Ghana, Alexander Djiku : «Cristiano Ronaldo n'est pas fini»
À 28 ans, Alexander Djiku vit un rêve de gosse en participant à sa première Coupe du Monde. Une belle récompense pour cet acharné de travail qui veut porter haut les couleurs du Ghana et de l'Afrique. L'occasion aussi pour lui de grandir en tant que footballeur et homme. Avant la rencontre face à la Corée du Sud, le défenseur de Strasbourg se confie pour Foot Mercato sur son Mondial, ses ambitions collectives et personnelles ainsi que sa fierté de représenter son pays dans la plus grande des compétitions. Entretien.
Foot Mercato : après avoir découvert la Coupe d'Afrique des Nations en janvier dernier, vous disputez actuellement votre première Coupe du Monde. J'imagine qu'il y a beaucoup de fierté. Quels sont vos sentiments ?
Alexander Djiku : c’est le rêve ultime quand on est footballeur je crois. La fierté immense comme vous pouvez l’imaginer ! Jouer devant le monde entier qui vous regarde sous les couleurs de votre pays, c’est juste fantastique. On fait ce métier pour vivre ce genre d’émotions, je m’en souviendrais pour toujours ! Mon père (ghanéen) et toute ma famille sont très fiers aussi j’imagine...
FM : avec le recul, comment analysez-vous la défaite face au Portugal jeudi soir lors de la première journée (3-2) ?
A.D : c’est une défaite amère parce que nous avons réussi à bien les contenir avec un bloc compact lors des cinquante premières minutes. Ils ne se sont pas créés beaucoup d’occasions jusqu’à l’ouverture du score de Cristiano Ronaldo. Forcément, ce penalty est très difficile à encaisser car selon moi ça ne doit pas se siffler. Mais on a quand même le courage et le mental pour revenir au score. À 15 minutes de la fin, on les tenait bien. On a réussi à être costauds et les bouger derrière également. Après, le Portugal reste tout de même une immense nation du football, avec une expérience beaucoup plus importante que la nôtre. Mais on a montré que notre groupe pouvait rivaliser. À nous de battre la Corée du Sud désormais pour espérer continuer dans ce Mondial.
FM : vous avez dû museler CR7, comment vous êtes-vous senti face à lui ? On dit aussi qu’il n’est plus aussi bon, en l’ayant face à vous, quel est votre regard sur lui ?
A.D : Cristiano Ronaldo n'est pas fini. Je peux vous assurer qu’il est toujours aussi affûté, qu’il est très intelligent, qu’il attire les ballons et qu’il connaît très bien son corps. Ce n'est jamais simple d’être au marquage d’un tel joueur parce qu’il joue aussi de sa malice, de son expérience (comme sur le penalty). Mais ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas ressenti de pression particulière à l’idée d’être dans son dos et de le marquer. En France, on a du solide aussi. Quand vous devez être au marquage de Kylian Mbappé, Lionel Messi, Wissam Ben Yedder etc...
FM : le Qatar est au centre des critiques depuis plusieurs semaines voire mêmes plusieurs mois et années. En tant que joueur et acteur de ce tournoi, racontez-nous votre Mondial et votre perception du pays et de la compétition ?
A.D : on a été très bien accueillis. On est dans notre bulle et les infrastructures sont excellentes ici. Le temps est bon, les gens sont vraiment chaleureux. On a la chance d’avoir un staff aux petits soins avec nous et on a la chance d’avoir nos supporters qui sont présents à Doha. On sent que tout a été préparé pour accueillir au mieux chaque pays.
Djiku vit un rêve éveillé
FM : demain à 14 heures, vous allez affronter la Corée du Sud. Que pensez vous de cette équipe et de sa star Heung-min Son ?
