Auteur d'un parcours atypique, Romain Perraud a rejoint la réserve de l'OGC Nice à 16 ans. Une arrivée rendue possible par deux belles sélections avec l'équipe de France U19. Milieu gauche de formation capable d'évoluer en tant que relayeur, il découvre peu à peu le poste de latéral gauche. Bloqué cette saison à Nice, il est parti au Paris FC pour acquérir davantage d'expérience et définitivement se fixer sur le flanc de la défense. Un choix payant pour lui, puisqu'il se montre performant et se retrouve en pleine lutte pour participer aux barrages d'accession à la Ligue 1.
Après avoir démarré attaquant tu as reculé pour te fixer en tant que latéral gauche. As-tu vécu cela comme une régression à l'époque ?
Romain Perraud : Non pas comme une régression, justement j'ai pris du recul, je me suis posé quelques questions au départ et puis je me suis dit que c'est au poste de latéral gauche que j'avais la plus grosse marche de progression. Parce que c'est en partant de plus loin, en apportant un atout supplémentaire, en venant de derrière que j'aurais été plus performant. Aujourd'hui, ça me donne raison parce que je réussis plutôt bien à ce poste. En fait c'est un poste qui met davantage en valeur mes qualités que lorsque j'étais milieu sur le côté. Je ne suis pas quelqu'un qui en un contre un va faire de vraies différences, va dribbler son vis-à-vis, mais je suis plus un joueur qui par le mouvement sans ballon, la vitesse de mes appels et ma qualité de relance avec le pied gauche arrive à déstabiliser l'adversaire. Reculer d'un cran, c'était mieux pour moi.
Comment as-tu fait pour t'adapter aux exigences de ce nouveau poste ?
RP : Au début ce n’est pas facile, cette année c'est ma première année complète à ce poste de latéral gauche. L'année dernière en réserve je jouais beaucoup au poste de milieu relayeur ou excentré gauche. Je n’ai pas fait une saison complète en tant que latéral gauche et cette année j'ai tout de suite été mis dans le bain en Ligue 2. C'est quand même un poste qu'il faut savoir bien contrôler, notamment défensivement. J'ai beaucoup appris tactiquement cette saison. Bien serrer mon couloir, être proche de mon défenseur central, avoir beaucoup de communication et puis ensuite il y a le un contre un face à mon vis-à-vis direct. J'ai beaucoup progressé et ça se passe plutôt bien.
Tu quittes Colomiers et rejoins Nice en juillet 2014. Tu disputes quatre saisons avec la réserve et tu es rapidement devenu un élément fort. Lors de la saison 2016/2017 tu disputes ton premier match avec Nice face à Krasnodar en Europa League. As-tu été surpris de débuter lors d'un match aussi important ? Comment as-tu appréhendé et vécu cette première ?
RP : Franchement j'ai été très surpris, après je m'y attendais un peu, car Nice était déjà éliminé de la Ligue Europa. C'était le dernier match de poules, mais de là à être titulaire, ça m'a agréablement surpris. J'ai été très étonné, c'est le coach de la réserve Laurent Bonadei qui m’attrape et me dit le mardi qui précède "Voilà Romain, après-demain tu seras titulaire en Europa League, prépare-toi." Forcément ça fait un choc, puis on s'y prépare, c'est toujours spécial. Après le match, on savoure puisque ça s'est bien passé, c'est que du bonheur, c'était une très belle expérience.
La saison dernière, tu disputes deux nouvelles rencontres d'Europa League (Vitesse Arnhem et Lokomotiv Moscou) et tu fais une apparition en Ligue 1 contre Saint-Étienne. Tu es aussi appelé dans le groupe à six reprises sans rentrer sur le terrain. Vivre plus souvent avec le groupe professionnel t'a aidé dans ta progression ?
RP : Oui bien sûr. Surtout la deuxième partie de saison puisque la première partie de saison, je m'entraîne avec la CFA (équivalent de la National 2 ndlr), la réserve. D'être aux côtés de joueurs comme Dante, comme Wylan Cyprien, il y avait vraiment de très bons joueurs en général à Nice et à l'entraînement. Ça m'a permis de me jauger, de tester mon niveau et ça se passe plutôt bien. J'ai eu l'opportunité de faire partie de quelques groupes pros. Une apparition en seizièmes de finale de Ligue Europa et voilà, c'est toujours intéressant.
«Ce n’est pas parce que je suis défenseur qu’il faut que je me cantonne à ce rôle de défenseur. Je suis là aussi pour aider mes milieux et mes attaquants à marquer.»
Cet été, Patrick Vieira t'a expliqué qu'il aimerait te voir effectuer un prêt pour acquérir de l'expérience. Comment as-tu pris cette décision de ton coach ?
