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L’Arabie saoudite veut révolutionner la planète football à coup de milliards !

Portée par l’arrivée de Cristiano Ronaldo en janvier dernier à Al Nassr, l’Arabie saoudite compte bien poursuivre sa révolution sur le marché des transferts et ainsi devenir la nouvelle place forte du football au Moyen-Orient. En ligne de mire ? La Coupe du monde en 2030 ou 2034. Des ambitions affichées aux enjeux géopolitiques et sportifs soulevés par une telle ascension, Foot Mercato revient sur ce projet aussi démentiel qu’ambitieux.

Par Josué Cassé
11 min.
Cristiano Ronaldo avec Al Nassr. @Maxppp

«L’Arabie saoudite arrive en force et nous sommes en train de nous coordonner avec les autres Confédérations et la Fifa pour accueillir la Coupe du monde en 2030 ou en 2034, en accord avec tout le monde, pour que, une fois le dossier déposé, nous soyons confiants à 90% au moins». Voici ce que déclarait dernièrement le président de la Confédération asiatique de football (AFC), Salmane ben Ibrahim al-Khalifa. Prêts à tout pour rivaliser avec leurs voisins qataris, organisateurs du dernier Mondial, les Saoudiens se sont ainsi lancés dans un vaste programme de réformes économiques et sociales, nommé «Vision 2030», destinées à sortir le pays de sa dépendance à l’or noir, tout en améliorant son image sur la scène internationale après la guerre menée au Yémen depuis mars 2015 ou encore l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul (Turquie), en 2018.

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Le football au cœur d’une stratégie géopolitique !

Premier exportateur de pétrole brut au monde et plus grande puissance économique du monde arabe, l’Arabie saoudite, souvent visée pour ses violations des droits humains, souhaite, à ce titre, développer son impact dans le monde du sport. D’ores et déjà nommé pays hôte des Jeux asiatiques d’hiver 2029, et ce malgré les résistances exprimées par les défenseurs de l’environnement, le royaume dirigé par le prince héritier Mohammed ben Salmane accueille, par ailleurs, de nombreuses compétitions. De son Grand Prix de Formule 1 au rallye-raid du Dakar en passant par le Saudi Tour, le pays du Golfe, qui recevra également les Jeux Asiatiques en 2034, ambitionne désormais de s’installer durablement sur la planète football. Plus qu’une candidature commune, régulièrement évoquée mais loin d’être acquise, avec l’Egypte et la Grèce pour le plus prestigieux tournoi du monde, l’Arabie saoudite vise surtout une légitimité certaine.

«Il y a cette volonté de devenir une puissance culturelle et d’utiliser ce 'soft power’ dont on parle beaucoup, c’est à dire d’influencer et d’avoir une bonne image à l’international grâce aux actions menées par l’Etat sur la culture ou les investissements sportifs. Ils avaient commencé avec un combat de boxe qui était le «clash on the Dunes» entre Anthony Joshua et Andy Ruiz, ils ont aussi reçu les Supercoupes d’Espagne et d’Italie, ces délocalisations sont de plus en plus fréquentes pour développer la base de supporters, pour mettre en valeur leurs paysages et donc, il y a le côté tourisme derrière. Exemple avec le Paris-Dakar qui se fait en Arabie saoudite ou le tour d’Arabie saoudite qui est maintenant une course classée UCI au classement mondial de cyclisme et puis il y a aussi le Grand Prix en Formule 1 pour se mettre à niveau de ses voisins, des Emirats arabes unis, du Bahreïn, pour avoir une compétition prestigieuse sur son territoire et ainsi montrer que l’Arabie saoudite est capable d’accueillir des pays du monde entier», nous précisait dans cette optique Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport et auteur dernièrement de Qatar, dominer par le sport, aux éditions Bréal.

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Dès octobre 2021, le Public Investment Fund (PIF), fonds souverain du royaume, s’accaparait - dans cette optique - 80 % des parts de Newcastle, alors au fond du trou et désormais qualifié pour la prochaine Ligue des Champions. Dans le sillage du Qatar et de sa stratégie de rayonnement, l’Arabie saoudite souhaite, aujourd’hui, poursuivre sa révolution sur la planète football, qui plus est après l’arrivée historique de Cristiano Ronaldo en décembre dernier. «Le sport joue un rôle essentiel dans la transformation de notre pays, et le football en est le fer de lance», confirmait d’ailleurs Yasser Al Misehal, le président de la fédération saoudienne de football (SAFF). Déterminé à l’idée de combler son retard avec Doha et Abu Dhabi, actionnaire majoritaire de Manchester City depuis 2008, le gouvernement saoudien s’investit donc pleinement dans le championnat local : la Saudi Pro League.

Développer le local avant de briller au Mondial ?

