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Guy Lacombe, champion olympique 1984 : « 40 ans après nous, il faut que ces Bleus prennent le relais »

Par Jordan Pardon
9 min.
Guy Lacombe avec Monaco @Maxppp

40 ans après l’unique sacre de l’équipe de France de football aux Jeux Olympiques, Guy Lacombe croit aux chances de victoire des Bleuets de Thierry Henry ,demain, contre l’Espagne (18h00). Pour l’occasion, le président de la FFF, Philippe Diallo, l’a convié avec les autres héros de 1984.

40 ans après l’unique sacre de l’équipe de France de football aux Jeux Olympiques, le clin d’œil serait sympa. «Il faut que quelqu’un prenne la relève », rigole l’ancien entraîneur du PSG et de Monaco, Guy Lacombe, titré en 1984 aux côtés de Daniel Xuereb, François Brisson ou encore Patrice Garande.

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Demain, «Moustache» répondra à l’appel du Parc des Princes, où les hommes de Thierry Henry défieront l’Espagne en finale du tournoi. Invité aux côtés des autres héros de 1984 par le président de la FFF, Philippe Diallo, l’Aveyronnais croit plus que jamais en une nouvelle médaille d’or pour la France.

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Foot Mercato : qu’avez-vous pensé de cette équipe de France olympique depuis le début du tournoi ?

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Guy Lacombe : c’est une équipe solide défensivement, elle n’a pris qu’un but : en demi-finale face à l’Egypte (3-1 a.p)… Et en plus, avec un gardien toulousain, Guillaume Restes (sourire), qui est hermétique. Même si elle a souvent été dominée dans le jeu, elle a des arguments offensifs que n’ont pas les autres équipes que j’ai vues jusqu’ici.

«Si Olise a été acheté aussi cher par le Bayern Munich, c’est pour une bonne raison»

FM : un joueur vous a particulièrement marqué chez les Bleuets?

GL : Lacazette, Olise… Il y a Mateta, aussi, qui jouait justement à Crystal Palace avec Olise. La complémentarité entre les deux fait du bien, et c’est certainement quelque chose que Thierry Henry avait coché. Je pense qu’on est tous d’accord pour dire que si Olise a été acheté aussi cher par le Bayern Munich, c’est pour une bonne raison (sourire). Le tournoi le confirme, c’est le joueur différent, qui apporte un plus, que ce soit dans la passe décisive ou le but. Lacazette est excellent aussi, il a été décisif contre les Etats-Unis, et on voit bien que c’est le leader qui fédère. Bravo à Thierry Henry, qui a réalisé la même chose qu’Henri Michel en 1984 en bâtissant une vraie équipe, avec une vraie unité.

FM : un sacre olympique, ça peut aussi ouvrir des portes vers l’équipe de France A pour certains joueurs…

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GL : absolument, et c’était déjà le cas à notre époque lorsqu’on a gagné. Moi, j’avais 29 ans, j’étais l’un des plus âgés, donc je n’y ai pas goûté, mais plusieurs coéquipiers ont emprunté la passerelle vers l’équipe de France A.

FM : voyez-vous des ressemblances entre cette équipe de France et la vôtre, 40 ans plus tôt ?

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GL : je ne vois pas de François Brisson, de Xuxu (Daniel Xuereb), mais je vois des joueurs de grand talent. Défensivement, on était solide comme eux, mais on était peut-être supérieur à la récupération du ballon collective, c’est ce qui manque un peu. Après, il y a une telle qualité individuelle… Et Thierry Henry propose des choses cohérentes pour permettre à son équipe de se retrouver dans des conditions favorables, comme Henri Michel avec nous. On l’a vu contre l’Egypte en remettant Olise à droite, et Akliouche à gauche. Cette équipe a des qualités à faire valoir, même contre cette Espagne qui proposera un jeu qu’on connaît. Mais je pense qu’elle est capable de gagner.

FM : une équipe solide défensivement, c’est ce qui caractérise souvent nos équipes de France actuellement, à l’image de celle de Deschamps…

GL : oui, la grosse ressemblance avec l’équipe de Deschamps, c’est sur le plan défensif. Elle a deux axiaux solides, forts dans le domaine aérien, et aussi un latéral droit, Sidillia, plus défensif que le latéral gauche, Truffert, un peu à l’image de ce qu’on peut voir entre Koundé et Theo Hernandez chez les A. Après, le potentiel offensif des deux équipes est énorme.

FM : imaginiez-vous la France aller aussi loin dans ces JO, et la voyez-vous gagner demain contre l’Espagne ?

«Une victoire contre l’Espagne demain ? Oui, allez, 2-0, comme nous en 84 contre le Brésil»

GL : oui, allez, 2-0, comme nous en 84 contre le Brésil (rires). Les trames sont un peu identiques, et on voit bien que quelque chose se passe dans cette équipe, ce n’est pas pour rien que Titi a nommé ses joueurs "les fous". Mais le gros avantage des Jeux Olympiques, contrairement aux autres compétitions, c’est que tu es assuré d’avoir une médaille en étant en finale, ce qui te libère d’une certaine pression. Même une médaille d’argent représente quelque chose pour le pays, et pour toi. C’était notre cas en 84 et on a su gérer ça.

