Comment le Maroc a développé son football féminin ?

Par Anas Bakhkhar
5 min.
Ghizlane Chebbak, Reynald Pedros et Rosella Ayane @Maxppp

Les Lionnes de l’Atlas vont débuter ce lundi matin la première Coupe du monde de leur histoire en Australie et Nouvelle-Zélande. Une qualification qui vient récompenser un travail de taille de la fédération marocaine pour promouvoir le football féminin.

Ce lundi matin, l’équipe nationale féminine du Maroc va faire son entrée en lice dans la Coupe du monde 2023, organisée en Australie et Nouvelle-Zélande. Il s’agit de la toute première participation en Mondial des Lionnes de l’Atlas dans toute leur histoire, depuis son existence au début des années 1990. Et si le Maroc n’est pas une petite nation du football africain, que ce soit grâce à son championnat ou à sa sélection, le ballon rond féminin ne connaissait pas la même réussite à l’échelle continentale, jusqu’à l’arrivée du président en place Faouzi Lekjaa, et ce dans la continuité de transformer le Royaume chérifien en une place incontournable du sport le plus populaire du monde.

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Depuis quelques années, la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) s’est lancée dans un nouveau projet : mettre en valeur la place de la femme dans le paysage sportif marocain. En effet, la haute instance du football national a montré sa volonté de développer ce secteur et n’a pas lésiné pas sur les moyens, loin de là. Pour débuter ce chantier, un plan de professionnalisation, annoncé en 2019, a été lancé à la mi-2020 pour non seulement développer les performances des clubs marocains dans les compétitions extra-nationales par un travail de fond, de la formation aux infrastructures proposées pour augmenter le nombre de licenciées au pays et faire grandir un réservoir prometteur.

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Un «Plan Marshall» du football féminin

Pour débuter ce projet d’envergure, le doigt est d’abord mis sur l’économie. Tel un plan Marshall, qui avait aidé à reconstruire l’Europe après les dégâts de la Seconde Guerre Mondiale, la FRMF a grandement investi pour répondre à ses ambitions dans ce Plan de développement du football féminin au Maroc 2020-2024 : le budget annuel réservé est multiplié par six (d’un à 6 M€, soit 60 millions de dirhams), une subvention est allouée annuellement pour moderniser les matériels et fondations à chaque club (jusqu’à la troisième division), qui devra remplir des objectifs afin de déployer la pratique du football - notamment posséder au minimum une équipe sénior, U17 et U15 pour les équipes régionales.

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En plus des 10.000 cadres techniques au sein des clubs d’ici 2024, la Ligue National de Football Féminin réorganise également ses championnats. La première division sera d’abord composée de 14 équipes, tandis que la seconde sera divisée en deux groupes (Divisions Nord et Sud) de 16 équipes chacune. Pour ces deux échelons, les joueuses pourront signer un contrat professionnel à salaire mensuel minimal : 3.500 MAD (soit 322€) pour la D1 et 2.600 MAD (environ 239€) pour la D2. Si ces chiffres paraissent dérisoires pour des athlètes, il suffit de les comparer au SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti), estimé en janvier 2023 à 276€ mensuels (aux alentours de 2.970 MAD). La FRMF confirme donc sa volonté de garantir un salaire décent pour débuter sa politique.

Créer un cercle vertueux

Ce programme, prévu sur quatre années, a donc pour but de créer une politique économique saine : «je pense que c’est aussi le rôle de notre fédération de faire la promotion de ce sport auprès des sponsors, a déclaré Omar Khyari, conseiller auprès de Faouzi Lekjaa pour le football féminin, au lancement du Plan. Aujourd’hui, le football masculin s’en sort bien, en termes financiers au Maroc, malgré la crise du coronavirus. la Fédération est dans son rôle de faire de la promotion et de la recherche de subventions pour ce sport. Et nous pensons que cela va avoir un effet domino. Petit à petit, plus de femmes pratiqueront ce sport, il y aura plus d’intérêt pour ce sport, donc plus de sponsor, et nous allons ainsi créer un cercle vertueux.»

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La FRMF ne voulait pas s’arrêter là, loin de là. Il fallait également dégoter de cadres techniques d’expérience afin d’encadrer les sélections nationales. À commencer par l’arrivée d’un homme, Reynald Pedros, à la tête des Lionnes de l’Atlas. Un grand coup pour la Fédération, qui s’offre les services d’un entraîneur connaisseur du football féminin, après avoir su maintenir l’Olympique Lyonnais au plus haut niveau européen. Mission plus que réussie avec deux sacres finaux dans le Championnat de France et surtout, deux Ligues des champions en deux saisons, suffisantes pour le hisser parmi les meilleurs techniciens du ballon féminin. Un élément de taille pour une sélection qui n’avait jamais joué un Mondial et donc la dernière CAN remontait à… 2000 !

Des résultats plus que positifs

Après ces nombreux investissements dans le matériel et l’humain, le Maroc souhaitait également faire profiter de ses grandes infrastructures pour accueillir des événements d’envergure. Chose réussie avec l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2022 à domicile. Et comme un petit avant-goût de l’épopée des hommes de Walid Regragui à la Coupe du Monde 2022 au Qatar (le Maroc était devenu la première sélection masculine arabe et africaine à jouer une demi-finale de Mondial), les Lionnes de l’Atlas - renforcées par de nouvelles binationales, poussés par un public répondant présent, a su créer la surprise en éliminant le Nigeria (10 participations en CdM, 11 CAN en 14 éditions) dans le dernier carré avant de perdre malencontreusement face à l’Afrique du sud en finale, pour son premier trophée continental.

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Cette déception ne fera pas oublier aux centaines de milliers de supporters présents au stade, et aux millions depuis leurs écrans, les émotions procurées par les joueuses de Reynald Pedros, et en prime une qualification en Coupe du Monde, une première pour une sélection arabe. La 72e sélection au classement FIFA aura l’occasion de se frotter aux meilleures équipes, dont l’Allemagne, qu’elle affrontera pour son premier match de poules avant la Corée du Sud et le Panama. On peut ajouter à ces avancées les présences d’arbitres marocaines dans le Mondial océanien, dont l’officielle Bouchra Karboubi, devenue la première femme à diriger une rencontre professionnelle de football masculin. Des réussites qui vont encourager la FRMF à faire briller encore la femme dans le paysage footballistique marocain…

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