Tony Chapron sort du silence
Quatre mois après son geste sur Diego Carlos lors de Nantes-PSG, Tony Chapron a accepté de se livrer lors de l’émission Intérieur Sport diffusée ce dimanche sur Canal +. L’arbitre français est conscient de son énorme erreur.

Le 14 janvier 2018, la carrière de Tony Chapron bascule en une fraction de seconde. Alors qu’il a annoncé sa retraite pour la fin de cet exercice 2017-2018, l’arbitre français dérape sur la pelouse de la Beaujoire. Après avoir asséné un croche-pied à Diego Carlos, qui l’a involontairement heurté, Tony Chapron sort un deuxième carton jaune et exclut le défenseur nantais. Quatre mois après cet incident, l’homme de 46 ans a décidé de sortir du silence dans l’émission Intérieur Sport de Canal + en revenant sur ce qui est désormais le dernier match de sa carrière.
Blessé à un mollet lors d’une séance à Clairefontaine le 6 décembre dernier, Tony Chapron a dû s’absenter en fin d’année pour mieux revenir : «quand c’est ta dernière saison, les matches, tu les comptes. Je sais qu’en me blessant le 6, j’ai tout le mois de décembre qui va sauter. Dans mon compte à rebours, je n’en ai plus que 10, et je reprends en janvier.» Revenu sur les pelouses lors d’un Saint-Malo-Châteauroux en Coupe de France, Tony Chapron pense néanmoins rapidement à ce Nantes-PSG, lui qui a comme référence le même match en finale de la Coupe de France 1983. Satisfait de sa prestation en ce soir du 14 janvier, l’homme en bleu se sent bien avant d’entrer dans le temps additionnel. «Globalement,à la 90e minute, je me dis que j’ai vécu un bon match. Et je me dis que je suis content d’être là et que ça s’est bien passé», explique alors Tony Chapron avant d’aborder le sujet phare.
Bousculé par Diego Carlos, l’arbitre de la rencontre ne comprend d’abord pas ce qu’il se passe : «je suis lancé à pleine vitesse et là, je sens une poussée qui me semble violente. Je tombe, je roule sur moi… quand je me relève, je vois un genou arriver vers ma figure. Quand je le vois arriver, j’ai la sensation d’être poussé violemment, j’ai mal et j’ai peur. Je me dis 'merde ma jambe.'» La suite, le principal concerné ne l’a comprend toujours pas : « j’ai un réflexe, qu’on pourrait dire stupide, mais j’ai un réflexe humain. Je fais complètement abstraction de mon rôle. J’en sors le temps d’une fraction de seconde et quand je m’en rends compte, c’est trop tard, le mal est fait. Je m’en rends compte tout de suite, dans la seconde d’après je me dis 'qu’est-ce que j’ai fait ?'. Et après je lui mets un carton jaune, je suis incohérent. Si je me sentais menacé, c’est un carton rouge. Mais là, je suis dans un entre deux, je flotte, je ne sais pas trop où je suis. À ce moment-là, je perds ma lucidité.»
Une fin de carrière programmée à Caen
Le mal est malheureusement fait. Il faut attendre le retour à l’hotel et le visionnage des images pour que Tony Chapron prenne conscience de la gravité de son geste : «je suis conscient d’avoir fait une énorme erreur. Je ne mesure pas encore les conséquences mais je sais qu’elles vont être dramatiques pour ma carrière, enfin ce qu’on va retenir de ma carrière… Dans 5 ans, vraisemblablement, on m’en reparlera. J’aurais fait 1500 matchs dans ma carrière mais on ne me parlera que de cette action-là. Une fraction de seconde, un réflexe idiot, mais humain, que tu portes comme une croix», analyse-t-il simplement.
Dès lors, Tony Chapron sait que sa carrière se terminera plus tôt que prévu. Sanctionné d’une suspension de six mois fermes plus deux avec sursis, ce dernier ne reprendra pas son sifflet : « construire un match, c’est comme construire un petit château de cartes. La dernière que tu mets, c’est ton coup de sifflet final en espérant que rien ne s’effondre. Moi, il y a eu un double effet, le match et toute ma carrière. J’ai construit un énorme château de cartes et en une seconde, toutes les cartes sont tombées. Et je l’ai senti, j’ai senti le poids de mon erreur.»
Une erreur qui lui a donc coûté une éventuelle sortie par la grande porte. Habituellement, les arbitres peuvent en effet demander un match à arbitrer afin de terminer leur carrière comme ils le souhaitent. Tony Chapron avait lui aussi tout prévu avec les dirigeants de l’arbitrage… « Je leur ai demandé une chose, c’est de pouvoir terminer ma carrière à Caen. Parce que je suis originaire de la région et que dans ce stade, j’ai des fantômes d’amis que j’ai perdu et qui étaient des supporters du Stade Malherbe de Caen. Et j’ai des personnes qui m’ont aidé dans l’arbitrage que je voulais remercier, inviter à l’occasion de ce match. Et donc quand j’ai pris conscience que ce ne serait pas possible, ça a été un déchirement fort. On ne m’a pas enlevé ma fin de carrière, on m’a enlevé autre chose, de plus intime», conclut le natif de Flers, visiblement touché. Coup de sifflet final.
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