Players Tactique Ligue des Champions

Les finales de légende : Ajax Amsterdam - AC Milan (1995)

On poursuit notre série sur les finales légendaires de la Ligue des Champions avec la victoire de l'Ajax Amsterdam aux dépens du tenant du titre, l'AC Milan, lors de l'édition 1994/1995.

Par Frederic Yang
10 min.
Patrick Kluivert, unique buteur de la finale de Ligue des champions 1995 @Maxppp

Le parcours avant la finale

Pour cette édition 1994/1995, la Ligue des champions change encore de formule. Seules 24 équipes sont qualifiées, contre 42 la saison passée, et un tour préliminaire est organisée avant une phase de poules composée de 4 groupes de 4 équipes. Comble du hasard, les deux futurs finalistes tombent dans le même groupe, le groupe D et s’affrontent deux fois. À Amsterdam, l’Ajax surprend l’AC Milan en s’imposant 2-0 après une prestation collective de haute volée ponctuée par des buts de Ronald De Boer et Jari Litmanen. Au retour, Les Milanais reçoivent les Ajacides à Trieste, puisque l’UEFA a banni San Siro après des incidents causés par les supporters milanais lors du match contre l’Austria Salzburg. Sur ce terrain neutre, l’AC Milan se fait une nouvelle fois surprendre par la fougue des jeunes joueurs de l’Ajax qui s’imposent encore (2-0) sur des buts de Litmanen et un csc de Baresi. Sanctionné de 2 points de pénalité à cause des incidents à San Siro, l’AC Milan parvient tout de même à se qualifier pour les quarts de finale en finissant deuxième du groupe derrière l’Ajax, invaincu avec son bilan de 4 victoires pour 2 nuls.

En quarts, l’Ajax Amsterdam triomphe des Croates de l’Hadjuk Split (0-0, 3-0) tandis que l’AC Milan élimine le Benfica Lisbonne (2-0,0-0). En demi-finales, les Milanais sont opposés au Paris Saint-Germain et remportent la double confrontation (1-0, 2-0) grâce à un but en fin match de Boban au Parc des Princes et un doublé de Savicevic à San Siro. De son côté l’Ajax Amsterdam a dû se débarrasser du Bayern Munich. Après un nul (0-0) à l’aller, les hommes de Louis Van Gaal réalise une prestation époustouflante au Stade De Meer à Amsterdam, en s’imposant (5-2) avec notamment un doublé de Litmanen. L’AC Milan retrouve donc sa bête noire, l’Ajax Amsterdam, en finale au stade Ernst-Happel de Vienne.

Les plans de jeu

Si elle n’a pas marqué les esprits pour son spectacle, cette finale de 1995 à Vienne a au moins eu le mérite d’être une superbe bataille tactique entre deux grands entraîneurs. Surclassé deux fois par Louis Van Gaal lors de la phase de poules, Fabio Capello a dû se creuser les méninges avant cette finale. Privé de son génie Dejan Savicevic, blessé à la cuisse gauche, l’entraîneur italien avait décidé d’aligner Marco Simone dans son onze de départ et en plus de concocter son habituel 4-4-2 à plat… du moins sur le papier.

Car dès le début match, le dispositif milanais s’est transformé pour s’adapter au 3-3-3-1 ou plutôt 3-4-3 losange de Louis Van Gaal (dont on parlera juste après). L’équipe s’est donc disposée en 4-1-3-1 avec un Zvonimir Boban qui évoluait dans le cœur du jeu, poussant Albertini (dont le volume physique était plus important) en relayeur gauche, tandis que Marcel Desailly avait une mission particulière. En attaque, lorsque le gardien milanais se saisissait du ballon, le Français se positionnait souvent comme troisième attaquant pour être la cible des longs dégagements aériens de Rossi. Sans ballon, Desailly venait se placer au niveau de la charnière Baresi-Costacurta pour contrôler les déplacements de Litmanen dans la surface de réparation.

