. Je pense que c’est un mélange de tout. Déjà, c’est lui, une star mondiale. Ensuite, c’est en Suède, donc il y a l’angle local. Enfin, il y a une accusation ou un soupçon d’un acte criminel qui est très sévère ici. En Suède, les droits de la femme ont toujours été mis en avant. C’est un pays qui a été un exemple quelque part sur ça. On parle aussi des violences faites aux femmes. Donc c’est tout cet ensemble qui fait que ça fait un tollé, vraiment.»
Des soirées qui font parler
Les coulisses et les détails de ce dossier font donc couler beaucoup d’encre. «Déjà, on était un peu étonné de le voir au mois d’octobre en Suède car il pleut, il fait gris, il n’y a pas de grand intérêt. Je pense que Mukiele, qui a visiblement organisé le séjour, avait déjà des contacts en Suède. Maintenant, on a vu pas mal d’articles au sujet de ces voyages en Suède, organisés pour des stars. Ils sont assez courants. Il y a eu par exemple des joueurs allemands, qui ne sont pas des joueurs lambdas (Jamal Musiala y est déjà allé selon Bild, ndlr), qui ont fait la même chose. Mais il y a très peu de chances pour qu’ils soient reconnus dans la rue. Mbappé n’a pas cette chance. (…) Je pense que les Suédois sont un peu plus réservés. Même si les personnalités sont reconnues, on ne va pas leur sauter dessus dans la rue, pour prendre des selfies, etc… Ces soirées, où ils appellent des filles pour les accompagner et faire la fête avec eux, se déroulent dans la discrétion absolue. Elon Musk avait participé à l’une de ces soirées, il n’y a pas longtemps. Sauf qu’il ne s’est pas fait apercevoir.»
Cette pratique se répand donc dans la capitale ces dernières années. «Personne n’arrive à joindre les personnes qui organisent ces soirées. Elles ne veulent pas parler de leurs clients et des soirées. Tout est hyper secret. De ce que j’ai compris, c’est assez récemment que Stockholm est devenu un lieu connu pour ça. C’est une "industrie" qui se développe en Suède. Je pense que la réputation de la femme suédoise, assez libre de faire ce qu’elle veut, qui n’est pas de culture catholique et tout le reste, font qu’elles ne sont pas jugées pour avoir couché avec quelqu’un. Tout ça mis ensemble, avec le fait aussi que les Suédoises sont jolies, fait que Stockholm est devenu un repère pour ça. C’est aussi une petite ville par rapport à Paris. Le centre-ville est très abordable à pied. Il me semble assez clair que Kylian Mbappé n’avait aucun autre but que de faire la fête. On ne l’a pas forcément aperçu dans des musées ou en train de visiter. Ils y vont pour faire la fête. (…) Il a été aperçu et avec tout ce qui s’est passé, c’est vrai que ça a été tout de suite une affaire assez extraordinaire.»
Une enquête qui fait du surplace
Mais où en est-on un mois après ? «On a très peu de nouvelles, pour ne pas dire aucune. C’est dans les mains de la Procureure, qui est connue pour être très stricte. Elle ne lâche rien et donne très peu de détails. Elle n’a même pas commenté publiquement concernant le fait que ce soit Mbappé ou non qui est visé. Mais quatre médias suédois avaient les infos sur ce point. Hormis ça, on sait très peu de choses. (…) Les vêtements de la jeune femme sont analysés au niveau de l’ADN et ça prend du temps. Ce n’est pas parce que c’est Mbappé, qui est peut-être visé, qu’ils vont faire passer le dossier devant dans la file d’attente. On ne sait pas si Mbappé a été entendu par la police. Ils n’ont pas intérêt à ce que ça filtre dans la presse. J’ai aussi noté que son avocate qui parlait beaucoup au début, ne dit plus rien du tout. Normalement, le secret d’instruction n’est pas maintenu si c’est quelque chose d’un peu plus banal. Mais là, quand il s’agit d’un viol présumé, c’est rare d’avoir des infos. C’est pris très au sérieux.»
