Sébastien Haller, Dortmund : «lorsque j’ai appris que j’étais malade, je voulais revenir sur les terrains dès octobre»
Huit mois après son cancer des testicules diagnostiqué, Sébastien Haller présentait ce dimanche 19 mars “le combat d’Haller”, un documentaire réalisé dans l’intimité du Franco-Ivoirien par Canal+, et retraçant sa victoire contre la maladie. Pour Foot Mercato, l’attaquant de 28 ans s’est livré sur cette étape marquante de sa vie.
245 jours plus tard, Sébastien Haller et ses proches savourent, encore, parce que la satiété de la joie n’existe pas. C’est une nouvelle belle parenthèse, ou plutôt même un joli point final de ce combat remporté par l’attaquant ivoirien contre son cancer des testicules, diagnostiqué le 17 juillet dernier, et désormais bien rangé dans la boîte à mauvais souvenirs. Dans les studios de Canal+, les applaudissements affluent après la diffusion de son documentaire “le combat d’Haller” (disponible gratuitement sur Mycanal). Ce documentaire, c’est d’ailleurs lui qui l’avait voulu dès sa première séance de chimiothérapie en août, un geste qui traduisait déjà sa rage contre l’acceptation de la fatalité.
Le soutien de ses proches, son processus de rémission, l’impact de la maladie sur sa carrière, sa vie de famille, de père même par extension… Tout y est évoqué, sans détour. À l’antenne comme en privé, il est blagueur, accessible, et la distance qu’il arrive à mettre avec les évènements est d’ailleurs désarmante. C’est aussi pour ça qu’il a souhaité incarner en quelque sorte ce rôle d’”ambassadeur” de la Ligue contre le cancer, alors que la parole des hommes sur le sujet peine encore à se manifester.
Foot Mercato : en sortant de la projection de votre documentaire, on est forcément frappé par votre faculté à vous détacher des évènements, d’ironiser sur la maladie, comment l’expliquez-vous ?
Sébastien Haller : on le voit dans le documentaire, j’en rigole beaucoup avec ma femme et ça caractérise en fait notre relation. En rigoler, ça permet de dédramatiser, surtout que l’on a trois enfants et que l’on ne voulait pas que ça rejaillisse sur eux. Le vivre de cette façon, ç’a été agréable pour tout le monde, parce que la bonne humeur est contagieuse.
FM : pourquoi cela vous tenait à cœur d’organiser cet évènement ?
SH : c’était très important pour moi parce que ça reste un passage marquant de ma vie, puis c’était l’occasion de revoir des proches que je n’avais pas vus depuis le début de ma maladie, de pouvoir échanger avec eux sur cette épreuve. En plus, le timing est parfait, je sors d’un doublé (avec le Borussia Dortmund face à Cologne (6-1), la veille de l’interview réalisée, ndlr) avant de rejoindre la sélection (rires).
Son combat contre le cancer
FM : Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer, indiquait que les prises de parole des hommes sur ce sujet se faisaient encore très rares aujourd’hui, quelle était votre volonté à travers ce documentaire ?
SH : en tant que footballeur, on a forcément de la notoriété, l’objectif c’était donc de pouvoir porter un message d’espoir, de montrer qu’on pouvait s’en sortir dans la maladie, car on peut la vaincre. Je voulais briser le tabou autour du cancer, ça me tenait à cœur. Si ça peut faire évoluer les mentalités et permettre de sensibiliser, alors c’est une bonne chose.
FM : le documentaire montre que le rôle de vos proches a été fondamental dans ce processus de rémission, quel a été celui du Borussia Dortmund, votre club ?
SH : ce n’est pas compliqué, ils ont été là du début à la fin. Qu’il s’agisse des médecins qui m’ont accompagné à l’hôpital, du directeur sportif (Michael Zorc), de mes coéquipiers, du coach Terzić avec qui j’ai beaucoup échangé, j’ai eu le soutien de tout le club. Tous les jours, on me demandait si j’avais besoin de quelque chose, on me mettait dans le confort. Si j’avais besoin d’une chambre d’hôtel pour aller dormir, je n’avais qu’à décrocher le téléphone. C’est quelque chose qui arrive tellement rarement… Ils ont tout fait pour que je me sente le mieux possible durant cette épreuve.
FM : on sent aussi que la présence du personnel médical a permis d’installer un climat de confiance.
SH : oui, déjà j’ai eu la chance d’avoir à mes côtés le médecin que l’on peut voir dans le documentaire. On va dire que c’était mon relais dans cette épreuve, il m’a accompagné, était présent pendant l’opération, j’ai pu échanger avec lui en permanence. Lorsque j’avais besoin de poser des questions sur certaines choses, il était constamment présent pour m’apporter des précisions et m’aiguiller. Ça été un guide. Le reste du personnel a aussi été exceptionnel dans la façon de s’occuper de moi.
