Bernard Caïazzo : « Nasser Al-Khelaïfi a sauvé plusieurs fois le foot français »
Mécontent d’avoir été zappé dans le Complément d’Enquête sur Nasser Al-Khelaïfi, l’ancien co-président de Saint-Etienne Bernard Caïazzo s’est confié à Foot Mercato sur ce qu’il estime être un manque de respect.

Jeudi, France 2 diffusait son épisode de Complément d’Enquête qui se nommait «Pouvoir, Scandale et Gros sous» pour évoquer Nasser Al-Khelaïfi et le PSG. Une enquête de 9 mois qui promettait de grosses révélations autour des méthodes du président parisien avec le témoignage de plusieurs acteurs du foot français mais pas que. L’ancien actionnaire et ancien co-président de l’AS Saint-Étienne, Bernard Caïazzo était aussi annoncé comme l’une des personnalités interrogées dans ce reportage. Mais son interview n’a finalement pas été diffusée du tout par les équipes de Complément d’Enquête. Une décision dont il a pris connaissance quelques jours avant la diffusion et qu’il juge malhonnête, estimant que le reportage est à charge contre Nasser Al-Khelaïfi sans entendre les avis contraires.
Foot Mercato : expliquez-nous la situation autour de ce Complément d’Enquête sur Nasser Al-Khelaïfi
Bernard Caïazzo : j’ai été contacté il y a plusieurs mois, mais ils ont surtout utilisé mon nom. J’ai fait une interview, que je ne voulais pas faire au départ, en novembre. J’ai perdu du temps, car ils ont utilisé mon nom il y a deux semaines pour faire la promotion de l’émission. Moi, j’avais donné une interview franche sur ce que je pensais de Nasser et puis on m’annonce deux jours avant que mon passage ne sera pas gardé. Je ne connais pas les raisons. J’ai dit que c’était un manque de respect et que je trouvais ça incorrect. Je pense juste que c’était une émission à charge à fond.
FM : qu’avez-vous pensé justement de cette enquête diffusée ce jeudi ?
BC : sincèrement, ils ne connaissent pas le football. 9 mois d’enquête, je ne sais pas si le journaliste a travaillé dans le football… Mais nous expliquer qu’un président de club peut influencer les supporters en fonction des banderoles qu’ils mettent… C’est une plaisanterie. Ils ne se rendent pas compte. Si tu as un Marseillais, formé à Marseille qui part libre et signe au PSG, il pense que les supporters ne vont pas mettre des banderoles pour insulter sa mère, son père, son grand-père ? C’est malheureux hein, mais Nasser Al-Khelaïfi n’a pas un contrôle là-dessus. Et surtout comme si Nasser allait s’occuper de ça. Ils ne comprennent pas que Nasser, par exemple, il a aussi un rôle de président de l’ECA. Il discute avec Infantino, il ne va pas s’emmerder avec des histoires de tribunes.
FM : il y a aussi cette histoire d’armée numérique…
BC : l’armée digitale, donc il y a 60 mecs à Tunis qui font du digital pour mettre des publications sur les réseaux sociaux. Ah bon ? Donc il y a 100 millions de supporters et eux, ils n’envoient rien sur les réseaux. Tu penses sincèrement que s’il y a une tendance lourde des supporters qui ne sont pas contents, il suffit de 60 personnes à Tunis pour compenser ? Moi, si je suis journaliste, j’aurais aimé rencontrer deux ou trois de ces personnes. Ce n’est pas possible que parmi ces 60 personnes qui ne travaillent plus au PSG, visiblement, personne ne vienne raconter ce qu’il fait concrètement, ce qu’on lui dit.
FM : donc, vous ne croyez pas à cette armée numérique payée par le PSG ?
BC : je pense qu’il y a des entreprises qui font ça pour favoriser le développement de leur produit. Moi, je ne connais pas ces sociétés, je n’en ai jamais rencontré. Mais ça doit exister. Mais au niveau football… La puissance médiatique du football est tellement importante, encore plus au PSG, c’est pas une équipe d’une agence qui va contrecarrer une tendance lourde quand le PSG joue mal etc. Ce ne sont pas 1000 messages qui vont changer les choses.