Capello a eu une approche très prudente, encore plus qu’à l'accoutumée (c’est dire), puisqu’il a aussi fait défendre son équipe en bloc médian en empêchant ses attaquants d’aller presser haut l’adversaire. Sur les sorties de balle de l’Ajax, Simone et Massaro venaient cadrer Blind et De Boer, laissant la responsabilité à Reiziger (moins à l’aise techniquement) d’organiser le jeu alors que les autres joueurs étaient pris en marquage individuel et que les deux attaquants centraux (en comptant Litmanen) étaient en infériorité numérique dans une zone comprenant 3 joueurs d’expérience (Desailly, Costacurta, Baresi). Cette organisation défensive a permis à l’AC Milan de concéder peu d’occasions dans ce match mais le problème, c’est que l'équipe ne s'en est pas créée beaucoup non plus la faute à un schéma de jeu sans doute trop prudent voire rigide.

Du côté de Van Gaal, la prudence était aussi de mise même s’il a tenu à conserver les principes qui lui ont permis d’atteindre cette finale de C1 avec un effectif relativement jeune. Il y avait tout d’abord cette organisation en 3-4-3 losange si particulière qui a inspiré des entraîneurs comme Bielsa ou encore Guardiola. Il s’agissait plus particulièrement d’un 3-1-2-1-2-1 avec une première ligne composée de trois défenseurs centraux (Blind, Frank De Boer et Reiziger). Plus haut, Rijkaard évoluait comme une sentinelle qui pouvait protéger et soulager à la fois les défenseurs mais aussi les deux milieux relayeurs, Davids et Seedorf, positionnés un peu plus haut que lui. Overmars et le Nigérian George Finidi devaient se charger d’animer les côtés à eux-seuls tandis que Litmanen était un numéro 10 capable de marquer beaucoup de buts en se plaçant aux côtés de l’attaquant de pointe, qui était Ronald De Boer (plutôt milieu offensif de formation) au coup d’envoi. La force de ce dispositif était principalement les sorties de balle courtes et propres puisque les trois centraux étaient généralement en supériorité numérique face au formation jouant à 2 attaquants. Et quand l’Ajax Amsterdam affrontait une équipe avec 3 joueurs devant au pressing, un losange pouvait s’organiser pour bien sortir la balle avec des solutions dans les demi-espaces avec Seedorf et Davids (ce qui a inspiré le concept de latéraux inversés de Guardiola) et d'autres sur les côtés.

Durant cette finale, les hommes de Van Gaal ont été particulièrement patients sur leurs sorties de balle. Beaucoup de passes en retrait ont été effectuées pour pouvoir sortir le ballon proprement. Par contre, les Ajacides ont eu de grosses difficultés pour atteindre le dernier tiers du terrain car la défense milanaise était bien préparée. Le plan de Capello qui consistait à laisser Reiziger libre a bien fonctionné puisque le défenseur néerlandais cherchait constamment à jouer vers R. De Boer ou Litmanen mais c’était exactement-là où les Milanais souhaitaient que les ballons arrivent et ils ont dominé cette zone jusqu’à l’entrée de Nwankwo Kanu (53e) en avant-centre.

Grâce à sa taille (1,97 mètre) et à son jeu de conservation du ballon dos au but, l’attaquant nigérian a permis à l’intégralité du bloc ajacide d’avancer sur le terrain et à être plus menaçant dans la surface milanaise. La fougue de George Finidi sur le côté droit a aussi été un danger permanent que l’AC MIlan a dû contrôler mais c’est finalement, la malice et l’audace de Patrick Kluivert (âgé de 18 ans à l’époque) qui a fait succomber les Milanais en fin de match.