À l’instar de la Chine, devenue en 2015 le sixième championnat le plus dépensier du monde en matière de transferts - attirant au passage Alex Teixeira, Jackson Martinez, Hulk, Oscar, Ezequiel Lavezzi, pour ne citer qu’eux - ou du Qatar qui avait, par exemple, enrôlé des stars vieillissantes dans sa première division, telles que le Brésilien Romario (Al-Sadd, 2002-2003) ou le champion du monde 1998 Marcel Desailly (Al-Gharafa, 2004-2005), l’Arabie saoudite envisage, aujourd’hui, d’associer des footballeurs reconnus mondialement, capables d’apporter un supplément d’âme à toute une équipe, à des joueurs débutants et sans expérience. Avec une triple ambition : se faire une place sur la carte du football mondial, préparer l’après-pétrole et acquérir une attractivité certaine en vue d’une éventuelle Coupe du monde à domicile. Dans un championnat mineur, longtemps considéré comme mauvais payeur bien que plus développé qu’au Qatar (plus de supporters, plus d’infrastructures, plus d’histoire, plusieurs joueurs confirmés), les dirigeants saoudiens rêvent alors d’un changement de dimension.

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«On est dans l’après Qatar 2022 donc il y a un contexte politique favorable, l’Arabie saoudite bénéficie des retombées positives de la dernière Coupe du monde et du fait qu’ils n’ont pas été ridicules là-bas sur le plan sportif. À cet effet de calendrier s’ajoute un effet d’opportunités où des stars sont disponibles ou susceptibles de l’être car en fin de contrat. Ils ont, en plus, déjà le retour d’expérience de Cristiano Ronaldo qui a été payé, qui est chouchouté même s’il ne s’y plaît pas forcément. Le niveau de football n’est pas trop exigeant et ce n’est pas extrêmement oppressant. Ça a l’air moins déstabilisant qu’il y a dix ans. Il y aussi un vrai effet politique car l’Arabie saoudite s’affirme depuis plusieurs semaines, ils se rapprochent de l’Iran, ils ont mis en place une politique de puissance, ils renouent le dialogue avec la Syrie et ne veulent plus être sur la même ligne que les Etats-Unis. On est donc dans un véritable moment d’affirmation. La dernière chose est que MBS avait fait des promesses. CR7 était la première mais leur projet est pensé. Ils ont regardé le marché des transferts, ils ont contacté les entourages en proposant des offres impossibles à refuser», analysait Guégan.

Dès lors et dans la lignée de la performance historique des Faucons verts face à l’Argentine (2-1) lors du dernier Mondial - les hommes d’Hervé Renard avaient renversé l’Albiceleste malgré un onze composé de nombreux joueurs locaux et méconnus à l’image de Salem Al-Dawsari et Saleh Al-Shehri, les deux buteurs lors de cette rencontre évoluant à Al Hilal - le gouvernement saoudien souhaite désormais injecter plusieurs milliards d’euros dans un plan global de recrutement. Selon nos informations, l’objectif des décideurs du pays est, notamment, de doter les quatre gros clubs du pays (Al Nassr, où évolue Cristiano Ronaldo, Al Hilal, Al Ittihad et Al Ahli) d’une véritable star, qui remplirait le rôle d’ambassadeur du championnat. Le gouvernement saoudien vient, à ce titre, d’annoncer officiellement que la privatisation des clubs sportifs, jusqu’alors soutenus par le contribuable, est désormais possible. Cela signifie qu’une entreprise comme ARAMCO, géant mondial de l’énergie à la plus forte capitalisation boursière au monde devant Apple ou même LVMH (2500 milliards de dollars) et avec un bénéfice record de plus de 160 milliards de dollars en 2022 (quasi l’équivalent du PIB du Qatar) pourra détenir un club local. Des stars et des paillettes comme premières bases d’un projet visant surtout à améliorer le niveau et la visibilité du championnat local. Symbole d’un projet d’ores et déjà parfaitement engagé, Garry Cooke, ancien CEO de Manchester City, a d’ailleurs été recruté pour attirer ces différents profils.

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Des stars par milliards !