FM : non, mais le reportage évoque surtout des messages pour descendre certains joueurs par exemple
BC : mais si le joueur est comme il faut, il a tellement de followers qu’il va avoir des soutiens. Je ne sais pas, je ne connais pas ces sujets-là. Moi, ce qui m’a choqué, c’est que 24h avant ce reportage, on m’a contacté pour me dire "désolé, on ne passera pas votre interview" alors qu’il m’a couru après pendant 10 jours en novembre. Il me disait que les présidents de club ne voulaient pas parler. Mais c’est normal, il y a une règle d’or, on ne se critique pas publiquement entre présidents de clubs sinon ce serait tous les matins. Donc j’ai dit d’accord pour parler.
FM : quel est votre lien avec Nasser Al-Khelaïfi ?
BC : Nasser, c’est moi qui le reçois pour la première fois à Paris. J’étais président du collège de Ligue 1. Je me suis disputé une fois avec lui, le jour de l’élection de Vincent Labrune. Car moi j’avais voté Labrune et Nasser ne voulait pas, il m’avait demandé de voter Denisot. On a eu un accrochage sévère. Mais ça arrive partout. J’en ai vu des accrochages moi. Une fois entre Jean-Claude Plessis et Jean-Michel Aulas. Ou entre Aulas et Diouf, j’ai même cru qu’ils allaient se mettre sur la gueule. J’ai été 14 ans au conseil d’administration de la Ligue, vice-président de la Ligue, j’ai le record absolu. J’ai dû rater une réunion en 14 ans. Et moi-même, j’ai eu des accrochages comme avec Thiriez, Aulas et même Olivier Sadran. Un jour, il m’a même dit "quand tu marches dans la rue, fais attention à qui est derrière toi", j’ai rigolé. Dans l’énervement, les gens peuvent dire des choses.
FM : il y a cette séquence pendant la réunion aussi (ndlr: où NAK s’emporte contre John Textor et Joseph Oughourlian)…
BC : Nasser est énervé, ça ne se passe pas bien. Les gens comptent toujours sur beIN pour sauver la situation. Il a l’impression qu’en mettant 100 millions, il a fait l’effort maximum. On est à la veille du championnat. Tout le monde est à fleur de peau. Et ça s’explique. Les pertes pour beaucoup de clubs, ça va les mettre dans des situations pas possibles.
FM : cette double casquette président du PSG-président de BeIN en pleine réunion des droits TV ne vous dérange pas ?
BC : je vais vous dire. J’ai participé à tous les appels d’offre depuis 2008, BeIN a sauvé la situation plusieurs fois. Nasser a sauvé la situation. Et après il y a un problème de rentabilité. Nasser ne peut pas faire ce qu’il veut, jouer sur l’argent du Qatar. Les gens pensent qu’il peut sortir 600 millions comme ça, pour rendre service. C’est impossible. Après, c’est vrai qu’il y a un énervement, mais ce n’est pas le caractère de Nasser.
FM : quel est le caractère de Nasser Al-Khelaïfi justement ?
BC : tous les gens qui vont au Carré VIP te diront que c’est le plus délicieux des présidents. Avant, je me souviens Leproux (ndlr : l’ancien président du PSG), personne ne pouvait le voir. Quand on allait jouer au Parc des Princes, il te recevait comme un chien. Celui qui reçoit le mieux de tous les clubs, c’est Nasser et tout le monde le dira. Mais il est comme tout le monde, il a ses défauts. Il a des certitudes, je lui ai dit. Quand tu as des convictions d’accord, mais les certitudes, c’est autre chose. Nasser son défaut, c’est que c’est un compétiteur, il veut absolument réussir. Il a une mission et veut réussir dans toutes ses ambitions, mais c’est normal, car l’Emir lui accorde une confiance énorme.