FM : vous serez en plus demain au Parc pour assister à la finale…

GL : oui, le président Diallo a souhaité que les champions de 1984 soient là. Il nous a invités, et merci à lui. 40 ans après nous, il faut que ces Bleus prennent le relais (sourire). Puis cette équipe est sympathique, attachante, elle donne beaucoup de joie aux Français, c’est rafraîchissant après l’Euro de cet été. Le fait que la finale se joue au Parc des Princes, un stade que j’aime particulièrement, ça fait aussi plaisir. Je n’y suis plus allé depuis que j’ai arrêté d’entraîner Monaco en 2011…

FM : Thierry Henry a connu un début de parcours laborieux comme entraîneur, avec ses expériences à Monaco et Montréal. Quel est votre regard sur le travail qu’il effectue aujourd’hui à la tête des Bleuets ?

GL : d’abord, je pense que c’est un travail de staff, et Henry a su choisir le bon et le manager. Il a aussi retenu les leçons de ce qui avait manqué sur ses précédentes expériences, et il y a une chose à prendre en compte : c’est que le rôle de sélectionneur n’est pas le même que celui d’entraîneur. Même s’il y a eu des difficultés dans le choix de ses hommes pour le tournoi avec les refus de certains clubs, il a eu la main pour les choisir. Ce qui n’est pas le cas d’un entraîneur, et je peux le confirmer par mon expérience (sourire). Il a bâti un vrai groupe, et Henri Michel avait été fabuleux dans ce domaine-là avec nous. C’est la clé.

FM : on a souvent le sentiment que le football s’inscrit à la marge aux Jeux Olympiques. Récemment, Nelson Monfort a remis en cause sa place comme le tennis et le golf, en déclarant qu’il s’agissait de disciplines à part, avec leur calendrier assis. Est-ce que vous regrettez ça ?

GL : en fait, ce sont ceux qui n’ont jamais participé aux Jeux qui disent ça. J’ai écouté certains consultants, malheureusement pour eux, ils n’ont pas vécu une telle aventure. Vous demanderez à tous les joueurs et le staff de l’équipe de France, ils vous diront que c’est un bonheur d’y participer. Le football est un sport à part entière. Dans son sens le plus amateur, il a toute sa place aux JO. Pour Nelson Monfort, chacun peut avoir son opinion. Ce sera peut-être compliqué pour Nelson de participer aux Jeux aujourd’hui, mais demandez à tous ceux qui y ont participé (sourire).

«Un sacre aux JO, ça vous lie à vie»

FM : cette expérience vous a-t-elle lié à vie avec vos coéquipiers. Et dans quelle mesure ?

GL : on échange souvent, et c’était déjà le cas quand j’étais entraîneur. Meme quand on se retrouve, il se passe toujours quelque chose entre nous. Oui, un sacre olympique, ça vous lie à vie. Pour le tirage au sort de ces JO, on avait tous été invités, et c’est génial de se revoir. On a donné ensemble quelque chose, et on a le sentiment de le faire un peu pour notre pays. Pendant les repas, on peut évidemment en reparler, mais on évoque aussi le présent (sourire).

FM : à l’époque, les médias n’avaient pas trop fait cas de votre victoire aux Jeux Olympiques, car le sacre de l’équipe de France à l’Euro, quelques semaines plus tôt, vampirisait toute l’attention. Est-ce un regret?

GL : oui, je pense que ce ne sera pas le cas pour Thiery Henry cette année (l’équipe de France a été éliminée en demi-finale de l’Euro), donc on pourra un peu comparer. Mais il faut aussi se souvenir qu’à notre époque, l’Euro 84 était le premier titre de l’histoire de l’équipe de France, ce qui a occulté le titre olympique. Mais j’ai parlé et joué avec Alberto Tarantini, un ancien international argentin. Il me disait : «mais si c’était nous, au pays, c’était la fête pendant 6 mois». On n’a pas tout à fait la même culture du sport que l’Espagne, l’Italie ou même l’Argentine.

FM : encore aujourd’hui ?

GL : en termes de culture, c’est certain qu’on a du retard. Par contre, si par bonheur la France est championne olympique, je pense que ce sera très bien perçu et qu’on en parlera beaucoup. Mais pour illustrer le manque de culture du sport, j’ai une anecdote. Dernièrement, une journaliste m’a appelé et m’a dit «je ne savais pas que vous étiez champion olympique». C’est dommageable, mais je ne pense pas que ça arrivera aux joueurs de Thierry Henry (rires).

«J’étais amateur, j’avais envoyé une lettre à Nantes pour demander un match d’essai»

FM : parmi les moments forts de votre carrière, où situez-vous le sacre olympique de 84?

GL : en tant que joueur, c’est le top, et de loin. Même si j’ai été champion de France avec Nantes
dès ma première année (en 1977), je n’avais pas beaucoup joué. Puis, je suis issu du milieu amateur, c’est-à-dire que je jouais en Départemental jusqu’à mes 20 ans. Pour l’anecdote, c’est grâce aux Jeux que j’ai signé à Nantes. En 1976, trois joueurs partent aux JO de Montréal, j’envoie une lettre à Nantes pour demander un match d’essai, et je pense qu’ils m’ont accepté parce qu’ils avaient un effectif réduit avec ces départs. J’ai joué avec (Robert) Gadocha et (Yves) Triantafilos, ce n’est pas rien (rires).

FM votre histoire est intimement liée aux JO…

GL : oui, c’est vrai. Et je m’en suis aperçu plus tard. Si vous lisez la lettre que m’avait envoyée Robert Budzynski (lentraîneur de Nantes à l’époque) pour le match d’essai, j’avais peu de chances d’être pris. Elle disait «nous vous proposons un match de test avec le FC Nantes, mais nous avons l’habitude de recruter des joueurs de 17 ans». C’était un concours de circonstances.

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