A.D : c'est une équipe qui est très solide, surtout difficile à manœuvrer. On a vu que l’Uruguay n’a pas cadré un seul tir face aux Sud-coréens, ce n’est pas un hasard. On savait ce groupe difficile, on est servi mais pas surpris. Son ? C’est ce genre de joueur capable de bousculer le destin d’une rencontre à lui tout seul, comme il le fait souvent avec Tottenham. C’est de la trempe des grands du football en Europe. Il faudra le surveiller comme les autres d’ailleurs car le danger est avant tout collectif avec la Corée du Sud je pense. Ils savent jouer au ballon, techniquement c’est bon et ils ne lâchent rien. On sait à quoi s’attendre. C'est un nouveau combat.
FM : dans quel état d esprit abordez-vous ce match avec votre équipe ? Vous vous dites que vous n'avez pas le droit à l'erreur...
A.D : si on veut continuer à rêver, on n'a pas trop le choix. Il faut gagner. On récupère bien de notre premier match. On va bien analyser les erreurs mais aussi appuyer sur nos qualités. On doit peut être plus se lâcher car on est capable de faire mal et d'être tranchant. On l’a déjà montré. On a des garçons avec beaucoup de talents qui jouent pour beaucoup un premier Mondial, mais je crois que la pression est désormais derrière nous. Il va falloir lâcher les chevaux. Être plus tranchant des l’entame et ne pas subir autant que contre le Portugal tout en gardant malgré tout une assise défensive. On va le faire pour notre pays, nos supporters.
FM : ensuite, vous aurez d’autres sacrés clients avec l’Uruguay de Luis Suarez, Darwin Nuñez et Edinson Cavani. Qu’en pensez-vous ?
A.D : chaque chose en son temps ! (rires) Mais c’est vrai que l’Uruguay sera aussi un sacré client. Eux aussi ont une certaine pression face au Portugal, ils se doivent de l’emporter pour espérer comme nous et la Corée du Sud. Cavani, Nuñez, Suarez etc .. ça respire la grinta, le combat, la malice parfois, mais surtout le talent. On l’a vu lors du Mondial 2018, la France avait eu du mal à déverrouiller leur bloc. On va se concentrer avant tout sur la Corée du Sud avant, je l’espère, de disputer un match décisif contre les Uruguayens.
Le défenseur progresse face aux meilleurs joueurs du monde
FM : le Mondial est aussi une compétition qui vous permet de progresser en tant que footballeur. Qu’avez-vous déjà appris ?
A.D : évidemment, on est confronté aux meilleurs joueurs de chaque pays. Des joueurs qui donnent tout le temps d’une compétition, donc on progresse techniquement, psychologiquement aussi, avec la gestion des émotions notamment. On progresse parce qu’on doit faire preuve de rigueur. On fait face à des joueurs surmotivés. On se doit d’être le plus juste possible donc cette “pression positive” de bien faire les choses fait forcément progresser tous les joueurs.
FM : c’est également une formidable opportunité de se montrer aux yeux du monde et des clubs par rapport au mercato. Est-ce qu'on y pense ?
A.D : je ne sais pas, je n’y pense pas automatiquement. Je suis focus sur le rendement avec les Blackstars, sur notre envie de tout donner et de n’avoir aucun regret sur cette Coupe du Monde. Maintenant, on sait que le monde entier nous regarde et que parfois, c’est l’occasion de se montrer pour avancer dans sa carrière. Peut-être que certains y pensent. Moi, pas trop.
FM : est-ce étrange de disputer ce tournoi à cette période de la saison ? N’appréhendiez-vous pas le retour en championnat de France après l'euphorie qatarie ?
A.D : cette coupure est un peu spéciale. Mais nous sommes des professionnels. On est préparé pour enchaîner, pour passer d’une compétition à l’autre. C’est ce qu’on fait tout au long de la saison avec les trêves internationales. Maintenant, je pense que le retour en club ne m’inquiète pas plus que ça, surtout que nous devons retrouver de la confiance avec Strasbourg et prendre vite des points pour sortir de cette zone inconfortable. Dans les deux cas, Ghana ou Strasbourg, je ne compte pas. Je donnerais tout, jusqu’au bout.
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