Malte, Ilyas Chouaref : « la fédération m’a appris que mon arrière-grand-père était Maltais »
C’est une histoire surprenante et originale qu’a vécu Ilyas Chouaref (24 ans). L’attaquant du FC Sion, ancien international français dans les catégories de jeune et d’origine marocaine, a finalement choisi de représenter Malte en mars dernier, pays de son arrière-grand-père maternel. Une origine que lui et sa famille ignoraient jusqu’au contact de la fédération maltaise.

Le 21 mars dernier, Ilyas Chouaref devenait officiellement international maltais. Le natif de Châteauroux, formé à la Berrichonne, d’origine marocaine, a découvert qu’il avait un ancêtre maltais grâce à la fédération. Après des mois à vérifier son passé, inconnu même pour sa famille, il s’est laissé convaincre de tenter une folle aventure en sélection. Du haut de ses 24 ans, il raconte cette folle histoire surprenante.
Foot Mercato : vous êtes français d’origine marocaine, petit frère d’Hamza Sakhi (ndlr : passé par Auxerre et international marocain) mais vous jouez désormais pour… Malte. Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir de représenter Malte ?
Ilyas Chouaref : en vrai, Malte me suivait depuis longtemps. Ils m’avaient déjà contacté. Je ne vais pas te mentir, au début, c’était non parce que j’ai mes deux parents marocains. Mais après quand j’ai vu la sélection et surtout que mon arrière-grand-père était vraiment maltais… Je me suis renseigné sur tout ça et j’ai eu des preuves comme quoi mon ancienne famille vivait sur une île, qui, au final, était bien Malte. J’ai eu la confirmation des preuves par ma famille. Donc j’ai foncé.
FM : comment la fédération amorce les premiers contacts ?
IC : je reçois un premier message en octobre du président. Au départ, je ne calcule pas, car je n’ai aucune preuve de ce qu’on m’avance. Personne ne m’a parlé de ça dans ma famille. Ce jour-là, j’étais à l’entraînement. Il m’a appelé plusieurs fois. Et donc c’est là que je me suis dit que je devais le rappeler et ensuite, il m’a évoqué le projet et ramené les preuves.
FM : vous vous êtes renseigné sur votre histoire familiale pour savoir si vous étiez légitime de jouer pour Malte ?
IC : oui, c’est ça, j’ai fait une demande et en plus, on m’a envoyé plusieurs preuves qui confirmaient que mon arrière-grand-père était maltais. Donc, je me suis dit, s’il y en avait un qui était maltais, il fallait que j’y aille.
FM : c’est là que vous avez eu le déclic ?
IC : je l’ai eu quand ils ont confirmé mes origines. C’est là que j’ai demandé à ma mère, ma famille.
«C’est le nom de ma mère Chouaref. Et au final, le nom de famille de mon arrière-grand-père c’était Xuereb»
FM : mais comment la fédération était au courant de ce lien entre vous et Malte ?
IC : eux, ils savaient bien avant, je ne sais pas comment. Et quand ils ont vu que je m’intéressais un peu plus à mon histoire d’avant, à mon arrière-grand-père, ils sont revenus à la charge en me montrant des preuves.
FM : c’était important pour vous d’avoir ce sentiment d’appartenance avant de choisir la sélection ?
IC : bien sûr ! En vrai, toute ma famille est marocaine ou algérienne. Je ne sais pas comment te l’expliquer, mais j’ai fait ce choix en me disant que je représenterais toujours ma famille en soit, à travers mon arrière-grand-père. Même si je suis marocain, ma famille d’avant était donc maltaise. Ce n’était pas un choix juste pour me dire que j’allais jouer pour une sélection.
FM : vous avez consulté des membres de votre famille ou des proches avant de prendre cette décision ?
IC : quand j’ai eu les premiers contacts, j’en ai parlé rapidement à ma famille, mais pas beaucoup. C’est seulement quand ils m’ont envoyé les preuves que j’en ai vraiment parlé à ma famille. J’ai eu besoin qu’on réponde à mes questions. J’avais beaucoup d’interrogations. Ils ont découvert la vérité aussi et ils m’ont dit de foncer.
FM : votre famille n’était même pas au courant de ce lien avec Malte ?