RP : Non, moi je le prends bien et puis je m'y attendais parce que je n’ai pas joué la moindre fois à mon poste de prédilection qui est latéral gauche lors de la préparation. Tous les matches amicaux que j'ai faits, c'était soit au poste de milieu gauche, soit en tant qu'ailier droit. Je suis titulaire sur l'ensemble des matches amicaux, ce qui est vraiment étonnant, mais bon je me dis que ça ne va durer qu'un temps. Et puis en toute fin de mercato, Patrick Vieira vient me dire qu'il vaudrait mieux pour moi d'être prêté, d'aller gratter du temps de jeu ailleurs. À partir de là, je n'ai pas hésité la moindre seconde, l'opportunité du Paris FC s'est présentée et je n'ai pas hésité à sauter sur l'occasion.
Le Paris FC a-t-il été ton premier choix ? D'autres clubs sont-ils venus à ta rencontre ?
RP : Oui il y avait l'ESTAC de Troyes qui était chaud sur moi, mais ça a traîné, je n'avais pas non plus trop de nouvelles. On était déjà le 29 août, mais concrètement c'était le Paris FC. Le directeur sportif m'a appelé directement, il m'a dit "Voila Romain, on veut te faire signer, demain prends ton billet et tu seras à Paris". Il n'a pas tergiversé trop longtemps et ça s'est fait très rapidement avec le Paris FC.
Nice t'as prêté sans option d'achat. Considères-tu que c'est une belle marque de confiance ?
RP : C'est sûr que oui, il n'y a pas eu cette option d'achat. Après maintenant, on sait que ça ne veut plus trop rien dire puisque le marché des transferts ça se fait très très vite. On peut être transféré, on peut être prêté sans option d'achat et ne plus compter sur le joueur à la fin de la saison. Je n'ai pas trop fait attention à ça, s'il y avait une option d'achat ou pas. Je me suis dit "fais ta saison et tu verras à l'issue ce que le club veut faire de toi tout simplement".
Tu as immédiatement été installé titulaire et tu as disputé tous les matches de ton équipe en intégralité. Comment juges-tu ta première saison pleine au niveau professionnel ?
RP : Je suis plutôt satisfait, maintenant, je pense qu'il y a encore beaucoup de choses à travailler. Sur la partie statistique, j'ai marqué quatre buts, je pense que je peux en faire plus même à ce niveau là. J'ai une passe décisive, je trouve que ce n'est pas suffisant. Je devrais peut être en avoir quatre, ou cinq de plus. Et défensivement, j'apprends tous les jours. À chaque match, c'est un nouveau défi. Je me régale à essayer de progresser au sein de cette équipe, mais dans l'ensemble je trouve que c'est une saison satisfaisante. En plus de ça je prends beaucoup de plaisir sur le terrain et avec un groupe super. L'ambiance est magnifique. En plus de ça on est cinquième (désormais quatrième ndlr.) donc tout reste à faire. C'est que du plaisir, vraiment.
Se projeter vers l'avant est essentiel pour ton épanouissement sur le terrain ?
RP : C'est sûr, les coachs font en sorte que j'arrive à être positionné haut. Ils me demandent de jouer de cette façon. Avec des latéraux placés hauts, puis moi je me régale de prendre le couloir dès que je peux. Mon premier objectif, c'est d'abord de bien défendre et puis après dès que je peux apporter le surnombre offensivement, je n'hésite surtout pas. J'essaye de centrer dès que je peux. De frapper si une brèche s'ouvre pour moi . Pour moi, c'est ça le football. Ce n'est pas parce que je suis défenseur qu'il faut que je me cantonne à ce rôle de défenseur. Je suis là aussi pour aider mes milieux et mes attaquants à marquer.
Lors des dernières journées de championnat, le Paris FC a battu un concurrent direct, Lens (2-0), a tenu le coup contre Niort (0-0) et s'est imposé contre Châteauroux (1-0). Quatrième, le club est actuellement en ballottage favorable pour disputer les barrages d'accession à la Ligue 1. Néanmoins, la dernière saison (le Paris FC a terminé huitième) doit inciter à la prudence. Comment vivez-vous l'approche de cette dernière ligne droite ?
RP : Je pense que dans le groupe, personne ne se pose de questions. Maintenant, on est sûr de notre force parce qu'on sait souffrir tous ensemble. Il y'a un état d'esprit exceptionnel dans ce groupe, tous les joueurs font les efforts. Sur cette année, on a contesté la victoire à tous les matches. Mis à part contre Orléans en début de saison où on a pris 4-0, tous les autres matches, on a été dans le coup et on s'est battu comme des chiens. Aujourd'hui, je pense qu'on a une carte à jouer dans cette fin de saison et qu'on peut accrocher les barrages. J'en suis persuadé.
Si l'année prochaine, le chemin reste bouché pour toi à Nice, pourrais-tu effectuer un second prêt avec le Paris FC ? Même si le club ne parvient pas à décrocher la montée en Ligue 1 ?
RP : Ça on verra à la fin de la saison, ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, le contact avec le Paris FC est très bon. Je m'entends bien avec tout le monde dans ce club. C'est une saison fantastique, j'essaye de leur rendre toute la confiance qu'ils m'ont donnée, mais je pense qu'il est trop tôt aujourd'hui pour savoir ce que je ferais la saison prochaine. Faut d'abord finir cette saison. Comme vous l'avez dit, il y a une belle fin de saison qui se profile et on verra au mois de mai.
