À lire Ligue 1

Johnny Ecker : « j’ai échangé le maillot avec Ronaldo et je l’ai mis, je me suis dit que j’allais me faire défoncer…»

À l'occasion de la rencontre entre le LOSC et l'OM de ce dimanche soir, Johnny Ecker, qui a évolué dans les deux clubs et qui est président fondateur du club de L'Espoir Football Club Beaucairois, a évoqué sa vie et ses souvenirs avec Foot Mercato.

Par Constant Wicherek
14 min.
Lille @Maxppp

Foot Mercato : bonjour, Johnny Ecker, comment allez-vous ?

Johnny Ecker : eh bien, ça va bien merci ! Un peu occupé depuis que j'ai créé le club, de bonnes échéances sont arrivées. Le plus important, la santé, ça va ! Et je continue à transmettre la passion aux enfants et c'est ce qui m'importe le plus puisque j'ai appris comme ça en étant petit. Redonner toute cette expérience acquise, au fil des années, à ces garçons, c'est super sympa de la faire.

FM : ça fait combien de temps que vous avez créé le club ?

JE : ça va faire quatre ans et demi et là on termine notre cinquième année. On est 320 licenciés, on a toutes nos équipes au plus haut niveau régional, on vient de signer un partenariat avec l'OM, on en a un avec Montpellier. On travaille bénévolement et j'ai une équipe très compétente et très passionnée autour de moi. C'est ce qui nous fait avancer au quotidien.

FM : vous ne vous êtes pas trop éloigné des terrains...

JE : non, justement, je suis tous les jours sur le terrain. Je suis éducateur U10 et U16. Et quand toutes les équipes sont sur le terrain et que je n'ai pas entraînement, j'y suis aussi pour discuter, apprendre, être proche d'eux pour les rassurer, les corriger et faire en sorte que tout aille bien.

FM : ça a été une évidence de rester dans le foot ?

JE : non, pas du tout (rires). Déjà ma fin de carrière ça s'est mal fini avec trois opérations de la cheville. Je ne voulais pas trop rentrer dans le monde amateur, mais j'y suis allé par l'intermédiaire d'un ami. J'ai découvert le monde amateur, qui me plaisait bien. Il y a un décalage terrible avec le monde professionnel. Si les instances n'ouvrent pas les yeux et ne trouvent pas rapidement une passerelle entre les deux mondes, le monde amateur file un mauvais coton et ça va être très compliqué pour certains.

FM : pourquoi ?

JE : financièrement déjà. On trouve de moins en moins de sponsors, les collectivités ont du mal à donner. On fait des restrictions sur pas mal de choses. J'ai misé sur le projet sportif avec les gamins pour trouver des sponsors, c'est ce qui nous arrive. On est subventionné par la mairie donc il n'y a pas de soucis là-dessus. On a pas mal de sponsors. Mais le monde amateur fait peur. C'est très compliqué.

FM : c'était le même discours il y a quelques années avec Emmanuel Petit...

La suite après cette publicité

JE : nous sommes d'anciens professionnels, on voit ce qui se passe dans les clubs. Après, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne : il y en a pour qui ça va bien financièrement, pour d'autres c'est moins ça, on essaie de faire comme on peut. J'ai créé un club, et c'est basé sur le respect avant tout. C'est très dur parce que, quand vous éduquez des enfants, il y a aussi les parents et les éducateurs, que vous arrivez dans d'autres clubs où ce n'est pas comme ça... c'est très dur. Tant que les instances ne prendront pas des sanctions très dures et sévères envers ceux qui ne font pas comme il faut, pour moi le monde amateur va mourir très doucement. C'est simple. Il y a beaucoup de clubs qui fusionnent, bon c'est aussi sur l'aspect financier. Il y a aussi de la violence, des intimidations donc les joueurs arrêtent. Les clubs manquent de joueurs et les clubs fusionnent. Mais je ne me plains pas parce que j'aime ce que je fais. Ce n'est pas toujours facile, mais on s'accroche.

FM : vous pensez repasser dans le monde pro ?

