Euro 2024 : la manière de gagner des Bleus est-elle si importante ?
Ce vendredi, la France a encore gagné, sans briller, et s’est qualifiée pour les demi-finales de l’Euro. C’est la marque de fabrique de Didier Deschamps, et cela fait beaucoup réagir.
L’équipe de France est en demi-finale de l’Euro 2024. Ce vendredi soir, les Bleus ont éliminé le Portugal en quarts de finale après une nouvelle rencontre insipide qui s’est clôturée sur une séance de tirs au but (0-0, 5-3 aux t.a.b.). De quoi offrir une première séance de tirs au but remportée depuis 1998 et un nouveau carré final d’une grande compétition, la quatrième fois sur les cinq dernières grandes compétitions disputées par Didier Deschamps. Mais voilà, cette fois-ci, le niveau de jeu des Bleus est clairement pointé du doigt. Pour cause, la France n’a marqué que trois petits buts dans la compétition (2 CSC et un penalty) et enchaîne les matches ennuyeux, fermés, sans vraiment de spectacle. Selon Opta, il faut remonter… 60 ans en arrière pour voir l’équipe de France ne pas marquer dans le jeu lors de ses 6 derniers matches. Une éternité pour des suiveurs du football et qui relance encore le débat avec l’équipe de Didier Deschamps loin d’être réputé pour son jeu attrayant : la manière de gagner des Bleus est-elle si importante ?
NON
«C’est comme ça, on joue comme ça, on est en demi-finale. Ceux qui ne sont pas contents, ce n’est pas notre problème». Ces mots sont ceux d’Ousmane Dembélé après la qualification ce vendredi soir et ils résument bien la mentalité inculquée par Didier Deschamps à ses joueurs. Ils viennent même compléter ceux de Kylian Mbappé : «je ne vais pas vous raconter des salades, dans le vestiaire, on ne pensait pas trop au fait qu’on n’ait pas marqué», d’Aurélien Tchouameni : «on doit faire mieux dans plein de secteurs, mais il faut se satisfaire de la qualification. On est en demi-finale sans marquer, c’est historique» voire, plus globalement, ceux d’Antoine Griezmann dans la foulée de la qualification face à la Belgique il y a quelques jours : «faites pas chier avec un petit score ou quoi, on est en quarts. L’équipe a fait un gros match défensivement. Sans une grande défense, tu ne peux pas aller loin.» Qu’est ce qu’on retiendra de cette équipe dans quelques années, ou même dès aujourd’hui ? Qu’elle est en demi-finale d’une grande compétition encore une fois. Dans le football, il n’y a que la victoire que l’on retient, encore plus de nos jours à l’heure des statistiques, et ça Didier Deschamps l’a très bien compris. Depuis le début de son mandat, il ne se focalise que sur le résultat, construit son équipe sur le résultat et force est de constater que cela lui réussit plutôt bien.
À la tête des Bleus depuis 12 ans, il a fait de l’équipe de France une machine qu’aucune équipe n’arrive à perturber, n’arrive à bousculer même avec les meilleurs joueurs du monde en face. À chaque fois, l’équipe adverse semble complètement amorphe et sans solution. Car si l’on souligne à juste titre le fait que les Bleus n’ont pas un jeu offensif flamboyant, il faut aussi, comme le fait Griezmann, mettre en avant la solidité défensive de cette équipe. Avec 1seul but encaissé dans cet Euro, il est forcément difficile de perdre dans ses conditions. Depuis plus d’une décennie, l’équipe de France ne perd que lors des tirs au but ou presque (vs Suisse à l’Euro 2020, vs Argentine au Mondial 2022). Aucune équipe n’arrive à perturber ce bloc, cette solidité. Et lorsque l’on fera le bilan du mandat de Didier Deschamps, on ne retiendra que les victoires, les trophées et l’impressionnante régularité de sa sélection qui joue les titres jusqu’au bout à chaque fois. Si ce 14 juillet, la France soulève ce trophée, même sans avoir marqué un seul but, les supporters seront tout de même dans les rues pour célébrer. Car cette équipe qui gagne fait vivre des émotions, même en 2022 malgré la défaite en finale, même en 2016 malgré le scénario cruel face au Portugal. Didier Deschamps a formé une équipe qui résiste à tout, qui force les gens à la suivre jusqu’au bout et qui dégoûte tous les adversaires. Car à la fin, on ne retient que le vainqueur. C’est lui qui écrit l’histoire. Et demandez à l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Angleterre s’ils ne rêvent pas de réussir autant que les Bleus sur ces dernières années.
OUI
«Je ne suis pas d’accord avec le fait de séparer gagner et bien jouer. Je crois que cela devrait prendre la forme d’une affirmation, bien jouer pour gagner, pas une question offrant deux options. Il n’y a pas de chemin plus court et agréable vers la victoire que la beauté du jeu», expliquait Marcelo Bielsa. Des mots qui résonnent quand on pense à Didier Deschamps qui a eu tendance à dissocier, pendant presque tout son mandat, bien jouer et gagner. Cet Euro 2024 l’illustre à la perfection. Didier Deschamps ne cesse de marteler que son équipe ne cherche pas à déjouer. Et pourtant, le contenu produit, avec ce vivier laisse perplexe. Les matches disputés par les Bleus ont probablement été les moins passionnants de la compétition (avec l’Angleterre). Et les Français ont clairement perdu de leur intérêt pour la sélection. Car sans jeu, le spectacle n’est plus et difficile de s’attacher à des victoires sur des CSC contre l’Autriche ou la Belgique. «Si la France jouait dans mon jardin, je fermerais les rideaux pour ne pas la voir jouer», a même lancé Chris Sutton, ancien buteur de Chelsea et commentateur sur la BBC lors de la rencontre face au Portugal. Voilà l’image laissée par les Bleus.
Avant le quart de finale contre le Portugal, l’institut de sondage Oxada avait aussi révélé que 63% des Français s’ennuyaient devant les matches de l’équipe de France et étaient désintéressés par cette équipe. Plusieurs suiveurs de l’équipe de France ont fini par perdre clairement de leur passion devant les matches, tous plus ennuyant les uns que les autres. C’est peut-être le gros défaut de cette équipe, sans la victoire, il ne reste rien. Pas un frisson, pas un moment marquant. Si les Bleus avaient été éliminés lors de la séance de tirs au but face au Portugal, qu’aurait-on retenu ? Rien si ce n’est une compétition décevante sur tous les points. Même son de cloche en cas d’élimination face à l’Espagne. Malgré une demi-finale, il n’y aura aucun moment marquant dans ce tournoi pour les Bleus. Après le départ de Didier Deschamps, qui sera resté plus de 13 ans à la tête de cette sélection, la France pourra-t-elle vraiment progresser ? Il n’y aura aucune continuité, aucun héritage laissé à cette équipe malgré un temps non négligeable sur le banc. Pourquoi ? Car cette équipe est forgée sur la victoire et l’héritage de DD s’envolera à la moindre défaite. Le football doit faire vivre des émotions autrement que par les résultats. Gagner ne suffit pas toujours. Et surtout, gagner n’est pas opposé à bien jouer ou bien défendre. La France a le vivier pour le faire et devra le faire, car à ce rythme, les Français risquent de se détacher complètement de cette sélection.
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