FM : votre quotidien a drastiquement changé avec ces vagues de chimiothérapie à l’hôpital, ces deux opérations…
SH : c’est clair que quand tu arrives à l’hôpital, une petite routine se met en place, du personnel vient à tes petits soins, s’occupe de toi… Parce que tu es un malade en fait. Mais la présence du personnel fait du bien. Un petit mot peut faire la différence et te soulager mentalement. C’est super important, car c’est eux qui vont évaluer ton expérience à l’hôpital. Des mots ou des gestes rassurants, réconfortants de leur part, cela influe sur ton temps de guérison et ton temps à l’hôpital inconsciemment.
FM : compétiteur que vous êtes, vous aviez tablé sur une date de retour ?
SH : lorsque j’ai appris que j’étais malade, je voulais revenir sur les terrains dès octobre, novembre (rires), parce que je n’étais pas sûr d’avoir besoin de la deuxième opération. En fait, dans ma tête, le plan était établi : je fais 4 chimios et ciao, je rejoue c’est bon. Mais malheureusement il y a donc eu besoin de réaliser la deuxième opération et ça a contrarié un peu les plans…
2023, l’année du retour
FM : finalement, vous avez quand même réussi à participer au premier match de l’année 2023, le 13 janvier dernier, face à Augsburg en amical. C’est une énorme performance.
SH : oui, après la deuxième opération, je me suis dit : ça y’est, je reviens pour le premier match de janvier. C’est finalement ce que j’ai fait et je pense que c’est aussi le fait de s’être fixé cet objectif qui m’a permis de revenir plus vite, parce que sans objectif on n’avance pas. Après, il faut se donner les moyens de les atteindre c’est sûr, mais ça fonctionne dans tous les domaines. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Tanguy (son préparateur physique) en mettant en place un compte à rebours sur le tableau. Et ça permet d’enclencher une dynamique et une atmosphère positive.
FM : vous avez donc rejoint le groupe dès janvier, un groupe qui fonctionnait bien depuis le début de saison, quel a été le rôle des francophones comme Thomas Meunier, Thorgan Hazard ou Raphaël Guerreiro dans votre intégration ?
SH : ça m’a forcément aidé. Établir les premiers contacts dans sa langue, ça facilite, ça permet de nouer des liens avec les coéquipiers. Lorsque tu as besoin d’exprimer un ressenti, de poser des questions, ça te met dans un certain confort. Après je n’ai aucun problème à aller vers autrui, j’aime parler avec tout le monde, c’est ma personnalité. Le fait d’avoir pu voyager au cours de ma carrière y a aussi sûrement contribué (Sébastien Haller a évolué dans 4 pays différents au cours de sa carrière : la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Angleterre. Il est également international ivoirien depuis 2020).
FM : en débarquant dans le groupe, dans ce contexte, pensez-vous que cela vous a permis de créer du lien plus facilement ?
SH : oui, vraiment. Je peux témoigner du super comportement du groupe. Tu sens qu’ils étaient touchés et qu’ils te portaient sincèrement de l’attention, que ce soit par des mots, des gestes, des messages… Ça fait plaisir, parce que ça m’a permis d’apprendre à connaître certaines personnes, à créer du lien. C’est l’un des bons côtés de la maladie en fait.
FM : aviez-vous pu échanger avec des joueurs qui avaient déjà souffert de cette maladie ?
SH : oui, en Allemagne il y en a eu trois qui ont été diagnostiqués avec le même cancer, et en seulement l’espace de 4 mois (Marco Richter, Timo Baumgartl et Jean-Paul Boetius). L’un d’entre eux a d’ailleurs dû faire comme moi : 4 séances de chimios. On a énormément pu échanger par rapport à ça, on a pu se donner des conseils mutuellement, se soutenir, c’était beau. D’ailleurs j’ai joué avec quelqu’un qui avait contracté la maladie il y a quelques années de ça, je savais donc déjà à peu près à quoi m’attendre.
FM : ça vous a renforcé inconsciemment ?
SH : oui, on apprend, on réalise certaines choses, puis on se rend compte aussi qu’on a envie de mettre son énergie dans des choses qui en valent la peine. Le foot c’est ma vie, c’est une chance de pouvoir être en bonne santé, de pouvoir reprendre du plaisir sur le terrain. Ça été une prise de recul sur la vie, sur ce qu’on a vécu, sur ce qui aurait pu se passer aussi. Après ça, on apprécie un peu plus le moment présent, et on réalise que cela n’arrive pas qu’aux autres. On a envie de vivre les meilleurs moments possibles sur le terrain et avec les proches.
FM : maintenant que vous êtes revenus aux affaires, quel est l’objectif principal de cette première saison avec le Borussia Dortmund ? On pense au titre de champion d’Allemagne derrière lequel Dortmund court après depuis 11 ans…
SH : c’est clair qu’on ne va pas cracher sur ce titre parce qu’il est à portée (Dortmund est leader du championnat à 9 journées de la fin, avec un petit point d’avance sur le Bayern Munich), c’est vraiment l’objectif de tout joueur. On est en position de force, on veut le réaliser et on va tout faire pour s’en donner les moyens. J’espère que ça passera mais pour ça on va continuer le travail au quotidien. Après, comme je l’ai dit, tout ça c’est du bonus pour moi.
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