JE : ça m'intéresse... il ne faut jamais dire jamais. J'ai été approché par certains, mais depuis le moment où j'ai créé mon club, je veux le structurer comme il faut pour le faire avancer. Et si un jour je devais le quitter, c'est qu'il serait sain à tous les niveaux, ce qui est déjà pas mal. Pourquoi pas intégrer, c'est mon rêve, un centre de formation. Je suis dedans donc ça me plairait bien. Il ne faut pas oublier que j'ai été formé au Nîmes Olympique. Aujourd'hui, il y a des gens en place, c'est un peu compliqué, mais je me répète, mais dans le monde amateur, je me régale. Je suis président fondateur du club, c'est sympa.

« Ce sont deux clubs exceptionnels »

FM : mais avec tout ça, vous continuez à suivre l'actualité de la Ligue 1 ?

La suite après cette publicité

JE : bien sûr. J'ai encore des amis qui jouent, des gens qui sont au sein des clubs. Quand on est passionné, on regarde ce qui se passe. Je n'oublie pas d'où je viens, que ce soit d'en bas ou d'en haut. Je suis évidemment le championnat.

FM : elle est un peu spéciale cette année de Ligue 1...

JE : elle est particulière. Elle est ouverte à tout le monde. On revoit l'Olympique de Marseille, et c'est tant mieux, revenir tout en haut. On s'aperçoit que l'OL a des difficultés, que le PSG est intouchable. C'est ouvert à tout le monde : il n'y a pas si longtemps que ça, Nîmes était condamné et ils gagnent trois matches, ils remontent. Il ne faut pas se le cacher, ça reste un championnat un peu triste, on serre la ceinture, il n'y a presque pas de buts. On est à l'opposé de ce qu'on peut faire en Allemagne, en Espagne et en Angleterre.

FM : dimanche, vos deux anciens clubs s'affrontent...

JE : ce sont deux clubs que je suis bien évidemment, même si je ne connais plus grand monde à Lille. Ce sont deux clubs qui, eux, vont jouer pour se qualifier pour la Champion's League, parce que champion ce n'est plus possible avec Paris. Lille est bien remonté, a une belle petite équipe, je pense que Galette (Christophe Galtier, ndlr) fait du super travail avec une équipe compétente. Je pense qu'on va voir un beau match. Lille est un peu plus ouvert que l'OM, mais l'OM défend très bien et réussit sur ses occasions à mettre des buts malgré l'effectif qu'il a, mais j'espère qu'on va voir un très bon match.

FM : en plus, le foot actuel n'a rien à voir avec celui votre époque

JE : ça n'a rien à voir ! Ce n'est pas moi qui le dis. Quand j'étais professionnel, il y a quinze ans, c'est Michel Platini qui disait : "le football évolue et on n'a pas l'impression de voir le même football tous les dix ans". Je dis exactement la même chose. Je n'ai pas l'impression qu'on joue pareil, ça va plus vite, c'est plus tactique, c'est plus physique. À mon époque, il y avait tout ça, mais on jouait pour jouer, gagner et prendre du plaisir. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, on est un peu robotisé et qu'on joue avant tout pour gagner, c'est bien, mais tout est édicté. Chaque joueur fait ce qu'il a à faire, mais il faudrait un peu plus de libertés.

FM : vous auriez aimé jouer dans une des deux équipes actuellement ?

JE : oui, dans les deux (rires). Pourquoi ? Je sais de quoi je parle, j'y suis passé, ce sont deux clubs exceptionnels. Parce que c'est très costaud physiquement et défensivement. Mon rôle, c'était de défendre. Il y a des joueurs d'expérience dans les deux clubs et ça joue au ballon. Il y a des résultats et c'est mieux d'évoluer dans une équipe qui a des résultats

«On pouvait très très peu discuter avec Vahid»

FM : quel est le meilleur entraîneur que vous ayez eu ?

JE : ils m'ont tous marqué. Mais honnêtement et je vous fais une confidence, s'il était là il vous le dirait. Je lui ai dit, quand je suis parti : "coach, je ne veux plus jamais que vous soyez mon coach, mais je vous serai toujours redevable et toute ma vie", c'était Vahid Halilhodžić.

FM : en plus, il y a plein d'anecdotes sur lui...

