Gift Orban est-il vraiment l’attaquant dont l’OL a besoin ?
Sauf coup de théâtre, l’OL devrait prochainement enregistrer l’arrivée de l’espoir nigérian Gift Orban. Une arrivée séduisante à première vue, mais qui pose aussi question sur certains points.
«Si vous marquez, tout le monde est content. Si vous ne marquez pas, vous devez avaler les critiques. Un club ou un entraîneur ne peuvent pas briser ma carrière. Je vais continuer à travailler. Si ça ne marche pas ici, ça marchera ailleurs.» Ces mots sont ceux de Gift Orban, prononcés début novembre après une victoire de La Gantoise où il avait (encore) démarré sur le banc. Une situation qui ne devrait plus se reproduire en Belgique puisqu’à l’évidence, «l’ailleurs» en question se situera désormais entre Rhône et Saône. Tube de la seconde partie de saison dernière en Belgique, où il avait rayonné et cumulé les buts à la pelle (20 en 22 matches dont un triplé en 3 minutes en Ligue Europa Conférence), l’attaquant nigérian de 21 ans subit aujourd’hui le contrecoup d’un été agité et des énormes attentes qui ont germé autour de lui. Pour Sacha Tavolieri, journaliste et suiveur assidu du championnat belge, Orban a aussi besoin d’un management sécurisant pour s’épanouir et se retrouver :
«C’est un joueur qui a le don de la cage, qui a un profil d’explosivité, d’intelligence de placement, qui sait tirer de loin et qui n’a pas besoin de beaucoup d’occasions pour marquer quand il est en confiance. C’est un profil très complet, insiste le journaliste belge. Maintenant, je pense que ses axes de progression sont sa tête, sa confiance, sa mentalité… Il a besoin d’être considéré, d’être chouchouté, d’avoir ce rapport humain chaleureux avec son entraîneur.» Un tas de qualités qui va forcément faire naître de nouvelles attentes dans son futur club, l’Olympique Lyonnais, qui aurait noué un accord avec les dirigeants de La Gantoise autour d’un transfert à 13 millions, comme avancé par L’Équipe ce mercredi. Mais un prix et un choix qui peuvent aussi paraître surprenants au regard de sa saison passée fracassante, d’autant que certains observateurs l’imaginaient déjà détrôner Charles De Ketelaere au classement de la plus grosse cession d’un club belge (il avait été vendu par Bruges à l’AC Milan pour 32 millions d’euros). Mais en scrutant de plus près les derniers mois d’Orban, l’idée de le voir rejoindre un OL boiteux paraît tout de suite plus envisageable.
Un été agité et qu’il n’a toujours pas digéré
L’idée de ces lignes n’est pas de virer à l’analyse bas du front, visant à décrédibiliser le joueur ou au contraire de lui attribuer des mérites excessifs, mais plutôt de se questionner sur la véritable plus-value qu’il pourrait apporter. En ce sens, il est légitime de s’interroger sur la capacité d’Orban à se greffer rapidement à un collectif aussi défaillant que celui de l’OL. Car depuis le mois d’août et un transfert avorté (la Premier League, Lille et Lens étaient à fond dessus comme révélé sur notre site à l’époque), le natif de 21 ans peine à se remettre la tête à l’endroit. «Pourquoi ne l’ai-je pas fait entrer plus tôt ? Gift n’est pas le plus grand dribbleur et j’ai estimé que j’avais besoin d’autre chose. Il traverse une situation difficile. Il n’est pas non plus très bon à l’entraînement, marque beaucoup moins, cadre moins souvent. L’année dernière, il était le héros. Aujourd’hui, il voit le revers de la médaille. Cela ne peut que le rendre plus fort», avait déclaré son entraîneur Hein Vanhaezebrouck au mois de novembre pour justifier son énième mise sur le banc face à l’Union.
De son côté, le joueur est lui aussi conscient de cette baisse de régime : «je ne me sens plus moi-même. Être assis sur le banc, jouer dix minutes… Je n’ai pas encore parlé à l’entraîneur. Ce n’est pas nécessaire non plus. Tout ce que je peux dire, c’est que je resterai professionnel», avait-il confié en novembre. S’il est toujours aussi remuant, le véloce attaquant nigérian n’est plus escorté par la même réussite. Une crise de confiance qui se traduit également par des chiffres en berne. En 17 matches de Jupiler Pro League, Orban n’a trouvé le chemin des filets qu’à trois reprises. Cette saison, c’est essentiellement en Ligue Europa Conférence, face aux modestes Islandais de Breidablik ou aux Ukrainiens de Zorya, qu’il s’est illustré. Moins impactant et moins confiant, on peut alors imaginer qu’un temps d’adaptation lui sera nécessaire, à l’image d’Ernest Nuamah, arrivé cet été contre 25 millions d’euros en provenance de Nordsjaelland et en pleine digestion. Or, l’OL aura encore-t-il le temps d’attendre, à l’heure où le maintien - un contexte ô combien particulier et qu’Orban n’a jamais connu jusqu’ici -, semble encore hors d’atteinte ?