Le film du match

Comme annoncé en prélude, le début de match donne droit à une guerre tactique entre deux entraîneurs qui ne veulent rien laisser au hasard. Les 20 premières minutes sont stériles en occasion mais un homme se distingue : Marcel Desailly. Déjà auteur de deux finales sublimes de C1 consécutives (une avec l’OM et une avec l’AC Milan), le Français est omniprésent et domine tous les compartiments du jeu. Sa présence aux côtés des deux attaquants milanais perturbent l’arrière garde ajacide, qui tient bon grâce aux sorties courageuses (et parfois hors de la surface) d’Edwin Van Der Sar. La première occasion survient suite à un corner de Finidi. Frank De Boer coupe magistralement la trajectoire du ballon mais sa tête s’envole juste au-dessus du but de Rossi (22e). Marco Simone, qui fait apprécier son jeu dos au but, parvient enfin à tirer mais sa frappe lointaine et écrasée n’inquiète pas vraiment Van Der Sar (27e). Mais l’AC Milan commence à trouver des failles dans la défense adverse. Sur un mouvement initié par Maldini, Simone redonne le ballon d’une talonnade à l’arrière gauche italien qui centre fort dans la surface à destination de Donadoni, qui remet en une touche à Panucci, seul dans les six mètres. Le défenseur italien est contrée au dernier moment par Frank De Boer, qui dévie le ballon en corner. Pour l’Ajax, la meilleure action de la première période est à mettre au crédit de Louis Van Gaal qui mime un coup de pied sauté et dangereux de Desailly devant l’arbitre de touche. Juste avant la pause, l’AC Milan s’offre une belle opportunité d’ouvrir le score mais la sublime reprise de volée de Simone, suite à un centre de Donadoni, est repoussée des poings par Van Der Sar.

Le match finit par basculer à 54e minute. Kanu remplace Seedorf et se repositionne en avant-centre tandis que Ronald De Boer récupère la place de Seedorf au milieu, mais avec des intentions plus offensives. L’Ajax qui n’arrivait pas jusque-là à conserver le ballon dans le camp milanais commence à le faire grâce à la présence de Kanu, qui libère Litmanen ainsi qu’Overmars, qui était transparent en première période. Malgré cette réorganisation, c’est l’AC Milan qui se crée une nouvelle belle opportunité avec Massaro, qui rate son tir après un bon contrôle orienté (64e). À 20 minutes de la fin du match, Van Gaal sort Litmanen pour faire entrer un deuxième attaquant central, Patrick Kluivert (18 ans) dans l’espoir de faire sauter le verrou milanais. Avec la fatigue, les occasions commencent à s’enchaîner et les failles se font de plus en plus visibles. Simone manque encore deux belles opportunités (77e, 81e) comme Finidi (78e) et Overmars (81e) avant l’ouverture du score de l’Ajax Amsterdam.

Tout part d’une contre-attaque après un débordement de Maldini sur le côté gauche mais les Ajacides prennent leur temps plutôt que de se précipiter. Kluivert décroche au milieu de terrain pour servir d’appui avant que le ballon ne parvienne à Finidi qui décide de changer d’aile vers Overmars. L’ailier néerlandais est pris à deux par Panucci et Donadoni donc il joue en retrait vers Davids qui préfère jouer vers sa droite pour Rijkaard, seul dans le cœur du jeu. L’ancien milanais prend son temps et attend la prise à deux de Baresi et Desailly pour servir idéalement Kluivert, qui se retrouve seul à l’entrée de la surface. L’attaquant néerlandais est couvert par Albertini, qui avait suivi le déplacement de Ronald De Boer (positionné très haut sur le terrain), et parvient à enchaîner un contrôle orienté du gauche pour se présenter face à Rossi. Malgré le retour musclé de Boban, Kluivert réussit à garder l’équilibre et finit par effectuer un pointu du pied gauche en taclant pour éviter le retour de Baresi. La frappe soudaine et instinctive du jeune attaquant trompe Rossi (85e) et les hommes de Van Gaal exultent, 1-0.

Dans les arrêts de jeu, les Amstellodamois manquent même de faire le break sur contre-attaque avec un joli numéro de Kanu, qui a mis Costacurta dans sa poche, avant de servir Blind en retrait, venu anéantir les espoirs milanais. Mais la frappe puissante à ras-de-terre du défenseur est finalement repoussée du pied par Rossi. Qu’importe, l’arbitre roumain Ion Craciunescu siffle la fin du match et l’Ajax remporte sa quatrième Ligue des champions après les titres de 1971, 1972 et 1973. Cette magnifique génération ajacide disputera une nouvelle finale de Ligue des Champions l’année suivante (malgré les départs de Seedorf et Rijkaard) mais qu’elle perdra, cette fois, aux tirs aux buts contre la Juventus Turin.

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