À la manière de ce que réalise Antero Henrique au Qatar, l’ancien dirigeant des Skyblues s’active donc en coulisses pour offrir à l’Arabie saoudite des grands noms du ballon rond. Et l’après-CR7 s’annonce scintillant. «On est sur des offres qui changent une vie, voire des vies. Ca se passe aussi dans un contexte sportif intéressant. Aller en Arabie saoudite c’est aussi la possibilité d’amorcer un challenge sportif, de disputer la Ligue des Champions asiatique, de participer à la Coupe du monde des clubs et donc pour un Ballon d’or, la possibilité de gagner une Ligue des Champions européenne et une sur un autre continent. Ce qui n’a jamais été fait. Le tout dans les pas de Hristo Stoitchkov (ancien Ballon d’or passé par Al Nassr, ndlr)». Vainqueur de la Ligue des champions asiatique, Al Hilal, un temps porté par Bafétimbi Gomis, souhaiterait ainsi offrir un contrat stratosphérique à Lionel Messi, septuple Ballon d’or et actuel ambassadeur du tourisme saoudien. Si l’ancien attaquant du Paris Saint-Germain semble, à l’heure actuelle, plus tenté par un retour à Barcelone, le club du Golfe dispose, à coup sûr, d’arguments financiers bien plus conséquents que ceux proposés par les Culers. De son côté, Al Ahli rêve de Luka Modric, comme dévoilé plus tôt, même si la tendance dans le cas du Croate est à une prolongation du côté du Real Madrid jusqu’en 2024. Et ce n’est pas tout…

En fin de contrat avec le Paris Saint-Germain, Sergio Ramos a finalement quitté la capitale française et se retrouve, lui aussi, dans le viseur d’Al Hilal. Dans cette optique, le club saoudien souhaiterait offrir un contrat de deux saisons minimum, le tout pour 30 millions d’euros nets par saison et plusieurs avantages fiscaux… Même son de cloche pour Hugo Lloris, également suivi, ou encore Sadio Mané et Eden Hazard, comme nous vous le révélions dernièrement. Pour mettre en forme ce véritable eldorado, l’Arabie saoudite reste également attentive à la situation de N’Golo Kanté, en fin de contrat du côté de Chelsea mais qui devrait, selon nos informations, prolonger avec les Blues. Si le plateau de stars présenté à fière allure, un autre cador de la planète football est, lui aussi, associé à la Saudi Pro League. Et non des moindres. Élu Ballon d’or la saison dernière, Karim Benzema a officiellement quitté le Real Madrid et pourrait s’engager avec le club saoudien d’Al Ittihad, très investi sur le dossier.

CR7, une expérimentation fructueuse !

Comme nous vous le révélions, le président du club de Djeddah, Anmar Al-Haili, ainsi que son adjoint, Ahmed Kaaki, ont d’ailleurs prévu une rencontre avec le Lyonnais et les discussions devraient s’articuler autour du futur contrat XXL de KB9, où un salaire de 400 millions d’euros sur 2 ans l’attend. Si cette opération confirme les folles ambitions de l’Arabie saoudite sur le marché des transferts estival, cette arrivée marquerait un véritable tournant dans la révolution saoudienne. En effet, à la différence des projets passés de la Chine, de l’Inde ou encore des USA, un tel renfort - encore capable de performer à l’échelle européenne - apporterait une crédibilité renforcée. Une aubaine, également, pour l’ex international français. «Ce sont des salaires proposés qui permettent au joueur de changer de statut. Avec les émoluments évoqués, tu n’es pas seulement un homme riche, tu peux devenir un acteur du sport, un décideur et un payeur. Ça ouvre la possibilité d’entrer dans un cercle plus restreint, celui des propriétaires, des actionnaires et des financeurs. Benzema avec 14 saisons de salaire au Real il n’aurait pas pu envisager ça. S’il accepte d’aller en Arabie saoudite, qui lui propose 200 millions d’euros par saison, demain il peut racheter l’OL. C’est un autre monde».

Relancé sur l’attractivité développée actuellement par l’Arabie saoudite, Jean-Baptiste Guégan assure, par ailleurs, que le cas CR7 a offert quelques certitudes pour les différentes parties. «Ils ont testé le format avec CR7, ils ont vu que le retour des médias était positif, ça a parlé des salaires démentiels mais il n’y a jamais eu autant de followers sur le compte d’Al Nassr et ça donne une magnifique vitrine. La politique d’état qui est menée porte ses fruits, on est sur une visibilité unique de l’Arabie saoudite. Il y a aussi une opportunités de développer une véritable économie du divertissement avec des retombées positives. L’Arabie saoudite est en train de confirmer et d’accélérer l’entrée dans cette nouvelle modernité du football, à savoir des fonds colossaux, des financements d’État et de la multipropriété. Et ce développement dans le football des Saoudiens annonce également d’autres changements dans le sport plus globalement». Un formidable produit d’appel - parmi tant d’autres - pour renforcer un championnat en train de se professionnaliser et ainsi s’approcher d’ambitions plus globales. Reste, pour autant, une interrogation centrale. Suffit-il d’associer, à coup de millions, de nombreux joueurs inexpérimentés à quelques leaders chevronnés pour booster la compétitivité d’une équipe et faire croître durablement le niveau du football local ? Réponse dans les prochains mois…

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