JE : Vahid, il y en a plusieurs. C'est quelqu'un d'entier, qui a vécu la misère, qui nous a éduqués comme lui. Il a eu une équipe très moyenne de Ligue 2, il en a fait des joueurs de Ligue 1 avec des résultats. Sa rigueur, c'était exceptionnel. Je me suis pris la tête au Vélodrome, à la mi-temps, pour des broutilles. Il était dur et il avait beaucoup de mal à comprendre certains gestes défensifs. C'était un très grand attaquant, lui. On pouvait très très peu discuter avec Vahid. Des garçons qui ne finissaient jamais l'entraînement parce qu'on avait le malheur de dire "oui, mais coach, ce n'est pas mieux comme ça ?" et quand tu lui tenais tête, il te disait (il imite un peu son accent, ndlr) "Merde, va vestiaire, j'arrive". On attendait deux heures. Je crois qu'avec Pascal Cygan, on était les deux joueurs qui l'attendaient le plus après l'entraînement (rires). On voulait justement lui donner un peu notre sentiment sur un placement défensif ou des choses comme ça et lui avait beaucoup de mal à ce que les joueurs lui disent ce qu’il fallait faire. C'est comme les vidéos...

FM : les vidéos ?

JE : il y avait des matches le dimanche soir et, souvent, on affrontait nos adversaires qui avaient joué le dimanche d'avant. Et il ne fallait pas regarder le match. Parce que la vidéo avec le staff en mise au vert, on regardait le match entier ! Ce n'étaient pas des morceaux, on regardait tout. Je peux vous dire que quand vous connaissiez le résultat, des 0-0, et vous saviez que c'était catastrophique, eh bien, pendant une heure et demie à regarder un match, c'était vraiment barbant. Après c'était très fort, j'ai beaucoup appris avec lui. Dans l'abnégation, dans la vie, et il avait une équipe très compétente avec lui. On avait une équipe de copains, je n'ai jamais retrouvé ça même si j'ai passé des bons moments après.

« Je suis lié au but à Parme et à mon plâtre »

FM : quel est votre meilleur souvenir de footballeur ?

JE : j'ai tendance à dire toute ma carrière ! Quand j'étais gamin, je rêvais de devenir pro et quand tu es pro, ton rêve est de jouer la Ligue 2, la Ligue 1, l'Europe, puis l'équipe de France ! J'ai quand même pas mal de rêves qui se sont réalisés. Le plus beau souvenir ? J'ai une finale de Coupe de France avec Nîmes, une finale de Coupe d'Europe avec l'OM, la qualification en Champion's League avec Lille. J'ai mon but contre Parme aussi ! Johnny Ecker, il est lié à ça ! À son but contre Parme et à son plâtre avec l'OM (rires).

FM : contre qui que vous avez pris le plus gros bouillon défensivement ?

JE : j'ai eu la chance de jouer contre de très grands joueurs. Il y en a un qui me vient à l'esprit et, pourtant, j'ai joué contre de très grands joueurs, que ce soit Ronaldo, Zidane, Beckham, Raul et Figo, j'ai eu un duel terrible avec lui, ça a été compliqué, mais celui qui m'a fait le plus de mal... Je n'aimais pas trop les petits gabarits, rapides, parce que je n'étais pas rapide, j'étais rugueux, teigneux, c'est Ludovic Giuly. Au Vélodrome, de par sa vitesse et ses petits crochets courts, il m'avait fait mal. Je le retiens, mais c'est un très très grand joueur. Je n'ai pas eu, sans prétention, dans ma carrière, des joueurs qui m'ont fait la misère au point que je me retrouve dans les bêtisiers, comme avait fait Ronaldo ou Ronaldinho, donc je peux être fier de ça.

FM : en parlant de Galactique, c'est quoi cette histoire d'échange de maillots ?

La suite après cette publicité

JE : on joue au Santiago Bernabéu avec l'OM en Champions' League et à la mi-temps je suis arrêté pour parler avec Canal +. Juste à côté, il y a Ronaldo qui est interviewé et on finit en même temps. Je n'avais pas vraiment fait attention au fait qu'il était là puis on se retrouve face à face et il me fait comprendre qu'il veut échanger son maillot avec moi. Dans ma tête, je me dis que c'est Ronaldo... Pas que j'avais peur, mais Alain Perrin ne voulait pas qu'on échange les maillots à la mi-temps, il disait qu'on avait autre chose à faire. Mais ce n'était pas possible de refuser ! J'ai échangé le maillot et je l'ai mis, je me suis dit que j'allais me faire défoncer. On perdait deux buts à un à la mi-temps, on n'était pas mauvais. Finalement, ça s'est bien passé, il ne m'avait pas dans le collimateur, il avait d'autres joueurs, donc c'était passé assez inaperçu. Mais c'était un grand honneur pour moi d'échanger mon maillot avec Ronaldo.

