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Amine El Ouazzani : « mon objectif est de jouer dans l’élite, en Ligue 1 ou à l’étranger»

Sans avenir à Grenoble, Amine El Ouazzani a décidé de tout plaquer pour tenter sa chance à Bourg en Bresse en National. Bien lui en a pris puisqu’à force de travail et d’abnégation, cet attaquant international marocain U23, qui était loin d’être le meilleur lorsqu’il était adolescent, est devenu l’un des meilleurs buteurs de Ligue 2. Interview passionnante avec ce joueur de 22 ans qui sait d’où il vient, mais surtout sait où il veut aller.

Par Sebastien Denis
11 min.
Amine El Ouazzani célèbre un but avec Guingamp en Ligue 2 @Maxppp

Foot Mercato : Amine, vous faites partie des meilleurs buteurs de Ligue 2, mais au final on vous connaît assez peu…

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Amine El Ouazzani : à l’âge de 8 ans, j’ai fait un essai au GF38, le club de ma ville Grenoble et j’ai été pris. De mes 8 ans à mes 18 ans, je suis resté au GF38. Mais paradoxalement, l’idée de devenir pro est vraiment venue sur le tard. Il faut dire qu’à 14 ans, je ne faisais pas partie des meilleurs, loin de là. Pour mes proches, ce n’était pas une obsession que je devienne pro c’était surtout les études qui étaient importantes. Je n’ai jamais senti de pression particulière de mon entourage ou même de moi même par rapport au fait que je devais devenir professionnel. Après c’est peut-être aussi parce que je n’ai pas été en centre de formation. Après je pense qu’aux alentours de mes 16 ans, j’ai compris que je pouvais faire quelque chose dans le foot.

«Sur la ligne de départ, je n’étais pas celui sur qui on aurait misé une pièce pour devenir pro»

FM : vous avez eu un déclic ?

AEO : là je me suis mis dans un mode où je bossais beaucoup plus que les autres. Les étés, je partais pas forcément en vacances, pour rester, faire des prépas, m’entraîner. C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic et que derrière j’ai pu progresser et dépasser les autres petit à petit à force de travail. Comme je le disais précédemment, à la base, sur la ligne de départ, je n’étais pas celui qui était le plus performant, celui sur qui on aurait misé une pièce pour devenir pro. Maintenant quand je regarde derrière moi, ceux sur qui on aurait misé au départ, ne sont plus là, mais moi si… Dans mon entourage, il n’y en a aucun qui a signé pro. Sur les 300 joueurs que j’ai pu côtoyer durant mon enfance, on doit être 2 ou 3 à avoir signé pro. Vraiment le travail et la détermination m’ont permis de passer des steps et de rattraper un retard que j’avais à un moment donné et qui aujourd’hui n’existe plus.

FM : à vous écouter, on comprend mieux pourquoi votre idole c’est Karim Benzema, un joueur considéré comme un monstre de travail. Est-ce une source d’inspiration au quotidien pour vous ?

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AEO : Karim Benzema, son aspect travail a été exposé un peu plus tard dans sa carrière, ces dernières années. Même lui avait dit qu’il l’avait assimilé, pas forcément en arrivant à Madrid, mais avec un peu de temps. Au début ce qui m’attirait chez lui c’était plus son jeu, comment il voyait le football, ce qu’il représentait pour lui. Quand tu es attaquant, le fait qu’un joueur de son calibre qui fasse des stats (buts et passes déc) et qui, malgré ça, arrive à prendre du recul et à dire "le foot ce n’est pas que des buts et des passes dec". Là tu te dis que cette vision du foot qu’il a, bah c’est celle que je veux et c’est celle que je veux pratiquer. Moi, je suis un joueur qui aime mettre des buts, c’est mon plus grand plaisir sur le terrain, en plus je suis attaquant donc il n’y’a pas de débat là-dessus. Savoir jouer au foot, savoir combiner, comprendre le jeu, assimiler des problèmes dans le jeu, les résoudre par des déplacements. Bah Benzema, c’est une source d’inspiration énorme.

FM : revenons à vous. À 18 ans justement à Grenoble, ça devient compliqué pour vous. À un moment, est-ce que vous avez douté de votre capacité à percer ?