IC : non, ils n’étaient pas du tout au courant. En fait, il n’y avait que mon oncle qui connaissait ce lien avec Malte. Mais il ne m’en avait jamais parlé. Et ma mère l’a su ensuite grâce à ça. On m’a montré des documents de mes ancêtres qui vivaient sur une île. Une île qui s’avérait être Malte. Les dates de naissance concordaient entre celles sur les papiers maltais et celles qu’on connaissait. Même mon grand-père, avant de mourir il y a peu, m’avait expliqué que son père vivait sur une île et sa sœur aussi. Quand on a appris cette information, toute ma famille est partie demander des réponses à mes grands-parents.
FM : au final, vous avez même découvert que votre nom de famille était dérivé du maltais…
IC : c’est ça. C’est le nom de ma mère Chouaref. Et au final, le nom de famille de mon arrière-grand-père c’était Xuereb. C’est devenu avec le temps Chouaref. Ça a changé. C’est ce qu’ils m’ont dit, qu’avec le temps, ça avait dérivé.
FM : vous n’aviez pas la crainte de connaître un choc des cultures là-bas ?
IC : je ne te mens pas, j’avais cette appréhension oui. Quand je suis arrivé là-bas, je me suis dit que ça allait être dur, qu’on allait me voir comme un faux maltais. Mais pas du tout au final. C’est comme une famille, ils m’ont pris sous leur aile. Ils ne m’ont pas mis dans une catégorie à part. Ils sont là avec toi et te disent "tu as choisi Malte donc tu es Maltais maintenant". Je n’ai pas ressenti de choses bizarres.
FM : vous avez forcément ressenti une émotion particulière en portant le maillot maltais pour la première fois ?
IC : ça m’a choqué. Je n’avais jamais imaginé ça. Quand j’ai porté le maillot, je me suis dit dans ma tête "ça y est là, tu es vraiment Maltais". Maintenant, je kiffe le pays. Je me renseigne sur le pays. Je me reconnecte. Je me renseigne sur l’histoire du pays, sur la ville de mon arrière-grand-père. J’ai appris qu’il venait de la ville de Gozo, une petite île de Malte. Je vois même que leur langue ressemble beaucoup à l’arabe d’ailleurs. Il y a des mots qui viennent de l’arabe.
FM : au moment de jouer pour Malte, est-ce que vous vous êtes dit que ce choix mettait un terme à votre rêve de jouer pour le Maroc, votre pays d’origine, celui dont vous rêviez…?
IC : je ne vais pas dire que ça m’a piqué, mais avant, je n’attendais que cette sélection avec le Maroc. Mais après quand Malte arrive, je me suis dit, à 24 ans, le Maroc ne m’a pas appelé, il y a des joueurs plus jeunes qui jouent déjà en sélection, donc en vrai, je me suis dit, allez, je suis bien avec Malte. Mais le Maroc, ça reste mon pays, mon bled, ça ne changera jamais.
FM : Aviez-vous peur du regard des autres, notamment des supporters marocains ou maltais en prenant cette décision ?
IC : non mais je m’attendais à ça. Je me disais que quand j’allais arriver à Malte, on allait me dire que je ne suis pas légitime. Mais pas du tout. On m’a intégré à la famille, on m’envoie des messages positifs. J’ai aussi eu des retours de supporters marocains qui me demandaient pourquoi je n’avais pas choisi le Maroc. Mais ils ne comprennent pas. En soi, je n’ai jamais été appelé et on n’a jamais parlé de moi donc bon… Pourtant, j’avais des contacts et on m’avait dit que j’allais être dans la pré-liste au moins. J’attendais et quand j’ai vu que je n’étais pas dedans, j’ai abandonné. Offensivement, c’est très dur, il y a du talent et de la concurrence. Et je joue en Suisse. Donc je comprends en vrai.
FM : y a-t-il eu des discussions avec d’autres joueurs ayant fait un choix similaire ?
IC : j’ai discuté avec Teddy Teuma. Quand je suis arrivé là-bas, il m’a directement mis bien. Il est à peu près comme moi sur son histoire. On a fait un peu près le même choix, il m’a expliqué que ça allait m’ouvrir des portes, qu’ici personne n’allait me juger et qu’on allait m’aimer.