Elle poursuit : «au début, on avait plein de nouvelles. Tous les jours, il y avait quelque chose. Mais là, il n’y a presque plus rien. (…) Juridiquement parlant, en ce qui concerne la suite de l’affaire, ce sera soit classé sans suite, ce qui est assez probable car c’est souvent le cas dans ce type d’histoires où il n’y a pas de témoins. C’est parole contre parole. Ou alors, il peut être entendu par la police et provisoirement mis en garde en vue. Il peut être entendu en Espagne, la police suédoise peut donner son mandat pour qu’il soit interrogé. Mais ils ne sont pas dans l’obligation de dire quoi que ce soit. Ça a pu même déjà se passer et nous ne sommes pas au courant. Après l’affaire n’a pas encore été classée sans suite car on imagine que Mbappé en aurait parlé. Il n’y a aucune communication de sa part, ni de son avocate.»
La victime présumée se terre dans le silence
Son entourage, qui voyageait avec lui, a-t-il aussi été entendu ? « On ne sait pas du tout. Mais j’ai lu visiblement plusieurs femmes qui avaient assisté aux soirées ont, elles, été entendues. Ils ont aussi entendu le personnel de l’hôtel et sûrement celui de la boite de nuit. C’est normal, ça fait partie de l’enquête.» Enfin, Johanna Franden évoque le mutisme de la victime présumée. « Je pense que c’est assez clair qu’elle ne veut pas parler. Il n’y a pas un mot de sa part. Son avocate ne fait aucun commentaire. Elle ne veut rien dire pour le moment. Il y a toujours des gens qui disent qu’elle veut de la notoriété ou de l’argent. En Suède, on n’a pas cette culture de "settlement" comme aux État-Unis. Vous ne pouvez pas régler une affaire de viol présumé en dehors du tribunal. C’est impossible ici. Donc il n’y a pas d’argent à gagner pour acheter son silence. La vie de cette fille a dû être chamboulée ces dernières semaines. Si jamais elle venait à parler, il faut savoir qu’en Suède, on ne paye pas pour les interviews. (…) On ne fait pas ça. Il n’y a rien à gagner pour cette fille. » Une jeune femme qui maintient donc ses accusations pour le moment. D’ailleurs, Johanna Franden nous explique les subtilités de la loi en Suède concernant les viols ou agressions sexuelles présumés.
« La loi est beaucoup plus sévère en Suède, car il faut en théorie le consentement dans chaque étape du rapport. La personne, en général l’homme dans les cas d’affaires de viol présumé, doit s’assurer d’avoir le consentement de son ou sa partenaire pour passer à l’étape d’après. Il n’y a pas besoin que le mot "non" soit exprimé pour que ce soit jugé comme un viol si c’est clair que la victime montre qu’elle ne veut pas. Ça peut être aussi jugé comme un viol. » Il reste à savoir quels seront les résultats de l’enquête. En attendant, Kylian Mbappé profite d’une trêve un peu moins agitée, entre un petit séjour à Paris avec ses amis Achraf Hakimi et Arnau Tenas et des séances d’entraînement au Real Madrid. Il doit également suivre les Bleus, lui dont l’absence interroge en Suède. « On se pose des questions par rapport à sa non-convocation. Est-ce qu’ils savent quelque chose que nous ne savons pas ? J’ai trouvé ça bizarre, le fait de dire lui veut venir mais c’est mieux comme ça. Deschamps en sait sûrement plus sur l’histoire. Mais peut-être que ça ne veut rien dire. Il s’est aussi peut-être dit qu’on allait lui parler de l’enquête, qu’il serait interrogé comme c’est le capitaine et qu’il doit se présenter en conférence de presse. Comme Deschamps refuse d’en dire plus, c’est dur à savoir. » Le dossier Mbappé continue donc d’enflammer la Suède, qui multiplie les articles à son sujet depuis un mois.
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