«Dans le football, il faut saisir ses opportunités, c'est comme cela que ça marche et puis après tout est possible.»
Alors que tu évolues toujours avec l'US Colomiers, tu reçois ton premier appel en équipe de France U17. Quelle a été ta réaction ?
RP : À l'époque je suis forcément déboussolé, c'est exceptionnel, c'est la consécration. Je suis en U17 nationaux à l'US Colomiers. Je suis passé par des sélections départementales, interdistricts et après j'ai cet appel pour deux matches amicaux face à la Belgique. C'est un rêve, je dois beaucoup à l'équipe de France, grâce à elle j'ai pu signer à Nice et puis plus tard ça m'a servi. Au début on a des étoiles dans les yeux.
Dès le premier match, tu es titulaire contre la Belgique et tu marques un but. Le scénario se répète deux jours plus tard à nouveau contre les Diables Rouges. À ce moment-là, tu te dis que le niveau professionnel te tend la main ?
RP : Je viens avec l'insouciance du monde amateur donc je ne me pose aucune question. Après je comprends que je commence à être convoité. En ayant loupé le coche à la sortie du pôle espoir, je me dis que le travail effectué n'a pas servi à rien. Je suis justement récompensé après cette belle sélection et là c'est tout un nouveau processus qui redémarre.
Après la sélection U17 tu suis ton développement et évolues avec les différentes classes d'âges. Pourtant tu n'es pas sélectionné par Ludovic Batelli pour l'Euro U19 remporté par les Bleuets en 2016 (génération Mbappé, Blas, Augustin et Harit). Comment as-tu géré cette déception ?
RP : Non ce n'est pas une déception, on est forcément déçu de ne pas être appelé. Maintenant faut être lucide et être très humble. Il y avait de très bons joueurs en sélection. Il y en a certains qui étaient devant moi à cette époque-là et c'est comme ça. Il faut parfois accepter qu'il y ait meilleur que nous et je pense que c'était le cas. Il faut continuer à travailler, ne jamais lâcher. Je n'en veux absolument pas à Ludovic Batelli, car il a toujours été franc avec moi et sincère. Il n'y a aucun problème. C'est une sélection, il y a des choix à faire et je comprends aujourd'hui ses choix. En plus ça lui a donné raison, car il a été champion d'Europe.
L'été dernier, tu participes au tournoi de Toulon et tu as la possibilité d'être titulaire. Tu as d'ailleurs été élu meilleur latéral gauche de ce tournoi. Comment as-tu vécu cette compétition ?
RP : C'est mon père qui m'en parle un peu à la fin de la saison. J'apprends que je suis sélectionné pour le tournoi de Toulon. Je l'écoute souvent, il me donne des bons conseils et il me dit de me donner à fond. Je pense que c'est une très bonne opportunité pour moi. Même si c'est un tournoi qui est mal placé, car c'est après la saison, pendant les vacances, je suis au top physiquement et ça se passe hyper bien, je fais un bon tournoi. Le fait d'avoir joué cette carte à fond, d'avoir tout donné durant le tournoi, m'a permis aujourd'hui d'être au Paris FC. Le club a vu les images du tournoi de Toulon. Ça m'a énormément servi. C'est un super tournoi qui est regardé dans le monde entier avec de super joueurs qui passent tous les ans. Il faut en profiter. Quand on est appelé, c'est une chance exceptionnelle. Il faut saisir ces opportunités à fond et croquer dedans, c'est une belle vitrine.
Cet été, les Espoirs participent à l'Euro en Italie et à Saint-Marin. Tu as déjà été appelé et tu réussis une belle saison. Est-ce que tu y penses ?
RP : Honnêtement, je pense qu'il faut être lucide, j'ai été appelé une seule fois, c'était pour remplacer Benjamin Pavard il y a deux ans pour une sélection amicale. Tous les joueurs qui ont participé aux dernières sélections se sont qualifiés eux-mêmes. Moi je n'ai pas participé à ces sélections. Forcément, je rêve d'être appelé un jour, mais il faut être lucide. Aujourd'hui, il y a des joueurs qui sont devant moi, qui évoluent en Ligue 1 ou dans des championnats étrangers. C'est toujours un objectif, il faut continuer à travailler, finir cette saison avec le Paris FC et on verra ce qu'il se passe.
En juin 2017, tu as remplacé Benjamin Pavard en équipe de France Espoirs. Un an après ce dernier a remporté la Coupe du monde. Le voir prendre une autre dimension aussi vite te donne-t-il des idées ?
RP : Forcément ça donne des idées puisqu'on se dit que le football, ça va très vite dans un sens comme dans l'autre. Lui c'est le meilleur des cas. Il faut tout simplement croire en ses rêves. C'est ce qu'il a fait je pense. Il a réalisé une très bonne saison avec Stuttgart et quand il a été appelé en sélection, il a été performant. Il a saisi ses opportunités. Dans le football, il faut saisir ses opportunités, c'est comme cela que ça marche et puis après tout est possible. C'est un parcours qui laisse admiratif, franchement c'est magnifique.
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