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AEO : sincèrement jamais, car quand j’étais à Grenoble, le club n’était pas dans l’optique de pousser les jeunes. Après mes deux dernières années à Grenoble, je faisais partie des joueurs les plus performants. L’avant-dernière année, on monte en U17 Nationaux, l’année suivante, je suis surclassé et on joue pour faire monter l’équipe en U19 Nationaux. J’étais le seul 2001 qui jouait avec les 2000. J’étais dans les 2-3 meilleurs, mais ce n’était pas dans leur projet de lancer des jeunes joueurs.

«L’école ça a toujours été important, mais j’étais prêt à mettre ça de côté pour percer au plus haut niveau.»

FM : et là vous avez décidé de prendre une décision radicale qui va changer votre vie. Racontez-nous.

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AEO : le doute n’y était pas puisque cela n’était pas justifié et c’est pour cette raison que j’ai pris mon courage à deux mains pour tout plaquer et renoncer à ce rêve qui était de jouer en pro dans le club de sa ville, devant sa famille et ses proches. Je suis reparti à zéro en signant à Bourg-en-Bresse. J’étais sûr de moi, du coup je n’ai pas douté, car je me disais que si j’allais ailleurs j’étais sur de m’imposer parce que là où j’irais on me donnerait l’opportunité de m’exprimer et c’est ce que j’ai fait. Pourtant, j’ai toujours été studieux, j’ai toujours été assidu à l’école, j’ai jamais redoublé, j’ai eu mon bac ES avec mention. L’école ça a toujours été important, mais j’étais prêt à mettre ça de côté pour percer au plus haut niveau.

FM : comment ont réagi vos parents à l’annonce de cette nouvelle ?

AEO : quand je leur ai dit, pour eux ça a été très dur quand j’ai signé à Bourg-en-Bresse. Je leur ai demandé une année de transition où je mettais l’école de côté pour intégrer le groupe numéro 1. Soit, j’arrivais à intégrer ce groupe qui jouait en National pour atteindre mon rêve de vivre du foot et si je n’y arrivais pas, j’avais prévu de retourner à Grenoble reprendre mes études. Le projet était clair là-bas : tu es bon tu montes. J’ai commencé en U19 Nat, j’ai fait 2-3 mois, j’ai été bon, je suis monté avec la réserve, j’ai été bon, je suis monté en National avec l’équipe première et c’est comme ça que tout a commencé. Aller à Bourg-en-Bresse, c’est la meilleure décision que j’ai prise dans mon jeune début de carrière. Si je n’étais pas parti là bas à ce moment-là, on ne serait pas au téléphone là c’est certain. En National, j’y ai fait 50 matches à moins de 21 ans, et c’est finalement la plus belle des formations. Ça a compensé largement l’absence de centre de formation que j’ai eu plus jeune. J’ai pris de l’expérience contre des vieux briscards, des joueurs plus costauds, plus rapides, plus puissants. Au début, j’étais un peu à la ramasse et puis petit à petit j’ai travaillé, j’ai rattrapé ce retard et je me suis imposé dans ce championnat.

FM : en National, comme vous le dites, vous vous imposez, l’étape Ligue 2 devient forcément un objectif ?

AEO : oui c’est clairement mon leitmotiv, step by step, ne pas brûler les étapes. Je pense qu’entre 20 et 24 ans l’important c’est d’engranger du temps de jeu, de jouer. C’est pour ça que l’étape de la Ligue 1 directement via le National, ce n’était pas une option pour moi, ce n’était pas forcément intéressant et il fallait que je passe par la Ligue 2. Quand Guingamp s’est présenté, dans ma tête ça a été hyper vite. Une fois que tu as le coach au téléphone, que ça accroche bien, que le projet te convient. Et Guingamp c’est un club avec une histoire, avec des infrastructures limite de niveau Ligue 1, c’est un club qui a des ambitions.

FM : une fois encore, on sent qu’il n’y a quasiment pas eu d’adaptation pour vous. Que vous vous êtes mis quasiment directement au niveau de ce nouveau championnat.

