Qu'est-ce que l'ANS, acronyme souvent utilisé dans le jargon du football ? Foot Mercato s'est penché sur ce fameux accord de non-sollicitation auprès d'intervenants spécialisés. Explications.
Dénicher les stars de demain avant les autres, voilà l'une des obsessions des clubs sur le marché des transferts. Les écuries françaises n'échappent pas à la règle. Elles disposent d'ailleurs d'un contrat pour les verrouiller avant la concurrence : l'ANS ou accord de non-sollicitation. Un bail ainsi défini par les règlements de la Ligue de Football Professionnel en vigueur. «Tout groupement sportif, disposant d’un centre de formation conformément à l’article 101 de la CCNMF, pourra faire signer à n’importe quel moment, à un joueur âgé de 13 ans au moins au 31 décembre de la saison de signature, qualifié dans un club français n’ayant pas de centre de formation agréé ou étranger n’ayant pas le statut professionnel, un accord dit de non-sollicitation lequel fera l'objet d'un enregistrement par la Commission juridique de la LFP», peut-on lire.
Me Badou Sambagué, avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit du sport, nous en a dit un peu plus sur les dessous de cet outil. «L'ANS permet à un club de proposer, en amont, un contrat aspirant à un footballeur dès l'âge de 13 ans. C'est un contrat qui va l'engager pour deux saisons. Durant les deux premières saisons, il peut rester dans son club ou rejoindre le club professionnel qui le sollicite. Pendant ces deux premières saisons, il n'y a pas de rémunération, simplement un remboursement de frais kilométriques pour la famille du joueur. Au bout de ces deux ans, il a l'obligation de signer un contrat aspirant d'une durée de trois années, de 15 à 18 ans. Lorsqu'un joueur signe un ANS avec une structure professionnelle, l'ensemble des autres clubs professionnels est prévenu et il est interdit pour eux de solliciter le joueur ou sa famille», nous a-t-il d'abord expliqué. Une manière, pour les clubs (le nombre d'ANS autorisés par les textes varie en fonction de la catégorie du centre de formation du club) et les joueurs, d'avoir des garanties et une certaine lisibilité sur leur avenir commun.
Un contrat avec des avantages et des inconvénients...
Pour autant, ce système présente aussi quelques inconvénients. En signant ce bail à 13 ou 14 ans, le joueur se retrouve en effet lié au club pour bien plus longtemps qu'il n'y paraît. «Quand un jeune signe un ANS à 13 ans, il se retrouve donc obligé de signer un contrat aspirant de 3 ans à ses 15 ans. Il est donc lié au club jusqu'à 18 ans. Dans la dernière année du contrat aspirant, avant le 30 avril, le club peut proposer un contrat stagiaire au joueur. Si ce contrat stagiaire est refusé par le joueur, le joueur ou le club souhaitant le recruter a l'obligation de régler les indemnités de formation. Le joueur se retrouve souvent obligé de signer. Dans la dernière année du contrat stagiaire, avant le 30 avril, le club peut proposer un contrat professionnel de 3 ans au joueur. S'il refuse, le joueur doit payer les indemnités de formation. En réalité, quand on signe un ANS, on peut se retrouver engagé jusqu'à l'âge de 23 ans. L'engagement est donc beaucoup plus long que les deux ans de l'ANS à proprement parler», nous a confié Me Sambagué.
Par ailleurs, l'ANS impose d'autres contraintes, à un âge où il est encore parfois tôt pour prendre des décisions sur le moyen-long terme. En effet, la réflexion d'un joueur peut évoluer entre ses 13 et ses 18 ans de même que la situation d'un club en interne. C'est alors l'impasse. «En cas de non-signature du contrat aspirant avec le club lui ayant fait signer l'ANS, le joueur s'expose à ne plus pouvoir signer de contrat aspirant avec un autre club français, et ce, pour une période de trois ans. Il se retrouve donc privé de signer dans un autre club professionnel français avant l'âge de 18 ans», nous a-t-il exposé. S'il change d'avis, le joueur se retrouve alors dans l'obligation de se tourner vers l'étranger. «L'ANS, c'est vraiment franco-français. La grosse difficulté, c'est que cet ANS ne protège absolument pas les clubs français. C'est une sorte de pacte de non-agression entre eux. Mais il ne protège pas les clubs français des intérêts des clubs étrangers pour les joueurs français», nous a-t-il glissé avant de poursuivre.
«On a voulu protéger les joueurs et les clubs. Le joueur a la garantie de signer un contrat aspirant, ce qui est une garantie pour lui et sa famille. C'est aussi une garantie pour le club, qui a l'assurance de verrouiller un joueur pour l'avenir de son centre de formation. Mais il y a aussi des effets négatifs, puisqu'on a des sportifs qui vont se tourner vers l'étranger par défaut, alors qu'ils souhaitaient poursuivre leur progression en France. On peut changer d'opinion entre 13 et 18 ans. Et les parents sont alors obligés de se tourner vers les clubs étrangers, mais un transfert de mineur à l'étranger ne peut se faire avant 16 ans. On se retrouve donc souvent avec des joueurs qui, de 15 ans à 16 ans, doivent trouver une situation alternative en attendant de se tourner vers l'étranger, faute de pouvoir s'engager dans un autre club français», a lâché notre interlocuteur avant de conclure. «Il faudrait ouvrir la possibilité, pour les clubs français, de négocier la possibilité d'accepter qu'un jeune aille dans un autre club français, car, aujourd'hui, la loi ne le permet pas et l'ANS contribue alors à la fuite des talents à l'étranger, au lieu de contribuer à leur maintien en France». À bon entendeur.