Luka Elsner : «ma préférence aujourd’hui serait forcément de rester en France»

Sans club depuis la fin septembre et son départ d'Amiens, avec qui il était redescendu en Ligue 2 après l'arrêt prématuré du championnat, Luka Elsner n'est pas du genre à se reposer. En attendant avec impatience de retrouver un banc de touche, l'entraîneur slovène de 38 ans continue de manger, boire et vivre football. Sur la route pour commenter une rencontre de Ligue Europa avec la chaîne Téléfoot, il a bien voulu nous raconter son quotidien fait de cours d'allemand, de réflexions sur ses axes de progression et bien sûr de matchs.

Par Maxime Barbaud
9 min.
Luka Elsner est à la recherche d'un nouveau club @Maxppp

Foot Mercato : comment allez-vous depuis la fin de votre aventure à Amiens fin septembre ?

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Luka Elsner : ça va, j’ai essayé de vite basculer sur d’autres projets de développement personnel que je n’avais pas eu le temps de faire ces dernières années. Je me suis remis à l’allemand, que j’avais oublié depuis une dizaine d’années. Je me suis engagé dans un cours d’une quarantaine d’heures. J’ai bossé sur une thématique football où je pensais avoir des carences et m’améliorer avec notamment quelques grands entraîneurs que j’ai eu au téléphone pour essayer de m’aiguiller. J’ai regardé beaucoup de matchs d’équipes que je souhaitais voir. Quand on est 24h sur 24 à bosser dans un club, ce temps est restreint. Ça m’a permis de m’ouvrir sur d’autres éléments. Il y a une partie en connexion avec des projets éventuels qui pourront aboutir. Je suis occupé.

FM : nous allions vous demander comment un entraîneur au chômage occupait son temps mais vous avez de nombreux projets...

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LE : oui, je pense que c’est essentiel. Il y a des moments dans une carrière où je pense qu’on a besoin de souffler, de ne pas trop penser au foot. J’imagine qu’après avoir passé 3 ou 4 ans dans un club, dans une machine à laver, on a besoin de sortir et de se reposer 5 ou 6 mois. Là, ce n’est pas du tout mon cas. Dès la sortie du projet amiénois, j’aurais eu beaucoup de plaisir à retourner sur un terrain, reprendre un projet. C’est pour ça que, très rapidement, je me suis mis à chercher ces domaines dans lesquels je voulais m’engager et investir du temps.

FM : vous parliez de carences, dans quels domaines travaillez-vous ?

LE : les domaines dans lesquels je pensais pouvoir progresser, c’est la préparation des grands matchs, c’est-à-dire à enjeux importants comme des finales de coupe, des moments clés dans la saison, des derbys, ce qui englobe le contexte d'un «grand match». Dans ce domaine, je pense avoir la nécessité et le besoin de progresser.

FM : cela passe par quel genre de méthodes et d’exercices ?

LE : d’abord, c’est évoquer cet élément avec des gens qui y ont souvent été confrontés. Ça vient d’entraîneurs qui sont un peu plus âgés et avec du vécu derrière eux. Ça leur permet de formuler correctement les différents éléments à entrevoir. Ça passe aussi par aller vers d’autres domaines qui ne sont pas directement liés au football. Ça peut aller vers le sportif ou le domaine de l’entreprise. Ce sont des recherches plus élargies pour trouver des réponses. Comme dans beaucoup de domaines dans le sport, je pense qu’il y a beaucoup de choses qui se recoupent dans la vie. C’est peut-être d’ailleurs plus une question d’attitude que de tactique. C’est ce que je voulais rechercher. Qu’est-ce qui dans l’attitude et dans la préparation permettent d’aboutir à une bonne performance. Pas forcément un bon résultat, mais une bonne performance.

«Amiens, je n’ai pas du tout regardé au début»

FM : ce sont des domaines davantage liés au management des joueurs et de l'aspect mental des choses...

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LE : exactement. C’est quelle approche à avoir dans la semaine ? Qu’est ce qu'il ne faut pas faire ? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? Comment se comporter vis-à-vis des joueurs et de l’environnement ? Comment désinhiber la rencontre ? Il y a plein de questions à se poser autour de ça et des réponses à y apporter. C’est une certitude que la performance n’a pas toujours été au rendez-vous dans ces matchs quand j’étais à la tête d’une équipe. Ça a pu l’être quand on tenait un rôle d’outsider. On l’a vu avec Lyon (2-2, puis 0-0), Marseille (3-1, 2-2), avec Monaco à la maison (1-2), même si le résultat n’était pas là. Et puis des matches à enjeux avec Metz (2-1, 0-1) et Toulouse (0-2, 0-0) où j’ai senti que les joueurs, au bout de 10 ou 15 minutes, n’étaient pas en confiance et relâchés. C’est quelque chose que j’ai voulu rechercher.

FM : vous regardez les matchs de quels clubs en ce moment ?

LE : je regarde énormément les équipes allemandes : Mönchengladbach, Leipzig et le Bayern. Des équipes qui ont une dynamique et une intensité très importante. C’est quelque chose qui m’a intéressé. J’ai jeté un coup d’œil à Sassuolo parce que j’ai trouvé que la maîtrise du jeu de possession et de zone était excellente. Pour se tenir au courant de tout ce qu’il se passe, les équipes françaises. C’est un championnat qui me plaît, parce que je suis ici, pour avoir un vrai avis et connaître en profondeur les éléments de la Ligue 1 et de la Ligue 2.

FM : vous regardez Amiens ?

