Le Grand Stade, le PSG, la taxe à 75 %, Monaco : les confidences de Jean-Michel Aulas
Dans un entretien accordé aux Échos.fr, le président de l'Olympique Lyonnais Jean-Michel Aulas a balayé l'actualité économique de son club.
En première ligne sur les dossiers chauds du mercato et après avoir bouclé son exercice comptable, Jean-Michel Aulas a trouvé le temps d'évoquer la stratégie économique de son Olympique Lyonnais au cours d'une longue interview accordée aux Échos.fr. « Nous sommes dans une phase de transition. Le modèle économique change. Le foot avait tendance à équilibrer ses comptes via les transferts ; demain, il faudra de plus en plus compter sur les recettes stables d'un stade de 60.000 places que très peu de clubs pourront avoir. Nous allons vers ce modèle et nous partons avec des bases saines. Au cours des dix dernières années, nous avons combiné excellence sportive et financière dans un modèle cohérent avec celui du « financial fair play » de l'UEFA, et le club a généré au cours de la dernière période de dix ans près de 250 millions d'euros de cash-flow positif. Le club dispose de fonds propres très importants (près de 90 millions). Et il est régulièrement sur le podium. La marque OL est une marque forte, nous avons aussi une excellente équipe de foot féminine, ce qui est un indéniable atout auprès des sponsors, et nous disposons d'une académie forte, qui est en deuxième place en Europe derrière le FC Barcelone», a-t-il expliqué pour défendre son bilan actuel.
Il en a également profité pour expliquer l'importance que revêt le Grand Stade pour ses projets futurs. «L'UEFA veut limiter les excès, les déficits à répétition comme les actionnaires mécènes qui renflouent systématiquement les comptes. L'objectif est vertueux car cela devrait contribuer à remettre le sport au premier plan tout en limitant l'inflation salariale. Pour croître, les clubs auront besoin de dégager des ressources financières stables moins dépendantes de l'aléa sportif. (...) Dans le foot, (...) le stade est un actif économique générant des recettes que les clubs doivent contrôler. Arsenal l'a fait à Londres avec l'Emirates Stadium, le Bayern l'a fait à Munich avec l'Allianz Arena. L'exemple du Bayern montre qu'un club bien géré peut rembourser en près de dix ans son stade et, à terme, cela génère des recettes pour le club propriétaire. Si l'on passe par un partenariat public-privé, cela ne procure pas de ressources au club et cela peut coûter, du fait des taux actuariels, des sommes considérables à l’État et donc aux contribuables. Moi je suis un entrepreneur, je suis prêt à prendre des risques pour que l'OL récupère 100 % des ressources. Lyon, c'est la deuxième métropole française, nous sommes le premier club français dans le Top 20 européen. Et, dans ce Top 20, il n'y a que deux clubs qui ne sont pas propriétaires de leur stade», a-t-il justement analysé, regrettant les retards déjà pris sur ce chantier, qui parait cette fois bien parti.
Le PSG et Monaco sont de bonnes nouvelles pour la L1
Un projet du grand stade dont il explique encore les grandes lignes. «On a perdu quatre ans, mais les choses avancent. Notre stade devrait être prêt pour l'Euro 2016 et probablement quelques mois avant. Les travaux de terrassement sont terminés et nous pourrons démarrer la construction dès que nous serons en mesure de finaliser le montage financier, qui comporte une part d'autofinancement par fonds propres, un financement via un pool bancaire de l'ordre de 130 M€, et un financement obligataire de l'ordre de 110 millions. Au total, on parle d'un projet de 405 millions pour 45 hectares, avec un stade, deux hôtels, une clinique du sport, un centre de loisirs, un centre de remise en forme et un projet immobilier. Cet espace vivra les jours de match comme le reste de la semaine, pour les amateurs de foot comme pour le grand public et les professionnels. Notre projet donnera du travail à 2.500 personnes pendant la construction et créera 1.500 emplois permanents en phase d'exploitation. Au-delà de la complexité du montage financier, il faut reconnaître que, en France, rien n'est fait pour limiter et punir les recours abusifs. Le droit de l'urbanisme profite à tous les opposants. Aux États-Unis, ceux qui déposent plainte sans raison paient parfois de lourdes indemnités», a-t-il indiqué.
En tant que chef d'entreprise avisé, le pragmatique JMA s'est ensuite félicité de l'arrivée dans le football français de nouveaux investisseurs comme c'est le cas au Paris SG et à l'AS Monaco. Il considère même qu'ils peuvent insuffler un vent nouveau permettant de faire entrer le championnat de France dans une nouvelle ère, un cercle vertueux. «L'Angleterre a permis à de nouveaux investisseurs d'investir pour relancer des clubs, et regardez le résultat. Le foot anglais est populaire dans le monde entier. Les ventes de droits télé rapportent 600 millions d'euros à l'international, c'est vingt fois plus que la vente des droits internationaux du foot français. Nous pouvons nous aussi entrer dans un cercle vertueux avec des clubs plus riches, des stars et donc des affiches qui généreront des droits supplémentaires pour tout le monde», a-t-il expliqué.
Pour autant, JMA craint que la taxe à 75 % sur les hauts revenus voulue par l’État ne complique la donne pour les clubs français déjà soumis à des règles plus contraignantes que chez nos voisins européens. «Ce serait une catastrophe économique. Un choc que le foot français ne sera pas capable d'encaisser. On prendrait les clubs, qui ne sont que des PME, en otage car nous avons signé des contrats qui nous engagent sur la durée et qui ne pourraient pas prendre en compte cette évolution de la fiscalité. Il faut au moins que la taxe ne puisse pas s'appliquer sur les contrats déjà signés. Cela a été fait lorsque l'administration a supprimé le droit à l'image collectif des sportifs. Cela pourrait se faire pour la taxe à 75 %», a-t-il conclu. Sur le mercato, comme sur l'actualité plus générale du monde du football, l'omniprésent Jean-Michel Aulas n'hésite jamais à dire ce qu'il pense.