FM : comment vous jugez sportivement Malte, nation classée 168e au classement FIFA ?
IC : au début, je ne te cache pas que je me suis dit que ce serait un peu galère. Je me disais "ce n’est pas des joueurs de fou". Et puis après j’ai vu Teddy, et les autres joueurs à l’entraînement et ça jouait clairement au football. Même aux matches, on m’a dit que l’équipe jouait bien mieux avec moi et l’autre recrue James Lee Carragher (ndlr : fils de la légende de Liverpool Jamie Carragher qui vient d’opter pour Malte). Je pense qu’on peut devenir une bonne petite sélection dans les prochaines années et remonter au classement FIFA.
FM : comment envisagez-vous votre rôle au sein de l’équipe nationale maltaise maintenant ?
IC : j’ai découvert l’équipe en mars dernier et je sens que je suis important pour eux. Je m’entends très bien avec eux même si l’anglais, c’est dur pour moi (rires). Il y a une vraie cohésion dans le groupe, je n’avais jamais goûté à ça et j’aime beaucoup en vrai.
FM : quels sont vos objectifs avec Malte justement ?
IC : on a commencé les qualifications au Mondial par deux défaites. J’ai espoir et j’étais dégouté de nos défaites. Mais je sens qu’avec cette équipe, on peut faire quelque chose. On n’a pas un groupe chaud à part la Pologne et les Pays-Bas. On peut terminer meilleur 3e et on peut dominer les autres équipes. Après au niveau personnel, c’est vraiment enrichissant. Quand on affronte la Pologne et que je vois Lewandowksi entrer, je me dis "ah ouais quand même, c’est un autre niveau, un autre monde". Je suis content de jouer contre ce genre de joueurs, ça m’aide à progresser.
FM : en club avec le FC Sion, vous sortez d’un match très frustrant où vous ouvrez le score avec votre 7e but de la saison et vous perdez en encaissant un but à la dernière seconde…
IC : on gagnait 1-0 jusqu’à la 80e et après tout bascule. On perd à la fin du match en étant à 10. Donc c’est plus difficile pour nous de tenir le résultat. Mais c’est un peu à l’image du FC Sion cette saison. On n’est pas assez agressif, pas assez dans le match sur certaines rencontres. Sur d’autres, on est vraiment à fond et on sent qu’on peut faire vite la différence.
FM : à titre personnel, comment vous ressentez cette saison ?
IC : j’ai fait une très bonne première partie de saison, j’ai marqué 6 buts. Après, en 2025, les deux premiers mois, c’était un peu plus difficile. Mais j’ai toujours bossé, j’ai cru en moi et le club aussi. Je me suis toujours dit qu’il fallait que je rende la confiance placée en moi, que je me réveille et marque des buts.
FM : comment vous expliquez cette mauvaise passe ?
IC : je pense que c’est une phase de transition. J’étais plus un numéro 10 où un joueur de côté avant. Mais j’ai changé de poste depuis peu, je joue numéro 9, donc j’ai dû beaucoup travailler. Puis en sélection, je suis retourné à gauche, car ils me préfèrent à ce poste. Ce sont des postes différents. En 9, il faut garder les ballons. Quand tu as le ballon, tu dois finir l’action. Tu auras peut-être un seul ballon devant le but dans le match et c’est là qu’il faut faire mal. Tu touches moins de ballons donc tu es frustré. Mais quand tu as le ballon, tu dois vite agir. J’aime bien être polyvalent et si on me met à ce poste, c’est qu’on sait que je peux faire des différences.
FM : vous êtes à Sion depuis 2022, la prochaine étape, c’est quoi ?
IC : pour l’instant, je suis ici et je ne pense à rien d’autre. Je veux tout faire pour que le club se maintienne et chercher cette 6e place si on peut. Après, à la fin de saison, on en reparlera. Mon rêve c’est évidemment de signer dans un grand club. On rêve tous du Real Madrid mais bon (rires). Je crois en moi et je me dis qu’un jour je jouerai là-bas. Mais si on parle d’un championnat, je te dirai que la Bundesliga ça fait rêver, ça colle à mon jeu et je me verrai là-bas.
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