LE : pas plus que les autres équipes. Je n’ai pas du tout regardé au début. Je n’en avais pas envie du tout et maintenant, je regarde comme toutes les autres équipes.

FM : qu'est-ce que vous retenez dans toutes les équipes qui vous venez de citer ?

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LE : j’essaye de prendre un maximum d’informations sur les phases de jeu différentes auxquelles on peut être confronté et c’est vrai qu’aujourd’hui, il y a une vraie modernité dans l’approche « allemande » et cette efficacité du jeu de transition. J’ai lu récemment une interview avec Paulo Fonseca, l’entraineur de l’AS Rome, qui se disait être un énorme fan du jeu de position, d’avoir la maîtrise du ballon, un fort niveau de possession et qui a dû s’adapter à Rome. Il travaillait sur sa capacité à répondre aux besoins du jeu de transition parce que finalement, les données du jeu du championnat italien et ses caractéristiques le demandaient. J’ai trouvé ça intéressant, ou comment un entraineur a besoin et doit s’adapter au contexte dans lequel il est. Il expliquait qu’en Italie, quand tu perds le ballon, si tu ne réagis pas correctement dans les 5, 6, 7 secondes qui suivent et que tu n’utilises pas l’espace, les équipes en face travaillent tellement bien défensivement que ça devient vite compliqué, même avec un bon jeu de position, de se créer des situations. C’est de là que partent mes recherches diverses.

«Tout ce que je regarde, ça a vocation à terme d’entrer dans mon processus d’entraînement»

FM : comment parvenez-vous à traiter toutes ces informations ?

LE : ce n’est pas du tout un regard juste par plaisir. C’est essayer de récupérer des éléments que l’on pourrait utiliser. C’est ressortir des éléments factuels du jeu et le développer dans le processus d’entraînement. Finalement, c’est dans ça que réside notre capacité à influencer sur le jeu. C’est qu’est-ce qu’on va répéter à l’entraînement pour influencer le jeu ? Tout ce que je regarde, ça a vocation à terme d’entrer dans mon processus d’entraînement. C’est sous cet œil-là que je le regarde.

FM : vous avez une lecture proactive du jeu ?

LE : ce n’est pas forcément très structuré mais quand je vois quelque chose, ça peut être très anodin mais ça va me sauter aux yeux et me permettre de faire une connexion avec autre chose. « Ah, ça, je vais pouvoir l’utiliser.» Parfois, je retiens des séquences qui vont être simplement des exemples à montrer, puis parfois ça va un peu plus loin. Il y a un exercice ou un principe d’entraînement qui va se matérialiser et qui va permettre d’être plus efficace. J’essaye de rechercher ça : qu’est-ce qui rend une action efficace ? Quels sont les principes qui vont rendre une action efficace ? Un centre, une passe une profondeur, un jeu entre les lignes… Quels sont les éléments à transmettre aux joueurs pour rendre cette action efficace ? C’est sous cet angle là que j’essaye de le voir.

«Tu te dis que tu as très envie de te lever à 7h du matin pour aller bosser»

FM : à vous entendre, le terrain semble vous manquer…

LE : ah oui ! Je pense que c’est comme toute passion. J’ai la chance d’en avoir fait mon métier. Il y a une forme d’obsession avec ce sujet-là. Dès qu’il y a un manque, qu’on est plus en contact… J’ai un énorme manque à ce niveau-là. Je souhaiterais refaire mon métier et être au contact des joueurs et de la pelouse le plus vite possible, revenir dans le processus d’entraînement le plus vite possible. Maintenant, ce sont les obligations et les aléas du métier. C’est d’ailleurs dans cette période-là qu’on s'en rend le plus compte. C’est ce domaine-là qui est pour nous le plus important, qu’on n'a pas raté finalement notre vocation. Quand tu es à l’extérieur de ça et que ça provoque un manque important, tu sais que tu ne t’es pas trop trompé dans ta trajectoire. Tu te dis que tu as très envie de te lever à 7h du matin pour aller bosser.

FM : alors venons en fait, avez-vous eu des contacts depuis votre départ d’Amiens ?

LE : j'ai eu différentes discussions qui n’ont pas abouti au final, qui sont des discussions sur du moyen terme, notamment des possibilités en fin de saison mais aujourd’hui pas sur du court terme. Les clubs peuvent se préparer à une échéance qui peut advenir dans le futur. C’est comme les clubs qui se préparent et font des recherches pendant plusieurs mois sur les différents joueurs qu’ils seraient amenés à transférer. Les bons clubs travaillent aussi de cette manière-là sur la recherche d’entraîneurs.

FM : ce sont des contacts que vous avez eus en France ?

LE : non, à l’étranger.

FM : vous regardez de nombreux matchs en France et à l’étranger, vous travaillez votre allemand mais quelle est votre priorité ?

LE : ma préférence aujourd’hui serait forcément de rester en France. J’ai décidé d’y revenir quand l’opportunité s’est présentée, même si cette décision était facile à prendre. La France et les pays francophones sont une préférence. Maintenant, j’essaye de m’ouvrir à un maximum de marchés. La situation et le contexte financier des clubs et le marché footballistique en général incitent à avoir une ouverture d’esprit et une humilité importantes. J’essaye de rester attentif et de me préparer à toutes éventualités même si dans mon schéma mental, je ne suis pas en position de me dire : «je n’accepte que le top du top». Il faudra accepter de faire un pas en arrière ou accepter un autre type de défi pour remonter la pente. Je serais bête de fermer la porte. Tout doit être mis sur la table et discuter, et de la manière dont moi je peux m’intégrer dans ce projet.

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