AEO : je suis arrivé à la trêve hivernale et l’adaptation a été hyper rapide. Au bout de six mois, je suis le joueur le plus décisif de mon équipe en mettant 7 buts et en délivrant 3 passes décisives. J’ai pu m’exprimer hyper rapidement, j’ai montré mes qualités directement. Malgré tout, c’était une découverte. Mais forcément très heureux et ça m’a permis de préparer cette saison actuelle qui est forcément différente. Rien que concernant le nombre de matches puisque là je suis déjà à 34 matches et j’en ai fait 32 en tant que titulaire. En terme de régularité, ça n’a rien à voir. En terme de statistique aussi, je suis le meilleur buteur de mon équipe, je suis le co meilleur passeur. Je sens que j’ai passé un step au niveau statistique, mais aussi au niveau de mon jeu. J’ai beaucoup progressé dos au jeu, j’ai progressé au niveau de mon jeu de tête même si c’est quelque chose que je dois encore améliorer, j’ai pris de la masse musculaire. Je suis arrivé, j’étais sur du 82 kg, là je suis plus sur 84-85. Je me suis épaissi. Pour ma première saison complète en Ligue 2, j’ai atteint la barre des 10 buts, je trouve que c’est intéressant.

FM : quels sont vos objectifs au niveau individuel et collectif à quelques encablures de la fin de saison ?

AEO : sur le plan collectif, c’est de terminer dans les cinq premiers comme c’est le cas depuis le début de la saison. Alors, la défaite face à Angers a compliqué la donne, mais on y croit toujours et on a des confrontations directes encore. Sur un aspect personnel, c’est d’aller titiller les 15 buts, il reste 4 matches, j’ai déjà mis 2 doublés cette année, je peux encore en mettre et me rapprocher de la barre des 15 buts.

FM : National, Ligue 2, ça progresse, l’étape suivante, c’est forcément la Ligue 1 ?

AEO : oui clairement, comme je l’ai déjà dit, National 50-60 matches, Ligue 2, je suis aussi à 50 matches. L’étape du dessus, c’est l’étage du dessus, je ne m’en suis jamais caché. À la fin de cette saison, j’aurais fait 18 mois en Ligue 2, si je marque encore 2-3 buts, j’aurais passé la barre des 20 buts et quasiment une dizaine de passes décisives. Naturellement il faut aller montrer, exprimer ses qualités dans l’élite. En Ligue 1 ou à l’étranger d’ailleurs.

«Aujourd’hui, je pense que je suis pas très loin des A du Maroc»

FM : vous ne vous fermez aucune porte pour votre avenir ?

AEO : non aucune, je suis vraiment ouvert à pas mal de choses. Mon seul objectif c’est de continuer à progresser et à avancer et pour ça j’estime que je dois aller dans un championnat d’un top niveau que ce soit une Ligue 1, une Serie A, une première division. Mais je laisse l’agence Wasserman, qui s’occupe de mes intérêts, gérer cela pendant que moi je me concentre sur le terrain.

FM : parlons aussi de la sélection nationale du Maroc. Vous êtes international U23, que vous manque-t-il pour prétendre à une sélection avec les A ?

AEO : aujourd’hui, le niveau de l’équipe nationale du Maroc est beaucoup plus élevé qu’avant. Il suffit de le voir sur la dernière Coupe du Monde où on a terminé demi-finaliste. Automatiquement, ce qu’il va me manquer c’est de m’exprimer et d’être décisif dans une première division. Aujourd’hui, je pense que je suis pas très loin, j’ai fait U20, U23, l’été dernier on a gagné la CAN avec les U23. Cet été il y a l’objectif de faire les JO. C’est dans un coin de ma tête, pour n’importe quel joueur c’est un objectif de jouer ce genre de compétition. Après on sait qu’il y a plusieurs facteurs qui rentrent en compte.

FM : avez-vous eu des discussions avec Walid Regragui ou son staff ?

AEO : le sélectionneur, on a déjà discuté ensemble l’été dernier lors de la CAN. Comme elle se déroulait chez nous au Maroc, on dormait dans les infrastructures incroyables de la sélection nationale et on avait accès au bâtiment de l’équipe A, et il était souvent avec nous. Quand j’échangeais avec lui, quand j’avais un retour du staff des U23, ou même des scouts du Maroc, c’était clair. Il faut aller voir l’étage du dessus. Faut qu’on puisse voir ce que tu es capable de faire, de montrer tes qualités plus haut et là on fera appel à toi. Mais je sais qu’ils me suivent, qu’ils me regardent. Donc, le message est clair : il faut performer au plus haut niveau. C’est ce que je compte faire et c’est un objectif à court terme que j’espère réaliser.

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