Ses qualités de percussion pourraient revitaliser les circuits lyonnais, notamment en transitions, mais aujourd’hui, le club rhodanien a besoin d’autres recrues, à savoir des forces immédiates capables de redresser le navire quand il tangue. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’OL souhaitait recruter un milieu de terrain d’expérience cet hiver, en l’occurence Nemanja Matic, pour poser les bases de ce redressement. Néanmoins, compte tenu du néant laissé derrière Lacazette et du peu d’attractivité que suscite l’OL ces derniers temps, il serait hors-sol de cracher sur l’arrivée d’un jeune talent de la sorte, mais qui doit, encore une fois, être complétée par d’autres renforts. «Il est encore jeune (il a eu 21 ans en juillet) et a encore des axes de progression, notamment sur l’aspect mental. Sur ce qu’on a vu ces dernières saisons en Jupiler Pro League en termes de qualités, je le mets dans le top 5 derrière (Victor) Osimhen, (Jonathan) David et (Victor) Boniface. Mais il faut voir autre chose et c’est là qu’on pourra tabler pour savoir s’il fait vraiment partie des gros attaquants», estime Sacha Tavolieri.
Un positionnement qui pose aussi question
En allant chercher Gift Orban, l’OL s’offre un prospect au potentiel difficilement quantifiable, c’est certain. Orban est un talent inflammable, capable d’enflammer une rencontre incertaine comme se consumer à l’image de cette saison. Les qualités principales du joueur, à savoir la vitesse et la finition en bout de chaîne, sont évidentes, mais encore faut-il le mettre dans les meilleures conditions pour qu’il puisse les optimiser. Dans cette optique, son profil de numéro neuf mobile ne colle pas forcément avec ce que l’on pouvait attendre du côté de Décines. Ces dernières semaines, Pierre Sage avait balancé entre le 4-2-3-1 et le 3-4-3, avec à chaque fois un Alexandre Lacazette en pointe, mais épaulé. Nuamah et Cherki avaient ainsi endossé le costume de catalyseur dans le deuxième système, alors que Diego Moreira avait été aligné dans le couloir face au Havre le week-end passé dans un 4-2-3-1 (il est sorti à la demi-heure de jeu avec l’expulsion d’ O’Brien). «Orban est un goleador. Il est explosif, a aussi cette capacité de tirer de loin et de se créer des occasions. Il est très intéressant dans un football de transition et c’est dans cette configuration que Pierre Sage pourra l’utiliser», estime Sacha Tavolieri. À première vue, Orban devrait tout de même débarquer en qualité de doublure de Lacazette, un rôle qui était jusqu’à présent attribué à Mama Baldé, décevant et actuellement en Côte d’Ivoire avec la Guinée-Bissau.
Car difficile d’imaginer le Nigérian, non-retenu de son côté pour la CAN, former un tandem avec l’ancien Gunners alors que Pierre Sage ne s’est jamais exercé à aligner deux attaquants depuis son investiture. Le placer dans un rôle de meneur de jeu avancé ne serait pas non plus rendre service à ses qualités, lui qui n’a pas forcément la palette du joueur créatif et qui se préfère dans la zone de vérité. De la patience, il en faudra alors encore sûrement pour Gift Orban, qui comme son ancien coéquipier Malick Fofana, tout juste arrivé de La Gantoise lui aussi, ne jouera pas d’emblée les premiers rôles à Lyon. Pourtant, le natif de Benue semblait être arrivé à saturation à force d’attendre. Ces dernières semaines, il avait multiplié les signes d’agacement, jetant une bouteille d’énervement face à l’Union au mois de novembre, puis en regagnant précipitamment les vestiaires au moment d’aller remercier ses supporters contre Bruges mi-décembre. Un caractère bien trempé pas à l’abri de faire des étincelles en France si la situation ne tourne pas dans son sens : «S’il n’est pas titulaire, ça peut poser problème dans le vestiaire car c’est un joueur qui n’a pas sa langue dans sa poche. Il a accepté la proposition de Lyon parce que ça n’allait aussi plus avec Vanhaezebrouck (l’entraîneur de La Gantoise). Il y a eu des signes d’agacement car il juge ne pas avoir été assez mis en confiance. Orban a besoin de ce rapport chaleureux avec son entraîneur. Mais s’il reste remplaçant, je pense vraiment que ça posera un problème humainement», estime Tavolieri. En termes de communication, Sage va aussi devoir apprendre à tirer sur la corde sensible pour convaincre. C’est aussi ça le métier de manager.
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