FM : c'était quoi la plus grosse soufflante à la mi-temps que vous ayez vue ?

La suite après cette publicité

JE : il y a eu Vahid avec moi contre l'OM. Il me reprochait je ne sais pas quoi, j'en avais marre, j'estimais qu'on faisait un bon match. Je lui ai tenu tête : "coach vous dîtes n'importe quoi. Si vous n'êtes pas content, vous me le dîtes et vous me sortez". J'avais un peu pété les plombs, mais on avait des résultats. Je l'ai trouvé dur avec nous, j'ai pris la parole un peu pour tout le monde. À la fin, on avait été bon particulièrement en deuxième mi-temps, il est venu me féliciter pour le match, on avait été bon et on avait gagné un but à zéro. Il y a aussi ce jour où Alain Perrin a perdu son vestiaire. À la mi-temps au Santiago Bernabéu, contre le Real Madrid, il y avait deux buts à un, on fait un bon match, c'était les Galactiques en face. Alain Perrin n'était pas content, il a invectivé des joueurs avec de l'expérience, des joueurs cadres et je pense que c'est là qu'il a perdu son vestiaire puisqu'il n'a pas fini l'année.

« Didier Drogba sans aucun problème. C'était un monstre »

FM : c'est cette année où vous allez en finale de la Ligue Europa.

JE : oui, José Anigo qui reprend le bébé, on finit troisième et on est reversé en Coupe de l'UEFA. On fait ce parcours avec l'Inter, Liverpool, Newcastle, au Vélodrome où j'ai des souvenirs magnifiques. Et on fait la finale, qu'on perd contre Valencia (2-0). Rencontre où Collina nous siffle un penalty et expulse Fabien Barthez à la 30e minute.

FM : mais comment vous analysez les changements de José Anigo et le contexte ?

JE : je crois que José a reconnu qu'il avait fait des erreurs. Mais à la hâte, que vous faites 0-0, que vous avez un penalty contre vous et que Fabien Barthez est expulsé, il faut faire rentrer un gardien et faire un changement. Dans la précipitation, il fait sortir Camel. Je pense que ça, ça doit le hanter parce qu'il a vu qu'il n’avait pas fait le bon choix.

FM : mais comment vous voyez le match sans le rouge, avec Didier Drogba à fond ?

JE : c'est difficile de refaire l'histoire. Je pense qu'on était face à une grosse équipe, une superbe équipe, Didier était amoindri. On était dans le dur, mais on savait que tout le monde à 300% et avec Drogba à fond, il pouvait faire la différence à tout moment, comme contre Newcastle. On avait des chances d'espérer, mais le penalty, le 1-0, jouer à dix et après on prend un deuxième qui nous a effacés. Ce n'est pas des bons souvenirs parce que le stade était minable, il y avait des gros soucis pour nos supporters de venir à Göteborg. Dans l'avion, la piste était trop petite. On a vécu une finale assez bizarre et pas bien organisée. OM-Valence en finale de la Coupe de l'UEFA, ça mérite un stade de 80 000 ou 90 000 personnes et, là, c'était plus 20 000 ou 30 000. Un stade avec une piste d'athlétisme, c'était vraiment très petit.

FM : c'est qui le joueur le plus fort avec lequel vous ayez joué ?

JE : Didier Drogba sans aucun problème. C'était un monstre. À l'entraînement, c'était dur. Lui, il arrivait de Guingamp, c'était dur. Il a énormément souffert en arrivant. Après il était exceptionnel, il a étouffé Mido, qui était la star de l'OM. De par sa gentillesse, Didier a été énorme. Franchement, Didier Drogba sans aucun problème.

FM : vous avez un pronostic pour dimanche ?

JE : oui ! Comme j'aime les deux équipes, je ne vais pas me faire des amis (rires). J'aimerais bien un match nul... Mais un 3-3 pour voir du spectacle ! Avec un point, les deux clubs avanceraient. L'objectif numéro un de l'OM, c'est la Champion's League. S'ils prennent un point un à Lille et qu'ils gagnent à domicile ça va sentir bon. En plus, malheureusement, ils ont perdu en Coupe de France, donc il ne leur reste que le championnat et je pense que ce n'est pas une mauvaise chose !

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier