Espagne : un report de l’Euro qui tombe à pic
La sélection espagnole n’arrivait pas dans les meilleures conditions pour cet Euro 2020. Avec un an de préparation supplémentaire, Luis Enrique et ses troupes pourront se présenter à ce grand rendez-vous avec plus de sérénité et plus de certitudes.
L’Euro 2020 n’aura pas lieu cet été, mais dans un an. Un report forcé par l’épidémie de coronavirus qui s’abat sur l’Europe, et par la volonté de l’UEFA de laisser les compétitions nationales se terminer dans les meilleures conditions en cas d’amélioration de la situation. Même s’il s’agit d’une crise sanitaire grave et que la santé d’une société passe avant tout, et surtout avant le football, force est de constater que d’un point de vue purement sportif, ce report fait les affaires de la Roja. Premièrement, car Luis Enrique a repris sa place de sélectionneur fin novembre, dans un feuilleton qui a fait polémique et qui a laissé l’intérimaire Robert Moreno sur le carreau.
L’ancien coach du Barça va donc avoir plus de temps de travail pour préparer la compétition. Même s’il avait déjà posé des bases solides avant de devoir faire un pas de côté suite à la maladie de sa fille, son remplaçant avait tout de même quelque peu modifié les bases, et n’avait pas encore trouvé de onze titulaire ou du moins un véritable squelette. Les dernières compositions de la Roja étaient ainsi souvent très différentes d’un match à l’autre, donnant l’impression qu’il y avait encore énormément de tests à faire à quelques mois de l’Euro. Luis Enrique va donc avoir le temps d’installer une composition type ou au moins une base de 7/8 joueurs fixes. Et surtout, il y avait de nombreux chantiers à résoudre : le poste de gardien, d’accompagnateur de Sergio Ramos, quelques doutes au niveau des latéraux, et des hésitations pour les postes offensifs. Ce report d’un an va donc permettre à Luis Enrique d’avoir plus de temps pour se pencher sur ces dossiers, tout comme les joueurs concernés vont avoir une saison supplémentaire pour confirmer leur explosion ou pour se rattraper pour ceux qui étaient dans le dur.
Le poste de gardien, le grand débat
Le cas du poste de gardien de but en est le meilleur exemple. Difficile de dire aujourd’hui qui aurait défendu les cages de la Roja en juin à travers l’Europe. Il y a encore deux ans, David de Gea était indiscutable. Mais les mauvaises prestations du Mancunien - en sélection principalement - ont changé la donne, et une véritable concurrence s’est installée avec Kepa, qui explosait à l’Athletic puis à Chelsea. Le Basque semblait même avoir pris le dessus sur le Red Devil, puisqu’il a démarré trois des six rencontres jouées par la Roja sur la saison 2019/2020, contre deux pour David De Gea et une pour Pau Lopez (face à Malte où Moreno a énormément fait tourner). Seulement, la situation s’est aussi dégradée pour lui, qui a perdu sa place de titulaire à Chelsea. Et dans le même temps, un autre produit de l’Athletic s’est distingué : Unai Simón, tout juste âgé de 22 ans et considéré comme l’un des tout meilleurs portiers du championnat espagnol. En Espagne, il était considéré comme le nouveau favori pour ce championnat d’Europe, et on attendait de le voir défendre les cages espagnoles pour la première fois pendant cette trêve internationale. Ce report de l’Euro va donc lui permettre d’avoir une saison supplémentaire dans les pattes, et d’engranger de l’expérience donc, pendant que De Gea et Kepa auront l’occasion de redresser la barre. D’ici un an, il sera peut-être plus facile de trancher pour Luis Enrique.
Qui pour accompagner Sergio Ramos ? C’est la grande question qui se pose depuis la retraite internationale de Gerard Piqué. Là, le problème est différent, dans la mesure où les candidats semblent plus ou moins tous au même niveau, mais vivent tous des situations différentes. Le défenseur de l’Athletic Íñigo Martínez a toujours plus ou moins fait office de candidat numéro 1, et s’il est très performant cette saison, les prestations de son équipe risquent de l’handicaper. Pau Torres (Villarreal) est la sensation de la saison, et comme pour d’autres jeunes joueurs, une saison de plus lui permettrait de gagner de l’expérience, d’autant plus qu’on parle déjà d’un possible transfert dans une grosse écurie européenne lors du mercato estival. S’il suit sa courbe de progression, on peut clairement l’imaginer aux côtés du Madrilène dans la charnière centrale, d’autant plus qu’il y a énormément de similitudes avec Gerard Piqué. Mario Hermoso avait lui aussi de grandes chances de se faire une place dans le onze type de la Roja il y a quelques mois lorsqu’il était à l’Espanyol, mais sa condition de remplaçant à l’Atlético lui aurait fermé les portes pour le mois de juin. Enfin, Diego Llorente pourrait, surtout si la Real Sociedad parvient à se qualifier en Ligue des Champions la saison prochaine, aussi prétendre à une place dans la compo de Luis Enrique.
Asensio, le renfort inattendu
Au milieu, les futurs noms de la liste sont déjà plus ou moins connus, et sauf catastrophe, on devrait voir, entre autres, Busquets, Rodri, Saúl, Thiago Alcantara, Isco, Fabian Ruiz ou encore Dani Ceballos que Luis Enrique apprécie beaucoup. Ce dernier pourra donc se remettre de cette saison en dents de scie à Arsenal. Ce délai d’un an va aussi permettre à Mikel Merino (Real Sociedad, 23 ans), qu’on a beaucoup vu avec les équipes de jeunes, de confirmer son excellente saison en Liga et de prétendre à une place. Comme Simon ou Pau Torres, il fait aussi partie de cette nouvelle génération que les fans espagnols attendaient à l’Euro. Devant, on pense forcément à Marco Asensio, qui devrait être opérationnel d’ici un an après sa grave blessure au genou. Un "renfort" de poids pour les ailes, dont Luis Enrique n’aurait pas pu profiter cet été. Enfin, la pépite Ferran Torres, que beaucoup présentent comme l’avenir du football espagnol, devrait s’assurer une place s’il continue de performer au même niveau que cette saison avec Valence. Tout portait de toute manière à croire que sa place pour 2020 était déjà assurée. D’autres jeunes joueurs comme Ansu Fati ou Dani Olmo, qui ne devaient a priori pas être de la partie, vont aussi avoir une saison supplémentaire pour convaincre Luis Enrique et éventuellement mettre en danger Mikel Oyarzabal ou Rodrigo Moreno, attaquant de pointe mais utilisé en tant qu’ailier en sélection.
Au poste de numéro 9, il y avait aussi des doutes. Alvaro Morata partait avec l’étiquette de favori, Luis Enrique appréciant beaucoup son profil, mais Paco Alcacer va avoir l’occasion de se remettre dans le bain. Raúl de Tomás (Espanyol) et Iñaki Williams (Athletic), ou même Mariano Diaz s’il parvient à se relancer dans un autre club, vont aussi avoir de sérieuses options. En revanche, il y a des côtés négatifs, forcément. Certains joueurs qui arrivent à un âge avancé vont en revanche en pâtir. On pense par exemple à Santi Cazorla, qui brille toujours avec Villarreal et avait réussi à se faire une place dans la liste lors des deux dernières journées internationales du haut de ses 35 ans. Même cas de figure pour Jesus Navas (34 ans), souvent titularisé à la place de Dani Carvajal mais qui risque de ne plus forcément être au même niveau physique d’ici un peu plus d’un an. Sergio Ramos et Sergio Busquets, qui seront indiscutables d’ici un an, auront respectivement 34 et 33 ans et une nouvelle saison surchargée dans les pattes. Autant dire que la Roja qu’on verra d’ici un an sera bien différente de celle qu’on aurait dû voir cet été !